5 artistes pionnières canadiennes à connaître
Claire-Marine Beha
6 mars 2023
Moins connues et moins exposées dans les musées que leurs homologues masculins, les femmes artistes ont toutefois été de précieuses témoins de leur époque. Voici 5 artistes pionnières du Canada à connaître.
Saviez-vous que les femmes n’avaient été admises dans les écoles des beaux-arts qu’à la fin du 19e siècle? Cette marginalisation n’a toutefois pas empêché plusieurs créatrices d’avoir un parcours prolifique, et leur apport à l’art canadien est riche. Leurs œuvres d'art témoignent de leur regard singulier, et parfois engagé, sur des sujets qui les touchent directement.
Emily Carr (1871 – 1945)
Above the Gravel Pit. Emily Carr, 1937. Collection de la galerie d'art de Vancouver. Crédit photo : Wikimédia.
Originaire de Victoria, Emily Carr est une artiste et autrice reconnue pour ses paysages fascinants de la côte ouest canadienne. Elle est l’une des premières peintres à introduire les courants modernistes au pays et à s'intéresser à l’iconographie des Premières Nations.
Après avoir résidé quelques années en France, puis à Londres (où on lui diagnostique de l’hystérie!), elle rentre en Colombie-Britannique et enseigne l’art aux femmes et aux enfants dans sa propre école. Célibataire, elle entreprend plusieurs voyages qui l'amènent à représenter les cultures et territoires autochtones de la Colombie-Britannique, dans le climat colonialiste de l’époque. Cette écologiste de la première heure défend la préservation des forêts et vit entourée d’animaux.
Elle connaît une reconnaissance publique assez tardive, dans sa cinquantaine. Dans les années 30, l’artiste rejoint plusieurs groupes d’artistes et rencontre notamment la célèbre peintre américaine Georgia O’Keefe. Pendant cette période, elle réalise plusieurs tableaux iconiques où la forêt et les éléments naturels sont représentés avec une grande vivacité.
Kenojuak Ashevak (1927 – 2013)
The Enchanted Owl [Le Hibou enchanté], Kenojuak Ashevak, 1960. © West Baffin Eskimo Co-operative Ltd. Musée des beaux-arts du Canada.
Il s’agit probablement de l’artiste visuelle inuk la plus célèbre. Kenojuak Ashevak naît au Nunavut, sur l’île de Baffin, puis s’installe par la suite à Cape Dorset. Sa pratique, qui tourne essentiellement autour de la sculpture, de la gravure, du perlage et du dessin, est fortement influencée par le savoir-faire autochtone.
L’artiste se fait notamment connaître du public grâce à son œuvre Le hibou enchanté [The Enchanted Owl] (1960), reproduite sur un timbre-poste à l’occasion de la commémoration du centenaire des Territoires du Nord-Ouest, en 1970, puis une seconde fois en 1993. Animaux, reliefs, motifs issus de son héritage culturel et légendes spirituelles peuplent son art, qui est exposé et récompensé à plusieurs reprises et à travers le globe. En effet, l’artiste voyage beaucoup et contribue à faire connaître les réalités des peuples inuit.
Cette visibilité est également catalysée grâce au film Eskimo Artist: Kenojuak (Office national du film, 1963), qui rend compte des conditions de vie des Inuit dans l’Arctique et du processus créatif de Kenojuak Ashevak. En 2008, elle reçoit le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques. À travers ce parcours impressionnant, elle aura eu 11 enfants.
Edith Hester Macdonald-Brown (1880 - 1956)
Sans titre, Edith Hester Macdonald-Brown, 1906. Collection de Géraldine Parker. Crédit photo : Joey Yazer.
Originaire d’Africville, village à la population afro-canadienne proche d’Halifax et démoli en 1964, Edith Hester Macdonald-Brown est l’une des premières femmes noires recensées par l’art canadien.
À cause de plusieurs circonstances liées au racisme, assez peu de ses œuvres existent encore à ce jour. Sa petite-fille détient uniquement quatre tableaux, et la peintre n’aura eu l’occasion d'exposer qu'une seule de ses œuvres de son vivant; il s’agit de la nature morte Sweet Peas (1911), désormais introuvable. Elle étudie l’art à Montréal avant de retourner en Nouvelle-Écosse. Ses sujets de prédilection sont les paysages et les végétaux, et on peut admirer toute sa maîtrise du style romantique dans une toile pittoresque (Sans titre, 1906) qui représente des vaches en pâturage.
Malheureusement, son effacement de l’histoire de l’art est symptomatique des siècles pendant lesquels des artistes afro-descendants et afro-descendantes ont réalisé des chefs-d’œuvre dans la plus grande ignorance des institutions artistiques. Malgré le peu de traces qu’elle laisse, son talent et son parcours demeurent exemplaires.
Marcelle Ferron (1924 – 2001)
Verrière de la station de métro Champ-de-Mars réalisée par Marcelle Ferron en 1968. Crédit photo : Archives de la société de transport de Montréal.
Peintre et vitrailliste engagée, Marcelle Ferron fait partie des artistes québécoises les plus renommées. Toute sa carrière, elle s’est battue pour que les femmes aient une place équitable dans le monde des arts plastiques.
Après un passage à l’École des Beaux-Arts, elle devient l’élève de Paul-Émile Borduas et rejoint le groupe des automatistes dans les années 40. Françoise Sullivan et elle ont été les deux femmes artistes visuelles signataires du manifeste Refus global, qui dénonce, en 1948, le conservatisme qui sévit alors dans la province. Elle commence à travailler le vitrail lorsqu’elle part à Paris, en 1953, où elle vivra jusqu’en 1965, et approfondit sa pratique non figurative qui se démarque par sa fougue et l’utilisation de pigments bigarrés.
C’est elle qui réalise la toute première œuvre abstraite en verre du métro de Montréal, toujours en place à la station Champ-de-Mars. On trouve des vitraux de Marcelle Ferron intégrés à plusieurs architectures et espaces publics du Québec. En 1983, elle est la première femme à obtenir le prestigieux prix Paul-Émile-Borduas. En 2000, un an avant le décès de Marcelle Ferron, le Musée d’art contemporain de Montréal présente une grande exposition rétrospective de son œuvre.
Helen McNicoll (1879 – 1915)
Montréal en hiver, Helen McNicoll, 1911. Collection Pierre Lassonde, Musée des Beaux-arts de Montréal + The Apple Gatherer, Helen McNicoll, vers 1900. Crédit photo : Wikimédia.
Il est très probable que vous connaissiez Monet et Renoir, figures de proue de l'impressionnisme… Mais connaissez-vous Helen McNicoll? Née à Toronto, la peintre a réalisé de nombreuses scènes de genre, des portraits de femmes et d’enfants traversés par des jeux de lumière captivants et éthérés propres à l’impressionnisme, mouvement qu’elle a grandement contribué à faire connaître au Canada.
À une époque où quelques institutions s’ouvrent aux femmes, Helen McNicoll étudie à l'Art Association de Montréal, puis poursuit son éducation au Royaume-Uni à la Slade School of Fine Arts. Ce progressisme connaît toutefois des limites, puisqu’il faudra attendre 1933 pour qu’une femme accède à l’Académie royale des arts du Canada. McNicoll rejoint la Society of Women Artists (SWA) à Londres, un groupe d’entraide entre artistes féminines.
Bien qu’elle vienne d’une famille aisée qui l’a encouragée à faire de l’art, les critiques et les spécialistes de l’histoire de l’art tarderont à accorder de la valeur à son travail. Il faudra attendre la fin du 20e siècle pour qu’on reconnaisse son apport important à l’histoire de l’art.
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