L’année 2019 marquera le dixième anniversaire de carrière de l’illusionniste Luc Langevin. Une réussite qui ne se sera assurément pas faite comme par magie... Il aura fallu un travail acharné pour transformer le petit garçon timide de Saint-Augustin-de-Desmaures qui rêvait d’être magicien en l’artiste de renommée internationale qu’il est aujourd’hui devenu. Suivons-le sur la voie de la mémoire.
«J’avais 6 ou 7 ans la première fois que j’ai vu un magicien, se rappelle Luc. Ça m’avait complètement fasciné de voir du monde faire des choses que je croyais impossibles. Ça bousculait tout ce que je connaissais de l’univers; j’ai eu envie de comprendre comment ça fonctionnait.» C’est en regardant Michel Cailloux, alias Michel le Magicien, enseigner ses tours à la télévision que le jeune Luc se met à apprécier toute l’ingéniosité qu’on trouve derrière les numéros de magie. «Je voyais aussi là une occasion d’entrer en contact avec les gens, puisque, à l’époque, j’étais très introverti.»
C’est en effet la magie qui l'a délivré de cette timidité maladive, nous raconte-t-il. À 12 ans, s’étant fait demander de dessiner son plus grand rêve dans l’un de ses cours, il s’est représenté en train de faire un tour de magie sur scène. Un dessin qui a beaucoup surpris sa professeure, qui le savait très réservé. C’est pourquoi elle l’a encouragé à faire un numéro de magie au spectacle de fin d’année. «J’étais terrifié, mais j’ai accepté pour lui faire plaisir. Cette première fois où je suis monté sur scène a changé ma vie, affirme Luc. Au moment où la foule s’est levée pour m’applaudir, j’ai éprouvé un immense sentiment de valorisation, et j’ai su que c’était ça que je voulais faire de ma vie.»
Lorsque Luc a eu 16 ans et que ses parents ont réalisé que son désir de devenir magicien n’était pas qu’un rêve d’enfant, ils ont commencé à s’inquiéter. «Pour eux, il ne s’agissait pas d’une vraie profession, raconte-t-il. Puisque j’avais de très bonnes notes en sciences et en mathématiques, ils me voyaient devenir ingénieur ou pratiquer un autre métier plus honorable.» Pour les rassurer, Luc a donc poursuivi ses études en sciences pures au cégep, puis en génie physique à l’université.
Parallèlement à ses études, il se démenait pour déployer sa carrière d’illusionniste. «J’animais des fêtes et des partys de bureau, je me suis fait une carte d’affaires et un site web, j’ai été amuseur public dans les rues du Vieux-Québec… Je me faisais de plus en plus engager, mais jamais assez pour en vivre», relate Luc. Il évoque une grande période de doutes, où il a beaucoup souffert de réaliser qu’il n’était pas en mesure de gagner sa vie en faisant ce qui le rendait le plus heureux.
Luc perdait de plus en plus espoir, sans toutefois baisser les bras. «J’ai décidé de faire une maîtrise, puis un doctorat pour retarder mon entrée sur le marché du travail, car je savais que cela mettrait définitivement fin à mon rêve», se remémore-t-il. Il a continué de s’affairer à percer dans le métier quand, un beau matin, il a reçu le courriel qui allait tout changer: Téléfiction, une maison de production montréalaise, était à la recherche d’un magicien pour un projet de série télé qu’elle était en train de développer.
«C’était vraiment la chance que j’attendais depuis toujours. Je me disais que c’était là que ça allait passer ou casser. J’ai fait l’audition, mais j’en suis ressorti avec un mauvais pressentiment; je trouvais que la réaction des juges avait été plutôt mitigée, se souvient Luc. Je me suis résigné à l’idée que je ne serais jamais magicien, mais qu’au moins, j’avais tout essayé.»
Le lendemain, à sa grande surprise, il a reçu un appel lui annonçant qu’un autre candidat et lui avaient été retenus parmi 25 personnes pour la deuxième audition. «À ce moment-là, c’est comme si j’avais su que j’allais l’avoir, et en effet, c’est moi qu’ils ont fini par choisir.» En mai 2009, l’émission Comme par magie était diffusée sur les ondes d'ARTV, lançant du même coup la carrière de Luc.
Même si son rêve de devenir magicien prenait enfin forme, Luc n'a pas pour autant délaissé son amour pour la science, l’intégrant au contraire le plus possible dans ses numéros. C’est d’ailleurs son profil scientifique qui l'a démarqué des autres candidats lors des auditions de Comme par magie, nous apprend-il. «Le producteur de la série avait vu mes études sur mon CV et avait adoré le l’idée d’un magicien qui utilise la science pour faire ses tours. On est donc allés dans cette direction-là; chaque épisode avait un thème scientifique autour duquel je bâtissais des illusions. La première saison a eu un tel succès qu’on nous en a commandé une deuxième avant même qu’elle ait fini d’être diffusée!»
Depuis, sa nature de magicien scientifique est devenue sa signature professionnelle. «La majorité des tours de magie résultent de principes scientifiques méconnus, explique Luc. Mon bagage me permet donc de comprendre le fonctionnement des numéros et de les pousser plus loin. Ça m’aide à générer des illusions inédites. J’utilise aussi un discours scientifique au moment de présenter mes tours. Au lieu de parler de poudre de perlimpinpin et de pouvoirs surnaturels, par exemple, je vais nommer le phénomène scientifique que je m’apprête à démontrer; ça donne une certaine crédibilité au numéro.»
Luc préfère le terme illusionniste, qui désigne ceux qui donnent l’impression d’avoir des pouvoirs magiques, à celui de magicien. «Le mot magicien réfère à la fois aux personnages fantastiques du monde imaginaire comme Merlin ou Gandalf, et aux prestidigitateurs comme moi ou encore David Copperfield et Houdini, qui ne prétendent pas avoir de dons paranormaux. Avant, quand je disais aux gens que j’étais magicien, il y avait toujours un malaise, comme s’ils m’imaginaient en train de gonfler des ballons dans des fêtes d’enfants…»
Bien d’autres préjugés accablent la réputation de la magie, estime Luc. Il déplore notamment le fait qu’elle ne soit pas reconnue comme un art de la scène à part entière comme le théâtre ou encore l’humour. «Tant qu’on n’a pas vu l’envers du décor, on ne sait pas à quel point c’est difficile de créer et de présenter un tour de magie, insiste-t-il. C’est un art qui a mal vieilli, les gens ont encore l’image ringarde du magicien qui scie son assistante en deux. Heureusement, une vague de magie moderne traverse actuellement la planète; on voit de plus en plus de jeunes magiciens qui ne portent pas de cape ou de chapeau et qui utilisent les nouvelles technologies pour faire leurs numéros.»
Le tour favori de Luc est celui de l’élastique. «Ça doit faire plus de 20 ans que je fais ce tour-là, c’est d’ailleurs l’un des premiers que j’ai appris, remarque-t-il. C’est un numéro tout simple qui se fait avec deux élastiques que je mets autour de mes doigts. Je les approche tranquillement et on voit les élastiques passer l’un à travers l’autre. Je peux aussi faire tenir l’un des deux élastiques par quelqu’un d’autre.»
Il s’agit d’un numéro purement visuel, qui n’a pourtant pas de contrainte d’angle de vue. On peut observer Luc de tout bord, tous côtés sans parvenir à élucider le fonctionnement de l’illusion. «Ça fascine toujours les gens, autant les enfants que les adultes, se réjouit Luc. C’est le tour que je fais quand on me demande de faire un numéro de façon impromptue puisqu’il est si simple, mais qu’il génère des réactions très fortes. Ça résume tout ce que j’aime dans l’art de la magie: une petite parcelle d’ingéniosité qui fait vivre des émotions aux gens.»
La carrière internationale de Luc est en plein essor. De février à mai 2019, il sera d’ailleurs en tournée européenne dans quatre pays. «Les choses vont bien pour moi en ce moment, surtout en France. Les gens me reconnaissent et on vend de plus en plus de billets. La prochaine étape sera sans doute les États-Unis.»
Il y a un an, Luc est aussi devenu papa. Une nouvelle réalité qui l’amène à s'interroger sur le genre de vie qu’il souhaite mener. «La conciliation travail-famille n’est pas toujours évidente, la routine est souvent bousculée. On est beaucoup sur la route; avant d’avoir 1 an, mon fils était déjà allé sur trois continents! On essaie donc de trouver des moyens d’avoir un semblant de vie de famille normale à travers cette vie d’artiste qui est très mouvementée. Je pense qu’en fin de compte, mon fils aura de beaux souvenirs d’enfance liés à cette période.»
Luc ignore de quelle manière sa carrière sera appelée à être transformée dans les prochaines années. «Est-ce que je serai à la télévision ou sur scène? Est-ce que je m'associerai à d’autres artistes ou est-ce que je produirai de nouveaux talents? Même en étant magicien, je ne peux malheureusement pas prédire l’avenir! Une chose est sûre, la magie fera assurément encore partie de ma vie.»
Une série de quatre épisodes
mettant en vedette Luc Langevin
et trois de ses complices:
Stéphane Bourgoin, Viktor Vincent et Gus.
Contenu:
Noémie C. Adrien
Direction artistique et design:
Étienne Dicaire
Photos:
Jocelyn Michel, Consulat
Intégration:
Studio Bib Interactif
Coordination:
Pierre-Anaïs Parent St-Gelais