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Alors qu’elle vient de transformer de vieilles broches en sublimes boucles d’oreilles, Tracy Trash l’avoue d’emblée, une bouteille de bière à la main: «Je suis une plotte à public!» Rappelons tout de suite que les drag queens, avec leur langage cru et souvent grivois, s’adressent à un public averti. «Nous sommes des clowns pour adultes, on fait de l’humour de bar», précise Tracy Trash, alias Marc-André, un comédien de formation qui travaille au Cabaret Mado depuis 14 ans. Depuis sa prime jeunesse, Marc-André aime attirer les regards. «J’aime ça la scène, j’aime ça interpréter! Qu’est-ce que tu veux? J’aime ça jouer!» Et il y a de quoi s’amuser! En effet, l’art de la drag queen permet aux artistes de toucher à une variété de techniques, en passant du chant à la danse, du théâtre à la comédie.
Si l’idée de devenir drag queen ne lui était jamais passée par l’esprit, Gabriel sait depuis toujours qu’il doit passer sa vie sur la scène. Possédant une formation en chant, c’est maintenant en interprétant Gabry Elle qu’il arrive à vivre de sa passion à temps plein et de fouler les planches plusieurs soirs par semaine. «Ça m’équilibre. C’est important d’assouvir ses passions, peu importe c’est quoi. Si tu as la
passion du tricot, ben t’as pas le choix de tricoter sur une base régulière pour être heureux. C’est la même chose pour moi!»

Être admiré, divertir, performer : la plupart d’entre nous arrivent à comprendre ce besoin. Mais le faire en personnifiant une femme? C'est souvent ce point qui fait sourciller certaines personnes. «Moi je ne me sens pas femme, je
suis une drag!», explique Sébastien, l’artiste derrière Barbada. «Je vois pas non plus pourquoi une femme porterait ce qu’on porte dans la vie de tous les jours», ajoute-t-il en riant. Jean-François croit que leur métier est encore incompris. «Avec la série ILS de jour, ELLES de nuit, ça va peut-être devenir une référence!» D’ailleurs, lui non plus n’était pas destiné au milieu de la drag. C’est pour la fête d’un ami qu’il a plongé une première fois dans cet univers qui lui était plutôt inconnu. «J’avais moi-même des préjugés avant d’arriver dans le milieu. Je pensais que les drags étaient toutes des droguées, qu’elles n’avaient pas d’éducation.» C’est maintenant à son tour, lui qui incarne Rita Baga, de reprocher aux gens de penser ainsi! Parmi les idées préconçues qu’elles ont déjà entendues, on les imagine fétichistes, instables psychologiquement et sexuellement, efféminées et surtout mal dans leur peau. «C’est tout le contraire! On est tellement bien dans notre peau qu’on en veut une deuxième, une troisième, une quatrième...», s’exclame Marc-André.

De plus, contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, l’art de la drag queen ne rime pas avec homosexualité. Comme le souligne Marc-André, plusieurs acteurs de cinéma sont à l’aise avec leur féminité et cela leur permet d’offrir une plus grande palette d’interprétation. Puisque c’est bien de cela dont on parle, d’interprétation! Léa, une jeune femme de 19 ans qui personnifie Lady Poonana, espère
que la série fera comprendre aux téléspectateurs qu’«être une drag queen, c’est un art. Au même titre que Marie-Mai, Van Gogh ou Kent Nagano, nous sommes des artistes.» Selon elle, la drag queen est une plateforme artistique où il est possible de se transformer en un personnage plus extravagant que soi chaque jour.