Dans la deuxième saison de Culturama, l’animatrice Chantal Lamarre et ses complices provenant de domaines artistiques multiples aborderont une fois de plus un grand nombre de thèmes ayant été utilisés pour façonner la culture contemporaine et la culture classique d’ici et d’ailleurs. L’équipe sera à nouveau épaulée par le G7, un panel formé de membres du public des quatre coins du Québec ayant des opinions bien arrêtées sur les sujets discutés au cours de l’émission et dont les points de vue alimenteront les conversations sur le plateau. Encore une fois cette année, c’est à un véritable bouillon de culture que le public aura droit en regardant Culturama!
Nous avons eu le privilège de poser quelques questions à Chantal Lamarre en lien avec des thèmes qui seront explorés par son équipe et elle dans les émissions de la deuxième saison, qui sera diffusée les vendredis à 20 h à compter du 13 janvier.
Voici ce qu’elle avait à nous dire.
Les animaux
Est-ce qu’il y a un animal vedette qui a marqué ton enfance?
J’aimais beaucoup le chat dans Alice au pays des merveilles et la plupart des animaux dans les émissions pour enfants, comme l’ancêtre de Cornemuse, un chien qui s’appelait Tommy l’Écossais. C’était un personnage qui était joué par François Tassé dans Grujot et Délicat à l’époque où les émissions pour enfants n’étaient pas soumises à des conglomérats de pédagogues et de spécialistes de la petite enfance. Ce chien-là était Écossais, avait un accent anglais et un baril de whisky dans le cou; j’en étais amoureuse folle. Pour moi, ce personnage exaltait un charme incroyable.
Je trouve que de faire la transposition d’une histoire en plaçant un animal en son centre, ça donne des permissions. Si tu penses à Maus, le roman graphique d’Art Spiegelman, c’est ça. On voit très bien de quoi il parle, mais en fait, ce sont des chats et des souris. Il aurait fait ça avec des personnages d’êtres humains que ça n’aurait jamais eu la portée de la métaphore qu’il fait avec les gros chats qui peuvent faire ce qu’ils veulent des souris. En fait, des fois, les animaux vont juste servir de symboles, de métaphores, de représentations qui ne sont pas faites pour être perçues tout de suite. Je pense aux lapins dans les pochettes d’Harmonium. Je me suis toujours demandé pourquoi il y avait des lapins. C’est sûr que les animaux ont toujours inspiré [les artistes] parce qu’on leur prête des intentions.
Crois-tu qu’un animal peut être un artiste?
Ça, c’est une maudite bonne question. Il y a des animaux qui sont dressés pour faire des numéros. Si on fait un numéro, qu’on est applaudi et qu’on reçoit un cachet, on est un artiste. Il y a quand même eu des toiles qui ont été peintes par des primates. Je dirais donc oui, pourquoi pas? Les animaux peuvent aussi aider les artistes. Je pense par exemple à tous les échantillonnages qui sont faits à partir de chants d’oiseaux ou à des symphonies qui ont été créées à partir de chants de baleine, ce qui était le matériau premier.
L’art (tableaux, sculpture et autres) ayant pour thème les animaux : oui ou non?
Ah, c’est oui. C’est oui, complètement! Si j’avais beaucoup d’argent, je pense que j’aurais beaucoup investi là-dedans. J’en achèterais, des œuvres, et j’encouragerais beaucoup d’artistes d’ici. C’est drôle, parce qu’à un moment donné, je me suis aperçue que je n’avais plus de murs dans la maison et je me suis dit que j’achèterais bien une sculpture. Je me demandais quoi, et chaque année à Infoman, on fait une exposition qui s’appelle la galerie Jean-Tal. On sollicite des artistes de tout acabit – amateurs ou professionnels – pour bâtir une collection toujours inspirée de l’actualité. J’avais eu cette idée-là il y a quatre ou cinq ans, mais je ne pouvais pas imaginer comment j’allais être portée par cette affaire-là.
Je pense que Culturama, ça vient peut-être un peu de là aussi. Je n’en reviens jamais quand on reçoit ce que les gens nous envoient, comme des graphiques ou des installations. Faire le choix parmi toutes les propositions, c’est vraiment excitant.
Il y a un garçon qui a participé et qui s’appelle Mathieu Gotti. C’est un artiste qui sculpte des animaux, mais ses animaux passent un message, surtout sur l’environnement. Il avait fait un ours polaire, mais un peu fondu, habillé d’une chemise d’été. C’est un pauvre ours sur une banquise qui n’existe plus. La sculpture mesure à peu près 8 pieds et pèse une tonne et quart. Ce gars-là est parti de Québec avec son œuvre dans la boîte de son pick-up pour nous la livrer. Je suis tombée amoureuse de l’ours. Je lui ai dit que je voudrais bien avoir un Gotti à un moment donné, et j’ai fini par acheter un renard. L’année dernière, pendant la pandémie, j’ai eu une envie d’avoir une autre de ses sculptures. Je lui ai demandé s’il avait une œuvre à me suggérer que je pourrais mettre dans ma maison. J’ai finalement choisi un lévrier anarchiste avec des petites grenades devant lui et des cocktails Molotov. C’est hallucinant. Tous les jours, je passe devant la sculpture et je suis vraiment heureuse de l’avoir. Je suis toujours attirée par quelque chose qui va avoir la forme d’un animal. Si je pouvais, je mettrais ça partout chez moi.
La bouffe
Si tu avais à porter une robe faite avec un aliment, lequel serait-ce?
Ce serait quelque chose de végétal. Je pense que j’aimerais avoir une robe composée de feuilles. Il me semble que le chou kale est assez résistant. (Rires) Quelque chose qui ne pose pas trop problème quand ça commence à flétrir, vers minuit. J’aurais de la misère avec la texture de la viande. Je ne voudrais pas non plus quelque chose de visqueux. J’ai déjà joué un sketch avec une poule sur la tête et je ne sais toujours pas comment j’ai réussi à le faire. (Rires) Je devais être sous le coup de l’adrénaline, parce que vraiment... Eurk. Catégoriquement : des fruits ou des légumes.
Quel mets représente la culture populaire selon toi?
Je dirais des bines, parce que c’est fait avec peu de choses. Ça nourrit, ça a tenu les gars dans les camps de bûcherons à l’époque. Toutes les familles faisaient ça. Du lard et des haricots secs, on est vraiment capable d’étirer ça et de nourrir beaucoup de personnes avec ça. J’irais avec un plat comme ça qui tient au corps plus que de la poutine. On dirait que [la poutine] c’est dans la culture pop, mais pas dans nos racines profondes. J’irais avec la bonne bine.
Quelle œuvre en lien avec la nourriture t’a le plus marquée?
J’aime beaucoup les films sur la nourriture. Tu me dis ça et je me demande ce qui m’a le plus marquée. Est-ce que c’est Le festin de Babette? Récemment, j’ai revu La grande bouffe pour préparer l’émission de Culturama sur la nourriture. Ça m’a marquée, mais pas dans le bon sens, ça m’a horrifiée. Je me suis aperçue en le regardant que je n’avais pas l’âge pour voir ça. Je l’ai vu complètement autrement. C’est absolument provocant, et c’est vraiment fait pour toucher la zone sensible chez tout le monde. C’est pervers, c’est dégueulasse, mais je pense que j’aimerais mieux parler d’un film beau où on prépare un repas. Je te dirais Le festin de Babette. J’ai fini par la manger une fois dans ma vie, la fameuse caille en sarcophage, et je vivais quelque chose.
C’est bon, ces films-là, mais c’est rarement des grands films. Je pense que Charlie et la chocolaterie, c’est très bon parce qu’on se rend compte de la façon dont le bonbon peut prendre de la place dans la psyché des enfants et même dans celle des adultes. Cette récompense du sucre, c’est très beau. Il y a un film – comment ça s’appelait? –, c’est un film américain tout simple qui raconte l’arrivée d’immigrants italiens à New York dans les années 1930 ou 1940 et qui finissent par imposer leurs vraies recettes pour ouvrir un restaurant. C’est très beau.
Dans les films français, ça mange, ce qu’on ne voit pas dans les films américains. Oui, il y a de la nourriture sur la table, mais les personnages ne mangent pas. Dans les films français, ils mangent. Après le repas, ils s’étendent un peu pour diriger tout ça. On a vu ce qu’ils étaient en train de manger et ça avait l’air bon. La bouffe n’est jamais un accessoire, mais un personnage; quelque chose d’important dans la vie. Je trouve que les Américains ne l’ont tellement pas pour ça. Ils ont fait le maudit film cochon épais avec Kim Basinger qui était devant le frigo, une insignifiance! (Rires) Les films français savent traiter la nourriture avec énormément de respect, et ça rend l’affaire très attrayante. On regarde ça et on a faim.
Les voleurs
Quel voleur fictif a marqué ton imaginaire?
Arsène Lupin. C’est un personnage que j’ai beaucoup aimé quand j’étais une jeune lectrice parce que tout est là-dedans : les faussaires, la substitution d’un objet d’art par un autre. Je trouve que c’est une maudite bonne histoire qui fait vraiment travailler l’imagination. Les voleurs qu’on aimait aussi, c’était ceux qui créaient du faux, de l’artéfact; ceux qui nous amenaient à nous demander ce qui avait vraiment de la valeur et où on mettait [la valeur] en art aussi. Les voleurs, bien sûr, les grands : les Robin des bois. C’est le fun d’en parler pour les remettre en contexte aussi, parce que, souvent, ces histoires-là qui deviennent des faits, des légendes, sont nées de stéréotypes. Des fois, on a dévié du but qui était visé dans la première version de l’histoire. C’est fascinant.
Quel est ton film de cambriolage préféré?
Je me rappelle avoir aimé The Great Train Robbery. Ma fille, Agathe, me dit Catch Me If You Can. Est-ce que c’est vraiment du cambriolage? C’est un faussaire. C’est vrai que c’est bon, cette histoire-là avec Leonardo DiCaprio qui a des dédoublements de personnalité, qui est un mythomane. C’est très à la mode maintenant. J’ai regardé beaucoup de documentaires sur l’usage de faux, de gens qui se sont créé une identité factice et qui ont réussi à flouer plein de monde. C’est dans l’air du temps, ça suscite de l’intérêt. J’ai vu le documentaire Tinder Swindler récemment. C’était terrible, ça glaçait le sang parce qu’en plus, il est à l’air libre, ce garçon-là.
Mais la meilleure affaire de catfishing que j’ai entendue, c’est un long balado qui s’appelle Sweet Bobby. C’est une anecdote réelle avec les vrais protagonistes qui ont accepté de participer à la production. C’est une histoire qui a duré environ 10 ans, d’une fille qui tombe amoureuse d’un Bobby qu’elle croit connaître, mais qui se révélera être une tout autre personne. Elle ira jusqu’à tout perdre : son amour propre, son identité, sa santé mentale. La protagoniste, c’est une animatrice de radio vivante, ancrée dans la vie, toujours au fait de tout, alors on a de la misère à concevoir qu’elle tombe dans le panneau, mais dans ces histoires-là, ce ne sont jamais des nounounes qui se font prendre. Vraiment pas. On se dit que la fille avait sûrement une propension à tomber dans quelque chose d’un peu clinquant – personnellement, je ne pense pas que ça m’aurait beaucoup attiré –, mais ce n’est pas une imbécile. Sweet Bobby, c’est ça, mais ça joue encore plus dans la tête parce qu’on a le récit réel qui nous est raconté. C’est long avant qu’elle se livre parce que c’est extrêmement difficile de le faire après avoir vécu une supercherie de cette ampleur.
Est-ce qu’on croit à la supercherie parce qu’on veut y croire, ou parce qu’on est déjà trop impliqué émotivement? Est-ce qu’on est dans le déni parce que la réalité est beaucoup trop brutale? On se fait avoir complètement. C’est bon, ces histoires-là.
Crois-tu que l’art a trop romancé l’image du voleur?
On pourrait dire exactement la même affaire avec les prostituées, par exemple. Dans certaines œuvres, elles sont idéalisées. En peinture, elles sont magnifiées. Ce n’est pas une réalité très jojo. Dans Breakfast at Tiffany’s, le film de Blake Edwards, la protagoniste est une prostituée. On ne s’en rend pas vraiment compte parce qu’elle a juste l’air d’une fille un peu mondaine, écervelée sur les bords, superficielle en amour, qui n’aspire qu’aux belles choses de la vie. Une fille de party. C’est beaucoup plus profond que ça. Sweet Charity, c’est une prostituée qui pense qu’elle va s’affranchir parce qu’elle a rencontré un bon garçon qui, quand il réalise qui elle est vraiment, la laisse tomber. Mais c’est une histoire psychédélique avec de la danse. C’est drôle. Les nuits de Cabiria, c’est la même affaire.
Pour ce qui est des voleurs, c’est un peu le même principe : souvent en fiction, les voleurs vont devenir des héros. Il y a une catharsis. Dans La Casa de papel, ce sont des voleurs, et on a envie d’être dans leur gang. Combien de gens raffolent des films de mafia? On a vu Le parrain à l’endroit, à l’envers. Ce n’est pas parce qu’on a de bas instincts et qu’on veut faire partie de la mafia, mais il y a quelque chose de fascinant à regarder ces gens-là qui vont régler leurs comptes d’une façon aussi brutale. Tu n’as pas été loyal? Tu disparais. Les voleurs, c’est sûr que c’est la même chose. Dans beaucoup d’œuvres, est-ce qu’on a rendu le voleur rusé, sympathique? Tout à fait. Je pense que ça se peut que ce soit une des fonctions de l’art : d’apporter un autre regard sur une multitude de sujets.
Le corps
Le corps est-il une œuvre d’art?
Ah, ben oui. Ah oui. Tous les corps sont émouvants. On ne se tanne pas de le sculpter, de le filmer, de le peindre. Bien sûr.
Le culturisme est une forme d’art : oui ou non?
Si on va jusqu’à dire que toutes les formes d’art ne me touchent pas, je dirais oui. (Rires) C’est un excès. En même temps, les premiers qui se sont adonnés à ça, on se dit qu’ils voulaient être en maîtrise de quelque chose. Les femmes qui le faisaient encore plus, parce qu’on leur a dit tellement longtemps qu’elles ne pouvaient pas faire de sport parce qu’elles ne pourraient pas procréer. Que c’était mauvais pour leur santé, pour leur fertilité. Qu’elles n’étaient pas faites pour ça. C’est relativement nouveau que des femmes pratiquent cette discipline. C’était des filles hyper intuitives et bad ass qui ont dit qu’elles pouvaient augmenter leur résistance, leur force, qu’elles pouvaient bouger, elles aussi, et faire du sport. C’est révolutionnaire.
Quel art ayant le corps comme instrument (ballet, danse, cirque, art performance, etc.) t’émeut le plus?
Tout ça. Je ne me tannerai jamais de regarder de la danse. C’est l’art le plus démocratisé dans mon œil, dans mon goût. J’ai le cœur grand ouvert en en observant. Je peux regarder un couple de 90 ans faire une polka et trouver ça beau comme un grand artiste de danse contemporaine qui est en train d’exorciser sa vie au complet avec une technique incroyable. J’aime le ballet classique, le folklore. Regarder des Russes danser, il n’y a rien que je trouve plus enlevant. Toutes les danses folkloriques, je trouve ça beau. J’aime la claquette. Tout ça, tout ça, tout ça.
Ça me choque quelqu’un qui dit que c’est insignifiant. Je me rappelle qu’on avait fait une émission sur les cowboys et que Mélanie Demers – elle a le droit et je suis contente qu’elle dise ça – avait mentionné que ça la heurtait, de voir de la danse en ligne. Moi, je ne peux pas penser à autre chose qu’au fun qu’on a à faire de la danse en ligne; à la communion de faire une chose relativement simple, d’y arriver et d’être dans la gang. Elle m’a dit que j’avais raison, mais je la comprends aussi parce qu’elle donne son point de vue avec son œil esthète, de professionnelle de la danse. Je ne suis pas une professionnelle de la danse, je suis une amoureuse. Et j’adore la danse sous toutes ses formes.
Les clowns
Quand je te parle de clowns, lequel te vient à l’esprit en premier?
J’aime beaucoup le clown qui va utiliser les vecteurs du grotesque, de la moquerie, tout ça. J’aime les clowns modernes qui n’ont pas un nez rouge. Par exemple, le musicien Victor Borge. C’était un grand fantaisiste des années 1950-1960 qui faisait de la télévision. Il était un virtuose de la musique, mais tous ses numéros sont clownesques. Je regarde ça encore et je ris! Mr. Bean, c’est un clown, même s’il n’en a pas l’allure typique. J’aime le clown emprunté à la comedia dell’arte. Comme comédienne, je trouve que c’est un des aspects où l’on se découvre énormément, parce que le clown, c’est l’abandon, mais en même temps, c’est le contrôle, le pouvoir qu’on a sur son public, d’être capable de le faire réagir parfois avec de petites choses. Ce n’est pas vrai que le clown est si déglingué que ça : il est parfaitement en contrôle, il connaît sa place dans la société.
J’aurais aimé ça pousser plus loin là-dedans personnellement. J’aurais aimé ça développer mon clown plus que ça. La plupart des gens vont dire qu’ils haïssent ça, que ça les angoisse, qu’ils trouvent ça laid, mais en fait, le clown, c’est le personnage qui est le plus humain. Un clown, à la base, c’est quelqu’un qui a tous les canaux ouverts, de parfaitement vulnérable. Je suis très sensible à la clownerie et au jeu physique. J’aime ça, j’aime voir Jim Carrey en transe ou d’autres comiques de cette trempe-là : les frères Marx, Charlie Chaplin.
Est-ce que les clowns te font sourire ou te terrifient?
Au cirque, je ne les apprécie pas, mais en même temps, ils sont une espèce de liant dans le spectacle. Il y en a toujours eu des talentueux qui apportent énormément à la représentation. Il ne faut pas que le clown soit là uniquement pour faire des sparages. Non, non, non. Je trouve le clown de centre d’achats laid. (Rires) On l’a souvent utilisé dans des rôles tristes, comme pour celui du Joker. Ça me fait tellement mal de voir cette image-là. Le pauvre gars dans une agence de clowns qui tient des pancartes pour annoncer les soldes dans des magasins. Les enfants le frappent et volent son écriteau. En même temps, c’est le clown tel que la plupart des gens le voient : un pauvre misérable. Alors qu’il peut avoir beaucoup de pouvoir. Le clown, en partant, ça va être un loser. C’est Jerry Lewis. C’est un pauvre bougre. Je parle beaucoup de gars, mais je pense aussi à Lucille Ball.
Des clowns féminins modernes, il y en a peu. Dans le genre, il y a Melissa McCarthy et quelques filles de Saturday Night Live. Je trouve ça formidable.
Quand j’étais jeune, je regardais Gilda Radner et j’enviais sa liberté. Pour beaucoup de femmes, voir une femme pitre, ça les heurte, ça les confronte. Bien sûr, il y a la Poune et on en parle dans l’émission, mais Pierrette Robitaille sur une scène, elle est absolument magique. Elle prend beaucoup de place, elle connaît toutes les ficelles du métier et les utilise bien. Elle ne tire pas la couverte non plus. Je me souviens de la voir en transe au théâtre. Elle était très drôle, et il y a une femme à côté de moi qui était enragée noir; elle soupirait, elle n’était pas capable de le prendre. Je me dis qu’elle ne pouvait pas le prendre parce qu’elle regardait une femme jouer ce rôle. Elle n’avait tellement pas accès à ça dans sa propre personne que ça la dépassait. Ça n’enlève rien à Pierrette; la plupart des gens riaient, mais moi-même, dans la vie, il y a du monde qui me demande si je suis gênée de faire ce que je fais. On n’aurait jamais demandé ça à un gars, mais à une fille, encore aujourd’hui, ça se fait. Mais moins, parce qu’il y a de plus en plus de femmes humoristes et qu’elles prennent de plus en plus de place, mais c’est relativement nouveau.
Même là, je suis certaine qu’il y a beaucoup de gars qui trouvent ça dérangeant. On vit encore avec le stéréotype qui veut que ce soit les gars qui sont drôles et les filles qui rient. Franchement, je pense qu’il va falloir qu’on dépasse ça à un moment donné. Il y en a toujours eu, des filles drôles.
Chantal Lamarre, merci beaucoup!