Blanche : à la fois institutrice, secrétaire et infirmière

6 février 2019

L'interprète de Blanche, Pascale Bussières / Crédit : Attraction images

Mieux éduquée que la majorité des femmes parce qu’elle a fréquenté le couvent de Saint-Tite, Blanche travaille d’abord comme institutrice aux côtés de sa mère, Émilie, mais elle aspire rapidement à un plus grand avenir.

À Trois-Rivières, elle rencontre une des rares femmes médecins de l’époque. Si les universités anglophones acceptent de plus en plus d’étudiantes à partir du début du siècle, il faut attendre 1925 avant que Marthe Pelland devienne la première femme admise en médecine à l’Université de Montréal. Sans surprise, Blanche se fait fermer les portes de l’université au nez, comme on le montrera dans cette scène enrageante.

Déçue, elle s’inscrit sans grande conviction à un cours de secrétariat. Cette profession est de plus en plus populaire auprès des filles éduquées, surtout en ville, où les secrétaires représentent plus de 18 % de la main-d’œuvre féminine dès les années 20. Bénéficiant de bien meilleures conditions de travail que les ouvrières, les employées de bureau peuvent gagner environ 70 % du salaire des hommes. Les secrétaires et dactylos doivent être toujours bien mises et faire preuve d’une moralité et d’une soumission exemplaires, ce qui contraste rapidement avec le caractère indépendant de Blanche et qui agace cette dernière.

Elle trouve finalement sa vocation comme infirmière en suivant une formation exigeante à l’Hôtel-Dieu. Soumises à un encadrement presque militaire sous l’autorité des sœurs et des médecins, les infirmières laïques doivent endurer de longues journées de travail et ne bénéficient souvent que d’une demi-journée de congé par semaine.

Une fois diplômée, Blanche se tourne vers le service privé. En fait, au milieu de la crise des années 30, la majorité des infirmières laïques travaillent sur appel alors que les postes dans les hôpitaux sont en partie occupés par les religieuses.

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Blanche prodigue des soins à Villebois/ Crédit : Gracieuseté de Nathalie Jean, La vraie histoire d'Émilie Bordeleau

D’ailleurs, même si le travail des femmes est toléré tout au long des années 20, la crise des années 30 ramène son lot de dénonciations du travail féminin, surtout pour les femmes mariées. Une bonne part des programmes gouvernementaux et les secours directs sont versés uniquement aux chefs de famille.

C’est dans ce contexte que Blanche s’engage comme infirmière de campagne en Abitibi, une région en plein développement qui a grandement besoin de personnel médical qualifié pour combler le manque de médecin en région.

Forcé de soutenir les colons souvent recrutés parmi les familles les plus vulnérables, le gouvernement recrute plusieurs infirmières pour les cantons de colonisation, particulièrement en Abitibi, où 28 postes sont créés entre 1932 et 1937.

Généralement logées au dispensaire où elles reçoivent les patients à toute heure en cas d’urgence, les infirmières doivent aussi se déplacer fréquemment pour des services à domicile. L’hôpital le plus proche étant généralement situé à plusieurs heures de route, ces infirmières « de brousse » doivent poser des diagnostics rapides et effectuer des interventions qui dépassent souvent leurs champs de pratique, comme on le verra dans l’épisode 9, où Blanche décide d’amputer la jambe de son frère Paul pour le sauver.

Pascale Bussières se souviendra de cette scène mémorable où Blanche transporte son frère en civière sur des skis :

« Nous tournions la reconstitution de la tempête de neige avec des flocons de pommes de terre poussés par une hélice d’avion à -30 degrés. Soudainement, il s’est mis à neiger pour de vrai, et la température s’est réchauffée, comme si le Bon Dieu du cinéma avait décidé de nous donner une chance! »

« Le tournage de la scène d’accouchement de Mme Ladouceur jouée par Lorraine Pintal était aussi très réaliste avec un tout petit bébé. Je me revois couper le cordon ombilical ressemblant à s’y méprendre à un vrai », se rappelle Pascale Bussières.

Malgré les conditions difficiles, la véritable Blanche garde un souvenir impérissable de son expérience d’infirmière à Villebois :

« La profession d’infirmière s’étendait sur un champ des plus vastes; elle dépassait les attributions ordinaires aux accouchements, extractions dentaires, points de suture, tout y passait! Je me souviens qu’un jour, alors que je passais, j’ai rencontré un groupe de colons occupés aux fossés du chemin. L’un d’eux se plaignait d’un mal de dents. « Voulez-vous que je vous l’enlève? » « Allez-y, garde. » « Là, asseyez-vous sur la souche. » Sans plus de cérémonie, j’ai sorti ma pince de ma trousse et lui ai enlevé sa grosse dent, à l’ébahissement de tout le groupe.

Citation de Blanche Pronovost, Retour par la pensée, Saint-Camille de Villebois, album souvenir publié à l’occasion du 25e anniversaire de fondation de la paroisse, Québec : ministère de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries, 1960, p. 20-26

« Beau temps, mauvais temps, en hiver comme en été, par terre ou par eau, à cheval, en traîneau, ou à pied, il fallait répondre à l’appel. D’aucuns ont prétendu qu’il y avait de l’héroïsme dans le comportement des infirmières du temps. Il n’en est rien. Les circonstances humaines et physiques dans lesquelles s’est exercée la profession au début des colonies invitaient à un tel point le don de soi, le désir de servir, que la réponse à l’appel du devoir se donnait avec spontanéité et avec enthousiasme. »

Si la profession d’infirmières de campagnes est peu à peu disparue avec la mise en place des nouvelles structures de services de santé et des services sociaux, ces professionnelles de la santé ont longtemps pallié les lacunes du Service de l’assistance publique en soignant les gens les plus vulnérables en région éloignée.

Replongez dans l'univers de Blanche en écoutant les rediffusions sur les ondes d'ICI ARTV. Pour connaître les horaires, consultez la page de l'émission.