5 citations sur la quête du bonheur dans l’œuvre de Gabrielle Roy
Catherine Dulude
14 décembre 2021
L’œuvre de Gabrielle Roy est largement inspirée de ses expériences de voyage, expéditions, reportages durant ses années de journalisme et, bien sûr, de son héritage manitobain. Bien qu’elle l’ait quitté dans la trentaine pour n’y revenir qu’en visite, il continue d’occuper une place dominante dans ses écrits. Gabrielle Roy quitte ses racines pour mieux les retrouver une fois devant sa machine à écrire, et saupoudre ses textes de moments de bonheur.
Ne manquez pas la diffusion de la saison 2 de la série Le monde de Gabrielle Roy sur ICI Télé, à partir du 2 avril à 20 h. La série est aussi offerte sur ICI TOU.TV EXTRA.
Dans « L’enfant et le vieillard », qu’on retrouve dans le recueil La route d’Altamont, alors qu’elle découvre enfin le lac Winnipeg, la narratrice se réjouit de ressentir cet état de flottement réconfortant.
À la fin, le vieillard me demanda :
— Tu es bien?
Ah, sans doute l’étais-je comme jamais encore je ne l’avais été, mais justement cette joie inconnue était comme trop grande, elle me tenait suprêmement étonnée. Par la suite, j’ai appris évidemment que c’est le propre même de la joie, ce ravissement dans l’étonnement, ce sentiment d’une révélation à la fois si simple, si naturelle et si grande pourtant que l’on ne sait trop qu’en dire, sinon : « Ah, c’est donc cela! » (Extrait de La route d’Altamont, « L’enfant et le vieillard », p. 72)
Le texte « Le déménagement », aussi dans le recueil La route d’Altamont, qui incarne sa quête perpétuelle de liberté, relate ces sages paroles de sa mère.
Donc, tu étais heureuse!
— Heureuse? Oui, je le pense. Heureuse sans comprendre pourquoi. Heureuse comme on l’est, quand on est jeune — et aussi moins jeune — par le simple fait d’être en route, que la vie change, va changer, que tout se renouvelle. (Extrait de La route d’Altamont, « Le déménagement », p. 100)
Dans son autobiographie, La détresse et l’enchantement, Gabrielle Roy fait référence à ses voyages de jeunesse en Europe qui lui ont procuré un bonheur qui restera à jamais inégalé.
Mais mon bonheur rayonnant commençait à s’épuiser. Déjà, il se teintait à certains moments de mélancolie. J’aurais encore bien des heures heureuses dans ma vie — plus que j’en ai peut-être méritées, mais jamais comme alors. (Extrait de La détresse et l’enchantement, p. 483)
Photo de tournage de la série Le monde de Gabrielle Roy
Malgré le fait qu’elle fait souvent référence aux difficultés financières auxquelles ses parents ont dû faire face toute leur vie, Gabrielle Roy cite son père dans Rue Deschambault, qui rappelle aux habitants de la maisonnée qu’ils sont tout de même choyés.
Je me rappelle : ce jour-là, nous étions tous dans la grande cuisine ensoleillée et chacun semblait y être occupé à ce qui lui plaisait, maman à coudre, Alicia à broder; une marmite se balançait un peu sur le poêle; moi, je jouais avec le chat. Et papa dit :
— Je ne sais pas si vous savez, vous autres, à quel point vous êtes heureux! Un bon toit sur votre tête; de quoi manger; la tranquillité. Je me demande si vous connaissez votre bonheur. Maman eut un petit air de défi.
— Bien sûr, dit-elle, nous apprécions ce que nous avons; mais tout de même, parfois, il serait bon de quitter la maison. (Extrait de Rue Deschambault, p. 94)
Photo de tournage de la série Le monde de Gabrielle Roy
Finalement, dans son tout premier roman, et sans doute celui qui fut le plus couronné de succès, Bonheur d’occasion, la mère de Florentine se rappelle avec nostalgie de moments plus légers des débuts de sa vie conjugale.
Le printemps, elle l’avait aimé autrefois! Il y avait eu deux beaux printemps dans sa vie. Celui où elle avait rencontré Azarius, si gai à cette époque, que déjà la vieille madame Laplante, sa mère à elle, prophétisait : « M’est idée qu’il fera jamais rien de drôle, c’lui-là. Y est trop porté à tout voir en beau ». Puis, le printemps où est née Florentine, sa première. Elle se rappelait la douceur de ces deux printemps là. (Extrait de Bonheur d’occasion, p. 108)