Belle Grand Fille : l'horizon infini de la chanson

Belle Grand Fille : l'horizon infini de la chanson

16 janvier 2020

Belle Grand Fille, c’est Anne-Sophie Doré-Coulombe. Après plusieurs années en tant qu’interprète, elle s’est mise à écrire des chansons. Et le mot « chanson », il est parfait pour décrire sa musique. En 2020, en cet âge d’or du rap, opter pour la chanson dans le sens le plus pur du terme devient audacieux. Rencontre. 
 

C’est autour d’un café au lait que l'on s'est jasé un jeudi matin au centre-ville de Montréal. Fébrile, elle l’est. Elle a reçu de belles nouvelles en ce début d’année. Son premier cadeau, c’est le Cabaret Festif! de la Relève, un concours auquel elle voulait participer depuis un moment. De plus, le vidéoclip pour la chanson L’escalier, tirée de son premier microalbum, paru en 2019, Maille par maille, a vu le jour le 14 janvier dernier. 
 

Elle est confiante, mais également remplie de doutes : « C’est comme si tu penses que tout est setté et que c’est parti, mais ça prend trois jours avant que les doutes ne reviennent. Comme si t’étais sur un bateau et qu’il fallait gérer la force du vent ou la force du courant. Je ne suis pas encore un gros bateau à moteur », admet-elle à la blague.

Photo: Jean-Philippe Sansfaçon


Des chansons à l’état pur
 

À la première écoute des chansons de Belle Grand Fille, on retrouve toute la ruralité du village de son enfance, Métabetchouan, au Lac-Saint-Jean. L’enfance et l’appartenance au territoire y sont d’ailleurs des thèmes omniprésents, souvent en filigrane.

 

« Ce qui me manque à Montréal en général,
c’est de voir loin. Ne pas avoir le champ de vision
pogné, c’est ça que j’ai envie que ça évoque. »
- Belle Grand Fille

 

Les mélodies, les textes et les arrangements, simples et grandioses à la fois (chapeau, les cordes!) rappellent Richard Desjardins. D’ailleurs, elle l’admet sans hésitation, il a été sa principale influence : « Quand on écoute les albums de Desjardins, c’est très piano, guitares, voix. C’est très chanson. Il a fait des shows tout seul. Il raconte des histoires ancrées dans le réel. J’aime jouer dans ce registre de langue là, me dire que la langue que je parle peut être politique et est valide avec tous ces anglicismes. »
 

La proposition de Belle Grand Fille est un mariage parfait entre le texte, la musique et l’interprétation, de la chanson dans sa forme la plus simple et pure. On y sent un attachement profond à la chanson construite de façon traditionnelle. C’est ce qui est au cœur de la démarche de la Jeannoise : « Pour moi, une toune, ça fonctionne tout seul. Quand tu écoutes le EP, les tounes sont arrangées, mais tu sens que le cœur des tounes, c’est quand même moi au piano ou moi accompagnée d’une guitare. »

Vidéoclip pour Maille par maille / Réal:  Grace Divya S. 



Un soir, une spectatrice est venue la voir à la fin d'un concert pour lui dire une phrase qu’elle n’oubliera jamais : « Ça paraît tellement que c’est une femme qui a écrit ça! » Le fait que ce soit clair qu’il s’agit bien d’une femme qui s’exprime est d’importance capitale pour Belle Grand Fille. En effet, le masculin ne l’emporte pas toujours dans ses textes : « Je vais choisir de féminiser un mot parce que je veux le faire. Je vais choisir d’être claire sur le fait que c’est une femme qui s’exprime! »
 

 

« Si on considère que ces tounes-là
sont plus pour les femmes, eh bien
c’est parfait! »

- Belle Grand Fille


 

La désacralisation de la scène
 

Aujourd’hui chanteuse jazz professionnelle diplômée de l’Université de Montréal, elle a toutefois dû rebâtir sa confiance une fois arrivée en sol montréalais. En effet, elle a dû en quelque sorte réapprendre à chanter :
« J’avais de belles qualités artistiques, mais vocalement, c’était pas ça du tout. Je ne suis pas rentrée dans le programme que je voulais au départ, d’ailleurs. Il a fallu que je fasse un an d’appoint. »

Pourtant, Anne-Sophie l’admet : elle l’a eue facile quand elle a commencé à chanter dans sa région natale. On comprend pourquoi. Forte d’une présence et d’une personnalité qui captivent, elle a très souvent remporté les concours de chant amateurs en choisissant un répertoire méconnu, une démarche marginale dans ce contexte pour une adolescente : « C’était pas mon genre de chanter Un peu plus haut, un peu plus loin dans un concours. Il fallait toujours que je cherche la toune que personne ne connaît. Aujourd’hui, quand je reviens en région, les gens se souviennent de ça. C’est quand même fascinant! »

Photo: Jean-Philippe Sansfaçon

Elle a mis du temps avant de se sentir pertinente en tant qu’autrice-compositrice-interprète. Il faut dire que le contexte universitaire l’empêchait de pousser sa créativité autant qu’elle le voulait. Malgré le fait qu’elle était souvent la personne avec la meilleure formation musicale dans tous les projets auxquels elle participait, elle entretenait toujours ce sentiment d’imposteur : « Je ne sais pas si c’est personnel, ou une rencontre entre mes traits de personnalité et le contexte social dans lequel les filles sont encore appelées à évoluer aujourd’hui. J’ai tellement un grand amour pour la chanson que je me comparais beaucoup à certaines grandes figures et je me disais que je ne pourrais être à la hauteur. »

Son métier, elle l’a véritablement appris en jouant avec Ragoût. En tant que chanteuse de la formation folk, elle a joué dans les conditions les plus difficiles : alcool à profusion, un public peu attentif, des retours de son médiocres. Le cliché des bars, elle l’a vécu, mais elle ne le regrette pas : « Ça a vraiment été formateur. Ça a désacralisé la scène. Tu peux être qui tu veux, sur scène. » C’est cette désacralisation qui est la fondation de Belle Grand Fille. Sur scène, Anne-Sophie peut être qui elle veut, elle peut dire ce qu’elle veut.

Nouveau vidéoclip

 

Belle Grand Fille nous présente le clip de L’escalier, chanson qui la représente parfaitement : une mélodie bien ficelée, un arrangement musical qui fait frissonner et un texte qui parle de l’enfance d’une femme. Réalisé par Cassandre Emmanuel, le clip raconte la vie familiale oppressante d’une adolescente qui souhaite rejoindre une amie à l’extérieur de sa maison. Une interprétation tout autre que celle imaginée par l’autrice-compositrice : « Je trouve que L’escalier est ma chanson qui laisse le plus place à interprétation. J’ai trouvé intéressante la manière dont Cassandre a approché la chanson. Au départ, moi je voyais un rapport entre le jeune enfant qu’on est et l’adulte qu’on devient. Et la réalisatrice a mis en scène des ados au lieu des enfants. »
 

Vidéoclip L'escalier / Réal: Cassandre Emmanuel

 

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Microalbum Maille par maille