Geneviève Darling, illustratrice : douceur queer

Geneviève Darling, illustratrice : douceur queer

Découvrez d'autres entrevues d'artistes prolifiques

Lire les articles

Une image vaut mille mots, dit-on. Les dessins de Geneviève Darling ne font pas exception à la règle. Illustratrice, entrepreneure, féministe et queer, elle embrasse une démarche unique qui ouvre l’esprit et le cœur.  Son arme secrète? La douceur.  Rencontre.
 

Elle dessine des chats, des fleurs, des femmes, des corps. Le plus souvent sur des couleurs pastels, sa palette favorite. Ses messages sont clairs et pacifiques, mais aussi revendicateurs et puissants. Un exemple tout simple : une carte comprenant le dessin de rose. À côté, la citation « Hetero-normativity is a cult » (L’hétéronormativité est un culte). Par la tendresse des images, elle offre, dans toute sa vulnérabilité, un espace confortable qui réussit à transmettre ses valeurs féministes et à critiquer  l’hétéronormativité qui nous entoure.


Débuts
 

Du plus loin qu’elle se souvienne, Geneviève Darling a toujours dessiné : « Depuis que je suis vraiment toute petite, je fais des dessins de chats. C’est drôle, quand j’y pense, c’était vraiment des versions enfants de ce que je fais maintenant » raconte-t-elle, en riant.  


Sa passion s’est poursuivie jusqu’au cégep où elle a étudié en arts visuels. Cependant, son passage à l’université en arts lui a laissé un goût amer en bouche : « Le milieu de l’art contemporain n’était vraiment pas pour moi, je ne trouvais pas ma place. J’ai fait un bac en psychoéducation. J’ai décidé de travailler longtemps dans un autre domaine. J’ai toujours continué à faire des dessins pour moi et pour mes amis-es. »


Ça prendra en effet quelques années avant qu’elle ne retourne à la source. Ses années d’expérience en psychoéducation, bien que formatrices, furent très difficiles. Après quelques années à travailler comme serveuse,  un des plus gros bouleversements de sa vie est arrivé : son coming out comme femme gaie à l’âge de 28 ans. Elle a alors ressenti le besoin grandissant d’afficher et de revendiquer son orientation sexuelle par le dessin : « Le fait de s’afficher était super important parce que je me disais « ok j’ai tellement l’air straight, je ne serai jamais capable de rencontrer personne. » C’était un geste de revendication, mais également pour simplement connecter avec les autres personnes de ma communauté. »

 

« Je veux transmettre des valeurs d’ouverture. La représentation est vraiment importante pour moi. La représentation queer, des femmes, ce sont des éléments qui ''drive'' vraiment ma pratique. »
- Geneviève Darling



Geneviève Darling
 

Entrepreneure
 

Il est difficile pour l’illustratrice de séparer de façon claire sa démarche comme artiste et comme entrepreneure. Les deux viennent de la même place, de la même passion et du même désir de faire du bien, de transmettre des messages et des valeurs près d’elle.  C’était il y a 5 ans, après avoir suivi des cours de sérigraphie, que Lovestruck Prints, sa boutique, a vu le jour : « C’est  des amis qui m’ont amenée à des marchés, j’ai rencontré plein d’artisans et de marchands queers et j’ai réalisé que les gens aimaient mieux acheter des t-shirts. Et moi aussi, dans le fond, c’est comme un morceau d’art que tu peux porter au quotidien. »

Aujourd’hui, elle y travaille à temps plein. Les choses roulent!

 

« Pour moi, l’espace visuel, c’est quelque chose qui me touche et m’affecte directement.  Et je pense que c’est le cas de beaucoup de gens aussi. Un message peut entrer plus facilement dans le cerveau des gens avec l’art visuel. » 
- Geneviève Darling

 




Ce qui fonctionne le plus, ce sont ces dessins de chats. « C’est ce qui vend le mieux! » affirme-t-elle, en riant. Mais c’est aussi ce qu’elle préfère créer. Chaque création provient d’une démarche personnelle avant d’être une démarche mercantile. Par exemple, récemment, elle a créé un t-shirt comprenant un chat noir sur lequel on peut lire « Cats against pipeline » (Les chats contre les pipelines) dont tous les profits seront remis à la nation de Wet’suwet’en : « Pour les pipelines, je trouve que c’est quelque chose de très gros qui est en train de se passer dans le présent, c’est historique. »
 

L’illustration comme outil d’affirmation


Montréal est un terreau fertile pour les artisans des communautés LGBTQ+. Bien que rien ne soit parfait, la métropole est très ouverte à ce niveau. D’ailleurs, il y a depuis quelques années une importante augmentation de visibilité et de changement de perception, particulièrement dans l’imagerie queer. Sa démarche entre en adéquation avec cette évolution : « Oui, ça a changé. Quand tu vas sur internet, il y a une plus grande variété d’images. Par contre, quand moi j’ai commencé, c’était des images par ou pour des hommes qui n’étaient pas douces. C’était plus de la pornographie ou des images assez réductrices. Moi, c’est vraiment les éléments de tendresse qui normalise ça et ce que voit d’abord c’est de la douceur, de la connexion humaine » affirme-t-elle.

 

Est-ce que sa boutique attire une clientèle qui ne fait pas partie de la communauté LGBTQI+? Ces produits existent d’abord et avant tout comme outil d’affirmation de la communauté : « Les choses qui sont ouvertement gaies ou queer s’adressent à une clientèle queer. Donc ces gens-là ont plus envie d’exprimer leur identité au travers les vêtements, par exemple. »

 

Collaborations
 

La fin des années 2010 fut grandiose pour Geneviève Darling. Sa première collaboration avec l’autrice Lucile de Pesloüan pour le manifeste féministe Pourquoi les filles ont mal au ventre?, paru chez Isatis en 2017, a été publié non seulement au Canada anglais et aux États-Unis, mais également en France, en Corée, en Espagne et en Amérique du Sud. De cette collaboration est né non seulement un deuxième ouvrage, J’ai mal et pourtant, ça ne se voit pas, mais également une profonde amitié : « On est devenue amies. Je suis tellement inspirée par son écriture! Je la trouve merveilleuse. On a eu une grosse discussion avant que l’écriture commence. On moule vraiment la vision du livre à deux. Elle travaille sur l’écriture et moi je travaille ensuite sur les illustrations, mais on s’entraide définitivement dans chacun de nos champs d’expertise », raconte-t-elle. D’autres projets sont présentement en chantier… À suivre!  
 


Pourquoi les filles ont mal au ventre, 2017                                  J'ai mal et pourtant ça ne se voit pas, 2018


POUR EN SAVOIR PLUS

Site officiel de la boutique Lovestruck Prints 
Instagram officiel