Des albums à écouter cet été

Des albums à écouter cet été
Saratoga (crédit photo: Camille Gladu-Drouin) et Pierre Kwenders (crédit photo : Daniele Fummo)

11 juillet 2022

La scène musicale d’ici foisonne de nouveautés, tant d’artistes de la scène émergente que d’artistes de renom. Nous vous proposons un trio d’albums récemment sortis que l’on a adoptés et qui ont tout pour devenir la trame sonore de vos jours, de l’aube au crépuscule. Se fraieront-ils un chemin jusqu’à vos oreilles? 

 

Fleur de l’âge, de Mon Doux Saigneur (Bravo musique)

Avec ce troisième album, Emerik St-Cyr Labbé, le cœur de Mon Doux Saigneur, et sa bande de fidèles complices nous offrent un album empruntant une route un peu plus ensoleillée, plus joyeuse – une intention bien assumée par le parolier. Le folk alternatif plus cérébral des deux précédents albums du groupe, Horizon (2020) et l’album homonyme (2017), laisse place sur cet exaltant Fleur de l’âge à un folk-rock teinté de country plus rythmé, plus ancré dans le corps. Un album qui groove avec légèreté et dont les textes exsudent le plaisir de jouer de la musique – ce bonheur, il en est d’ailleurs éminemment question sur cet album écrit durant la pandémie. Mais nulle question de restrictions sanitaires ici! Mû par le désir de faire sourire et danser, Emerik s’épanche plutôt sur son amour de la musique, de la vie de musicien, de la route, des concerts, de la rencontre avec le public – tout ce qui leur a manqué, à son band et lui, durant ces années ayant mis à mal les artistes (« comme t’as entendu dire / on a perdu nos jobs / tout ce qui venait avec / la route et le fun », raconte-t-il sur Jojo). Il se frotte même à des arrangements de claviers style années 80 sur Mélodie et au shoegaze sur la bien nommée Shoegaze. Fleur de l’âge est truffé de chansons comme odes à la musique qui ont tout pour devenir des classiques de Mon Doux Saigneur et que l’on s’imagine déjà chanter en chœur dans les festivals. « J’ai hâte de te retrouver », chante Emerik sur Jojo. Crois-moi : ton public aussi! 

 

Forêts, de Saratoga (Popop)

Toutes les formes de vie ralenties, Dendrologie II : lac Malakisis, Le cours du mycélium, Feu d’amadou… : les titres des six chansons de ce troisième album long du duo Saratoga circonscrivent d’emblée le décor apaisant que Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse nous invitent à contempler. Le tandem amoureux et musical a concocté ici un album instrumental comme il le désirait, dépouillant la musique de ses mots afin de laisser les instruments traduire le lac gelé aperçu par la fenêtre du studio Wild, où s’est matérialisé Forêts. Deux musiciens les accompagnent pendant qu’Archambault, qui a rangé sa guitare pour l’occasion, fait murmurer le piano, et Gasse, sa contrebasse. « Forêts, c’est une musique qui passe entre les feuilles et les épines, sous l’humus et dans les racines », dépeint le duo avec la finesse qu’on lui connaît sur sa page Bandcamp. Malgré l’absence de voix, Forêts ne nous a guère paru déstabilisant, tant il s’inscrit dans l’esprit du groupe, qui dès ses débuts, il y a sept ans, a fait le pari de la douceur, de la lenteur et de l’économie de moyens. Et de la beauté, qui imprègne, omniprésente, ces chansons ambiantes tout en sobriété, mais pas sombres pour autant, au contraire. « Elles se posent, humbles et sereines, quelque part entre l’ampleur du territoire et les milliers de micro-organismes que comporte une poignée de terre », illustre Saratoga. On ralentit, et l'on contemple. 

 

José Louis and the Paradox of Love, de Pierre Kwenders (Arts and Crafts Productions)

L’afro-électro inventive et moderne ainsi que le raffinement des arrangements de ce troisième album de Pierre Kwenders, véritable architecte de l’afropop, témoignent de sa dextérité musicale et font honneur à son héritage diversifié. Chantant et rappant en lingala, en français, en anglais, en tshiluba et en kikongo, le natif de Kinshasa, en République démocratique du Congo, établi à Montréal depuis plus de 20 ans, entremêle langues et territoires – sonores et géographiques. Faisant appel à un éventail d’artistes de partout dans le monde, il façonne une musique qui embrasse tant les traditions musicales africaines que leur évolution (traduit librement de sa page Bandcamp), puisant dans de multiples influences – électronique, pop, R’n’B, rap, rumba congolaise. Les instruments reflètent eux-mêmes cette diversité : sons électros côtoient guitare, saxophone, violoncelle, trompette, violon et mbira (idiophone à cordes pincées du Zimbabwe). Des rythmes de cet album (qui porte le nom de naissance de Kwenders) émanent, plutôt qu’une fougue prompte à galvaniser un plancher de danse, de la volupté, une certaine douceur. C'est une danse voluptueuse dans laquelle nous entrons avec plaisir.