Camille Sarradet, une illustratrice en perpétuelle quête de nouveauté

Camille Sarradet, une illustratrice en perpétuelle quête de nouveauté
Illustration de Camille Sarradet.

30 mai 2023

La dessinatrice montréalaise Camille Sarradet nous dévoile les coulisses de sa création, les lieux et les ambiances qui catalysent ses idées, et nous fait part de ses principales passions : le tatouage, la quête de nouveauté et les chats. Rencontre avec une artiste émergente à la créativité bouillonnante. 

 

Racontez-moi un souvenir de jeunesse qui a eu une influence sur votre envie de devenir artiste. 

Dans mon enfance, il y avait toujours un espace dédié à mon intérêt pour les arts. J’ai toujours cherché à inventer toutes sortes de choses. À l’époque où mon père étudiait l’art visuel, j’ai pu expérimenter la peinture avec lui et feuilleter ses anciens cahiers de dessin. Mes parents ont rapidement compris que les cours d’art me terrifiaient moins que les cours de patinage artistique! Ce constat a largement contribué à mon désir de pousser mon esprit créatif.

J’adorais me retrouver dans un monde que j’avais imaginé et le voir prendre vie, que ce soit mes gribouillis de dinosaures lors des sessions de dessins chez ma gardienne, la concoction de potions magiques avec les épices à cuisiner ou encore la création du village miniature qui allait occupé l’ensemble du salon durant des mois. Cette liberté que j’avais m’a convaincue de poursuivre ma passion.

Une illustration et un tatouage réalisés par Camille Sarradet.
Une illustration et un tatouage réalisés par Camille Sarradet.

Vos illustrations montrent des mises en scène de personnages. Quelles sont vos sources d’inspiration?

J’adore me remémorer ma journée ou ma semaine. Je me base sur des événements parfois banals dans le but de les représenter de manière comique et d’en ressortir une narration un peu caricaturale. Sortir de chez moi et me retrouver dans des lieux de la ville où il y a beaucoup de mouvements est souvent ce qui stimule le plus ma créativité. La nouveauté, les visages différents, les couleurs et les détails de la ville m’inspirent toujours.

Les voyages m'inspirent aussi profondément. J’adore organiser des petites excursions comme passer une journée au Vermont. Ça me transporte hors de mon quotidien. Puis il est vrai que j’adore m’installer le soir avec mon gros bol de pâtes pour regarder des films. J’imagine qu’inconsciemment, toutes ces images doivent rester imprégnées dans ma tête lorsque je dessine et que mes idées se matérialisent sous forme d’histoires visuelles.

Parlez-moi de votre routine de création.

Avant de commencer à dessiner, j’ai souvent besoin de me servir un café ou un verre de vin, et surtout d’avoir du temps devant moi. Je suis incapable de m’installer pour créer lorsque je me sens prise entre deux tâches! J’aime faire un peu le ménage et sentir que les petites corvées du quotidien sont accomplies afin d’être prête à me lancer sur mon iPad. Je dois admettre que je suis très rigoureuse avec la propreté, et mon illustration intitulée Le grand ménage est en quelque sorte une ode à ma routine de création.

Je ne suis pas une personne matinale. En vieillissant, je tente d’avoir un horaire de travail plus raisonnable, mais c’est souvent en fin de journée que mon esprit s’active et que ma « journée » débute. Souvent, lorsque la nuit commence, je peux travailler jusqu’à ce que la fatigue me saisisse.

Le grand ménage de Camille Sarradet, une illustration contenant plusieurs personnages qui font le ménage.
Le grand ménage de Camille Sarradet.

Certaines de vos illustrations deviennent aussi des tatouages. Quel est votre processus artistique pour cette forme d’art?

Pour moi, la création d’un tatouage est très différente de celle d’une illustration. En tatouage, je suis plus minimaliste et je tente davantage de donner vie à des sujets universels. Souvent des petites madames et des chats. J’aime réduire les détails du dessin à l’essentiel et créer une forme fermée, qui en elle-même devient une composition.

J’adore que le métier de tatoueuse relie tous les aspects qui me plaisent dans le fait d’être artiste. J’ai la chance de pouvoir interagir avec de nouvelles personnes, d’avoir une stabilité financière et de former de nouvelles amitiés. Le tatouage est pour moi une forme de thérapie. Quelque chose de personnel tel un cadeau qu’on se fait à soi-même. Je trouve toujours cela gratifiant de faire directement plaisir aux gens et qu’on se raconte des petites tranches de vie durant quelques heures. Je raffole des nouveaux potins et des love stories dont on peut discuter. 

J’ai souvent de la difficulté à prendre des responsabilités dans la vie. Le tatouage est en quelque sorte une manière de surmonter cela!

 

Certaines de vos illustrations abordent la nature, le camping, la saison des champignons, etc. Êtes-vous plus une personne de ville ou de nature?

Je dois admettre être une personne de ville. Pour avoir grandi à Montréal et y avoir vécu la majeure partie de ma vie, j’oublie souvent à quel point s’évader en nature suspend le temps, détend et redonne de l’énergie.

Il y a deux ans, j’ai découvert Verdun, le quartier « le plus Sépaq » de Montréal! J’y ai aussitôt déménagé. Avec le fleuve, le bord de l’eau au coin de ma rue, j’ai enfin la sensation de me retrouver un peu en nature. C’est vraiment une chance de pouvoir dessiner les pieds dans l’eau, faire du vélo ou du ski de fond le long des berges, et de se laisser tenter par une petite baignade lors des canicules estivales.

Mon illustration La saison des champignons est un plan pour ma prochaine escapade en forêt, et surtout pour mon désir de cuisiner autant de champignons, car j’en raffole!

La saison des champignons de Camille Sarradet.
La saison des champignons de Camille Sarradet.

Vous vous décrivez comme une cat lady (une femme à chats)!

Oui, j’aime tellement les chats! Toute ma vie, j’ai grandi avec des chats. Minet-Roux, Madame, Peluche, etc. ont toujours été un vrai réconfort pour moi. Présentement, mes deux chats, Carnage et Princesse Poun Poun, sont de véritables sources d’inspiration. J’adore les intégrer dans mes illustrations et les humaniser un peu, afin de rendre le dessin comique et mignon à la fois. Ce sont de vrais petits Pokémon. Si je n’habitais pas dans un 3 et demi, je pourrais vite adopter une centaine de ces bestioles!

En ce moment, qui est l’artiste que vous affectionnez particulièrement? 

Mon très cher ami Felipe Reynoso. Je l’ai connu lors de mon séjour en Argentine il y a six ans. Ce fut un véritable coup de cœur créatif! Tatouage, mode, dessin et installations : il est toujours en train de chercher de nouvelles idées pour son travail multidisciplinaire. Il m’a permis de prendre confiance en moi, et nous sommes devenus les meilleurs collègues de travail en passant des nuits entières à divaguer, chanter et dessiner.

J’ai pu, grâce à lui, rencontrer un nombre fou d’artistes incroyables à Mar del Plata; il m’a intégrée généreusement dans son cercle. J’ai eu la chance de m’impliquer avec lui dans de superbes projets auxquels je n’aurais jamais pensé participer. Il vit présentement en Espagne, où il a fondé une marque de vêtements de surcyclage nommée Reflash. J’ai hâte de lui rendre visite!

Deux illustrations de Camille Sarradet.
Deux illustrations de Camille Sarradet

À quel point ce séjour en Argentine a-t-il influencé votre travail artistique?

Résider deux ans à Buenos Aires a été marquant dans ma vie et a permis un grand éveil pour ma créativité, mes inspirations et aspirations. J’adore l’idée du chaos organisé qui flottait dans la ville. Là-bas, j’ai senti que les occasions pour créer et diffuser son art étaient nombreuses et parfois plus accessibles. Par exemple, les centres culturels rassemblent souvent un concert de musique, une exposition, une foire de livres… Ils peuvent devenir un bar et un espace de fiesta le temps d’une nuit. Les marchés du dimanche, quant à eux, situés un peu partout dans la ville, permettent à ceux et celles qui désirent vendre leurs créations de louer un kiosque à bas prix.

Je conserve en moi une petite part de l’Argentine, un peu de nostalgie, mais surtout un bel apprentissage.

 

Quelle est l’ambiance sonore idéale pour trouver vos meilleures idées?

Étrangement, écouter de loin les conversations et les bruits autour de moi m’aide grandement à me concentrer. C’est un bruit blanc qui me permet d’oublier un peu les pensées qui se bousculent dans ma tête. 

Sur le plan musical, ça dépend toujours de mon humeur du moment. Parfois, je dessine dans le calme absolu, d’autres fois, je mets une musique d’ambiance pour calmer les miaulements incessants de mes chats! En ce moment, j’adore écouter en boucle Charly Garcia en chantant à tue-tête ses paroles.

Deux illustrations de Camille Sarradet.
Deux illustrations de Camille Sarradet.

Nommez-moi un objet important de votre vie, chargé de souvenirs et de significations. 

Tout ce qui m’entoure chez moi, que ce soit les objets, les meubles ou les vêtements, possède une petite part de souvenir. Je suis une grande adepte des friperies et de Marketplace. J’ai le sentiment que le contexte et le lieu où je les ai trouvés me rappellent une petite tranche du passé. Je crois aussi que ma machine à tatouer et ma tablette sont les outils les plus utiles et qui possèdent le plus de valeur pour moi, car, bien évidemment, elles me permettent de créer sans limites.

Quel serait l’un de vos projets de création les plus fous? 

Je m’imagine souvent m’aventurer vers de plus grands formats. J’adorerais voir mes créations prendre vie sous forme d’installations, de murales dans la ville, et pouvoir les diffuser à un plus grand nombre de gens. Ce serait incroyable, et ce n’est pas impossible que ça se produise! Ça me donne davantage envie de le concrétiser dans le futur.

Quel serait votre meilleur conseil à donner à un ou une artiste en devenir? 

Le conseil s’adresse autant à un ou une jeune artiste qu’à moi-même : il est bien facile d’oublier les raisons qui nous motivent à créer. Il est important de créer pour soi, d’apprécier le processus tout en gardant en tête la transmission du résultat, puis le jeter dans le monde sans trop y penser, et surtout sans laisser le personnel nous bloquer.

C’est toujours bien difficile de ne pas envisager le pire quand on s’aventure dans une nouvelle expérience qui nous fait peur. Je tente souvent d’imaginer que tout se déroule bien. Ça m’aide à ne pas angoisser et à me sentir un peu plus libre artistiquement.

 

Retrouvez Camille Sarradet sur son compte Instagram