Les filles de Caleb : Le grand mal de Lazare

<i>Les filles de Caleb</i> : Le grand mal de Lazare
Dans le troisième épisode de la série Les filles de Caleb, le jeune Lazare est victime d'une crise d'épilepsie. / Crédit : Attraction images

Au cours du troisième épisode des Filles de Caleb, Lazare, un des frères cadets d’Ovila, est secoué par une crise d’épilepsie, que l’on surnommait « le grand mal ». Ébranlée, Émilie s’efforce de calmer les élèves qui paniquent en croyant que le diable s’est emparé du corps du pauvre Lazare.

Anecdote de tournage : la bave de Lazare est créée par un mélange de chocolat blanc un peu dilué.  

« Quand le grand mal pogne quelqu’un, y faut lancer de l’eau bénite, vous devriez savoir ça, vous! »

– Mère de Marie, dans le troisième épisode


Par ses manifestations soudaines et incontrôlables, l’épilepsie faisait peur et demeurait  largement incomprise en cette fin du 19e siècle. Malgré l’omniprésence de la religion dans le quotidien des Canadiens français, leurs croyances étaient fortement teintées de superstitions de toute sorte. On en retrouve de nombreux exemples dans la série, notamment lorsque la petite Marie accuse Émilie de parler au diable parce qu’elle paraît jeune pour son âge.

Alors que plusieurs croyaient les épileptiques possédés du démon, d’autres attribuaient la maladie à la masturbation ou aux péchés commis par les parents des enfants atteints.

En fait, la croyance aux origines divines et magiques de l’épilepsie remonte encore plus loin. Il y a plus de 4000 ans, une loi babylonienne stipulait qu’un propriétaire d’esclaves pouvait obtenir un remboursement si sa « marchandise » souffrait d’une crise d’épilepsie au cours du mois suivant son achat.

Plus tard, les Grecs anciens l’appelaient « le mal sacré », même si le savant Hippocrate émettait déjà l'hypothèse d'un dérèglement cérébral qui n’avait rien de divin. Pragmatiques, les Romains la surnommaient « le mal comitial » parce que, lors de crises d’épilepsie, ils étaient forcés à interrompre les comices (assemblée du peuple). On craignait alors que la maladie soit contagieuse, une idée qui a persisté jusqu’au siècle dernier.

Plus tard, l’Occident chrétien a associé naturellement la mystérieuse maladie à une âme possédée par le diable. Dans la Bible, Jésus guérit un enfant vraisemblablement atteint d’épilepsie en ordonnant à l’esprit sourd et muet de sortir de l’enfant et de ne plus y revenir. Si c’est dans la Bible, c’est que ce doit être vrai!

Au Moyen Âge, les épileptiques avaient pour patron Saint-Valentin, et ils pouvaient espérer la guérison en effectuant des pèlerinages dans certaines villes d’Europe.

Malgré quelques études et traités de médecine à partir de l’époque moderne, on fait très peu de progrès dans la compréhension de la maladie avant la fin du 19e siècle. Il faut attendre le développement de la neurologie et surtout l’invention de l’électroencéphalographie, dans les années 20, pour démystifier le grand mal.

Bien que les cas soient parfois difficiles à confirmer sur les bases des témoignages contemporains, plusieurs figures marquantes de l’histoire auraient souffert d’épilepsie passagère ou chronique. Parmi eux, on retrouve notamment Jules César, Dostoïevski, Flaubert, le pape Pie IX, et possiblement Molière, Napoléon Bonaparte et Van Gogh.

Et l’épilepsie de nos jours?


Mme Marita Else Heymann travaille sur un modèle du cerveau, 1954 / Crédit : Bibliothèque et Archives Canada

La bonne nouvelle : grâce à l’amélioration constante des médicaments, de 70 à 80 % des cas d’épilepsie diagnostiqués sont traités avec succès.

La mauvaise nouvelle : sur les 50 millions de personnes épileptiques dans le monde, on estime que 35 millions n’ont toujours pas accès aux traitements adéquats.

Le diable avait le dos large

Le diable tient souvent le rôle principal de nos contes et légendes en prenant l’apparence d'un voyageur ou d’un bel homme vêtu de noir qui entraîne les jeunes filles au vice, notamment par l’intermédiaire de la danse, réprouvée par l’Église. Pour les croyants, Satan a ainsi longtemps joué un rôle dissuasif fort utile.