Des livres pour mieux se comprendre en 2022

Des livres pour mieux se comprendre en 2022

12 décembre 2022

J’ai l'impression que ça fait deux ans qu’on mange des coups de pelle dans la face : pandémie, restrictions, inflation, crise climatique… J’ai envie de dire : « Comment allez-vous? Comment vont les gens autour de vous? Arrivez-vous à suivre tout ce qui nous arrive collectivement? Tout roule côté adaptation? » Ici, rien ne pourra complètement changer vos vies, mais on peut peut-être réussir à faire le point ou, au moins, à se sentir compris ou comprise par les autres. 

 

Laideronnie, Kareen Martel.

Laideronnie, de Kareen Martel, Éditions Somme toute

Dans ce livre, Kareen Martel met en lumière tous les enjeux liés à la « culture laideronne ». Être une personne laide (à la limite ou à l’extérieur des critères de beauté dans une société donnée), qu'est-ce que ça laisse, comme traces? À quoi ressemble le rejet au quotidien? Comment arrive-t-on à construire son estime de soi? L’interaction avec les autres est rarement simple. Laideronnie est un récit personnel et une réflexion sur la laidophobie. L’autrice est diplômée en lettres, fonctionnaire à temps partiel, libraire et poétesse. D’ailleurs, on a l’impression que les poèmes ne sont jamais bien loin dans son écriture. 

La description précise de nombreuses anecdotes de sa vie et son regard affûté sur les comportements des autres font de ce livre un page-turner; impossible de le quitter une fois qu’on y plonge. Selon notre perception de ce qu’est la laideur, on peut beaucoup apprendre à la lecture de ce livre, sur soi, sur nos interactions, sur nos préjugés, nos biais, nos amitiés, sur l’exclusion, la beauté singulière, l’importance de la diversité, le coût de la laideur, la douleur physique des chirurgies et sur le monde dans lequel on veut vivre. Ça serait étonnant que ça ne vous touche pas.

« Avoir honte, c’est vouloir cacher aux autres la source de son infamie. En attendant une culture où nos vulnérabilités seront les bienvenues, on peut essayer tant bien que mal de dissimuler nos dépendances, nos échecs, nos insuffisances. En revanche, avoir honte de notre visage, c’est se trouver devant une cause plus difficile à masquer. Du moins au sens figuré. »

La préface sensible de Safia Nolin nous prépare bien à ce qui va suivre. Elle explique que chaque méchanceté que les gens lui disent, elle travaille à la déconstruire : « Ces choses qu’on utilise pour m’attaquer, je m’en sers pour me valoriser. »

 

Bijou de banlieue, Sara Hébert.

Bijou de banlieue, de Sara Hébert, Marchand de feuilles

Collagiste, autrice et recherchiste, Sara Hébert offre un livre qui n’entre dans aucune case, mais qui vous allumera tous les sens! À travers des histoires personnelles, des parodies publicitaires, des listes de conseils, elle aborde des thématiques comme : les relations amoureuses qui mènent dans le mur, la survie dans le monde du travail en tant que femme dans une culture sexiste, la complexité de la vie de famille avec ses membres qu’on ne choisit pas, etc. Elle glane ses images dans de vieilles revues de 1940 à 1970. 

Ce livre est une bouffée de fraîcheur! On passe d’un goût amer (bonjour, anciennes relations) à un éclat de rire. Son ton est celui d’un pop-psycho-conseil-de-ta-meilleure-amie, flirtant avec la poésie, le roman-photo et le mème. Elle maîtrise autant l’art de raconter que l’esthétique punk du fanzine. C’est très réjouissant. Je souhaite sincèrement à tous et à toutes de le lire!

Un aperçu, ou vous en voulez plus?

Le compte Instagram de l’artiste est d’ailleurs rempli de ses perles visuelles confectionnées à partir de vieux magazines.

 

À boutte : une exploration de nos fatigues ordinaires, de Véronique Grenier.

À boutte : une exploration de nos fatigues ordinaires, de Véronique Grenier, Atelier 10

L’autrice et enseignante en philosophie Véronique Grenier s’intéresse à la fatigue : sa description, son histoire, ses expressions dans notre langue et toutes les sortes de fatigue : fatigue numérique, fatigue parentale, fatigue militante, fatigue d’être soi. Il y a de quoi être « à boutte », non?

Ce livre de 82 pages nous met un miroir devant la face et nous permet de faire le point, mais sans être moralisateur. On observe, et quand on se reconnaît, ça fait un peu peur, parce que c’est rare qu’on prenne un pas de recul sur nos vies. On vit à une époque fatiguante! Mais une des bonnes choses de la fatigue, c’est qu’elle nous indique nos limites; après ça, à nous de voir celles qu’on veut respecter et quelles habitudes on veut remettre en question. 

À la page 66, Véronique dresse une liste non exhaustive d’une vie qui tiendrait compte de toutes les recommandations du livre, plus ou moins 74! C’est drôle et facile de constater l’impossibilité de la chose.

Liste de recommandations, À boutte : une exploration de nos fatigues ordinaires, de Véronique Grenier

 

Stresse pas, minou!, Joanie Pietracupa.

Stresse pas, minou!, Joanie Pietracupa et coll., KO Média

Dans Stresse pas, minou!, Joanie Pietracupa, autrice et ancienne rédactrice en chef des magazines Véro, Elle Québec et Elle Canada, donne la parole à 10 femmes sur leur expérience de l’anxiété : Juliette Bélanger-Charpentier, Stéphanie Boulay, Gabrielle Boulianne-Tremblay, Gabrielle Lisa Collard, Caroline Décoste, Vanessa Destiné, Catherine Ethier, Florence K, Ines Talbi et Safia Nolin, qui signe également les illustrations. Joanie Pietracupa signe le récit éponyme de l’ouvrage. 

Pour reprendre les mots de Vanessa Destiné, « il y a quand même quelque chose de très libérateur dans le fait de savoir qu’on met de plus en plus de mots sur nos maux ». Ce livre fait du bien. 

Chaque histoire nous plonge, intimement, dans la tête d’une personne qui vit avec l’anxiété, et l’on passe à travers une grande diversité de symptômes (la peur, la tristesse, la détresse, les blocages, le vertige des questions incessantes). C’est difficile de réduire l’anxiété à un état, à un seul vécu, et ici, on en trouve énormément de facettes. 

Si vous êtes une personne anxieuse, vous vous sentirez moins seule. Si vous pensez l’être, vous aurez peut-être quelques réponses. Si vous côtoyez une personne anxieuse, vous comprendrez mieux ce qu’elle vit. 

 

Où trouver ces livres :