Le rêve d'Amérique du dessinateur Cyril Doisneau

Le rêve d'Amérique du dessinateur Cyril Doisneau
Îles-de-la Madeleine, carte postale de Cyril Doisneau

3 mars 2023

Inspiré par les vacances, les rencontres et les rythmes manouches, Cyril Doisneau a fait du Québec son rêve d’Amérique. Découvrez cet artiste visuel.

 

Racontez-moi un souvenir de jeunesse qui a pu avoir une influence sur votre envie de devenir dessinateur et auteur de bande dessinée.

Mon père était professeur de dessin, il avait son atelier avec une grande table à dessin à la maison. J’ai toujours trouvé cet endroit attirant et chaleureux. J’y allais souvent quand il n’était pas là. Je regardais les crayons, pinceaux, papiers, carnets, et je rêvassais.

 

En 2002, vous avez remporté le Concours Jeunes Talents au prestigieux Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Est-ce que ce moment a été un déclic, un tremplin pour la poursuite du dessin?

Ce prix, reçu alors que j’étais encore étudiant aux beaux-arts à Angoulême, a confirmé que le dessin était bien ma voie. Depuis toujours, je dessine, et j’ai toujours su que le dessin était ma voie. En fait, je n’ai jamais arrêté de dessiner. Cela fait partie de moi.

Le Montréaler, illustration d’une couverture, et Réservez la plage dès maintenant, illustration, Cyril Doisneau.
Le Montréaler, illustration d’une couverture, et Réservez la plage dès maintenant, illustration, Cyril Doisneau.

Vous êtes natif de Nantes, en France et la découverte du Québec, en 2001, vous a fait rêver. Qu’est-ce qui vous a assez charmé pour que vous y restiez?

En découvrant le Québec, après avoir remporté un concours au sein de mon école, j’ai tout de suite aimé les gens, l’architecture, l’ambiance beaucoup plus calme qu’en France. J’ai trouvé génial que, dans ce décor d’Amérique, une province parle français. C’était mon rêve américain, en fait.

 

Vous habitez maintenant les Îles-de-la-Madeleine. Décrivez-moi comment l’air du large a un effet sur votre vie de créateur.

J’ai une maison sur la dune avec une vue sur la mer. Le temps change chaque jour. L’été, l’eau est à vingt degrés, et l’hiver, elle gèle. Je suis au calme pour me concentrer sur mon travail. Je suis un moine ici. La ville ne m’attire plus, je voulais être en pleine nature, au bord de l’eau.

Îles-de-la Madeleine, carte postale, Cyril Doisneau.
Îles-de-la Madeleine, carte postale, Cyril Doisneau.

Quelles sont vos sources d’inspiration? 

Les vacances, les touristes, les rencontres. J’observe beaucoup les gens, j’écoute aussi. C’est souvent en vacances, lorsque nous sommes à l’extérieur et relax, que je capte le plus de choses. On dirait que les gens en vacances sont plus souples et plus détendus.

 

Vos dessins décrivent dans le détail des scènes du quotidien. Parlez-moi de l’importance de l’esquisse et du croquis.

J’ai toujours de quoi dessiner ou prendre des notes sur moi. Parfois un carnet, parfois un iPad, et parfois, je note sur mon téléphone. J’ai encore des carnets de mes vacances d’adolescence, lorsque je partais avec mes parents, dans lesquels je dessinais les gens sur la plage. J’ai dessiné les gens en ville aussi. Dans le métro, j’aimais bien. Je dessinais leurs pieds parce que les gens baissent la tête. Le croquis d’après nature est très important pour garder en tête les proportions, les positions; comment est placée cette jambe par rapport à l’autre lorsqu’on est debout ou assis, etc.

Katharine Hepburn, illustration et Objets, Éditions La Pastèque, de Cyril Doisneau.
Katharine Hepburn, illustration et Objets, Éditions La Pastèque, de Cyril Doisneau.

Plusieurs de vos livres sont publiés aux Éditions de la Pastèque. Parlez-moi d’un album dont vous êtes particulièrement fier.

J’aime tout particulièrement mon livre qui s’appelle Objets. C’est en fait mon travail de diplôme que La Pastèque a publié en 2011. C’est un récit muet de 30 pages qui parle d’une séparation. Je ne pouvais parler de rien d’autre que ça, alors j’ai raconté ma séparation. J’ai eu mon diplôme avec ce livre.

 

Dans votre bio, il est écrit que vous apprenez la guitare manouche. Quelle importance a la musique dans votre vie? Décrivez-moi votre ambiance sonore propice à la création.

Il y a toujours eu un piano chez moi, et des guitares aussi. Entre Brassens et Django Reinhardt, j’entendais beaucoup de la guitare, et j’ai toujours aimé le côté nomade des manouches, ou gitans, et leurs rythmes énergiques. En arrivant aux Îles, j’ai trouvé un prof de guitare manouche, je n’en revenais pas de pouvoir suivre des cours de manouche aux Îles. J’ai acheté une guitare, et maintenant je joue, du moins j’essaie. Pour travailler, c’est plutôt la radio, pour l’encrage du moins. Pour l’écriture ou le découpage d’une histoire, il me faut de la concentration, alors c’est le silence.

Illustration pour le magazine Vélo Mag, Cyril Doisneau.
Illustration pour le magazine Vélo Mag, Cyril Doisneau.

Qu’est-ce qui se retrouve sur votre table à dessin et dans votre espace de création?

Je travaille sur un iPad depuis trois ans, alors mon bureau est plus petit qu’avant et beaucoup moins chargé de papiers, crayons, pinceaux, règles, encres, feutres, pots de peinture, etc. C’est très pratique, l’iPad se transporte partout facilement. Je n’ai plus de numérisation à faire, ce qui me fait gagner beaucoup de temps aussi. Au mur, il y a des photos, des dessins et des cartes.

 

Parlez-nous d’un de vos coups de cœur culturels marquants, l’un de ceux qui ont inspiré votre création.

Jean-Jacques Sempé m’a toujours accompagné dans ma création. Les vacances du petit Nicolas est le premier roman que j’ai lu, à l’âge de 6 ans. J’adorais les dessins déjà. J’ai continué à lire Goscinny, et cherchais tous les livres de Sempé. J’ai vu une exposition d’originaux un jour à Paris, je ne pensais pas qu’il travaillait sur d’aussi grands formats. J’étais estomaqué par l’aspect prolifique de son œuvre. Quel génie et quelle sensibilité!

 

Nommez-moi quelques objets importants de votre vie, chargés de souvenirs et de significations, ceux qui nourrissent votre créativité.

J’aime les cartes. En ce moment, ce sont les cartes marines, et j’en ai une devant mon bureau. Celle du golfe du Saint-Laurent, soit le numéro 4001. Elle m’appelle au voyage, sûrement, et à la navigation. Sinon, les vases, les carafes et les objets anciens de cuisine. J’aime beaucoup les tissus d’ici ou d’Afrique. 

Illustration pour le magazine Vélo Mag, Cyril Doisneau
Illustration pour le magazine Vélo Mag, Cyril Doisneau

Quel serait un de vos rêves de création les plus fous?

Créer une collection de tissu, justement. Avoir quartier libre pour une collection de textiles.

 

Quels sont les projets qui sommeillent dans la tête de Cyril Doisneau?

Traverser l’Atlantique en voilier. Chaque voyage amène un nouveau projet.

 

Quel serait votre meilleur conseil à donner à un ou à une jeune artiste?

De ne pas lâcher, même si l’on doit manger des pâtes au beurre tous les jours. Surtout que c’est très bon, les pâtes au beurre.

 

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