Du 3 au 28 mai prochains, la pièce Cher Tchekhov, écrite par Michel Tremblay et mise en scène par Serge Denoncourt, sera présentée au Théâtre du Nouveau Monde. Dans cette œuvre comportant une double mise en abîme, le personnage de Jean-Marc, l’alter ego du dramaturge québécois, décide de ressortir une pièce en hommage à Tchekhov qu’il avait écrite il y a plusieurs années avant de la laisser de côté. Le public assistera donc à cette épineuse tâche réalisée en solo par Jean-Marc, ainsi qu’aux scènes de ladite pièce.

Avant la présentation de Cher Tchekhov, nous avons eu le grand privilège de poser quelques questions à Gilles Renaud, interprète du personnage de Jean-Marc.

Voici le compte-rendu de cet entretien.

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Vous avez déjà dit que Tchekhov et Tremblay étaient vos deux amours. Qu’est-ce que leurs œuvres ont de particulier pour vous?

Ah mon Dieu. J’ai joué à peu près toutes les grandes pièces de Tchekhov, sauf peut-être La cerisaie. Chaque fois, je me suis senti chez moi. C’est un théâtre qui me touche beaucoup, particulièrement depuis l’École nationale de théâtre. Les premières fois que j’en ai joué, c’était à l’École nationale, et depuis ce temps-là, ça a toujours été pour moi un théâtre empli d’humanisme qui m’émeut, qui me touche, qui me parle énormément. Chaque fois que je vois une des productions de théâtre de Tchekhov – et Dieu sait que j’en ai vu beaucoup –, peu importe la façon dont c’est monté, je suis toujours bouleversé. L’œuvre de Tremblay, c’est moi, c’est chez moi, c’est mon enfance : on vient du même quartier, on a étudié à la même école, mais pas en même temps. La moitié de ma famille habitait Le Plateau-Mont-Royal. Tout ce qu’il y a dans Tremblay, je le connais par cœur, alors ça me parle, c’est comme si c’était mon frère qui écrivait. C’est comme si c’était moi qui écrivais.
 

Vous dites que vous vous sentez très à l’aise dans l’univers de Michel Tremblay. Ressentez-vous une pression particulière lorsque vous jouez son double?

Non, pas vraiment, c’est drôle à dire. Non, parce que c’est son alter ego, ce n’est pas lui. C’est Jean-Marc, le personnage, c’est lui que je joue, pas Michel Tremblay. C’est évident que cette fois-ci, c’est beaucoup plus près de Michel parce que Jean-Marc est un dramaturge en train d’écrire une pièce et il parle au public, il parle au « je ». C’est plus près de Michel que les autres Jean-Marc que j’ai joués, qui sont davantage un personnage de théâtre, comme dans Le cœur découvert, La maison suspendue et Les anciennes odeurs, entre autres. Là, c’est un écrivain vieillissant qui n’a pas écrit de théâtre depuis quelques années et qui travaille plutôt ses romans. C’est Michel, cette fois-là, beaucoup plus que dans les autres pièces, mais je ne sens pas vraiment de la pression. On dirait que les gens à l’extérieur sentent plus de pression que moi j’en ressens. Je joue un personnage qui s’appelle Jean-Marc qui ressemble beaucoup à Michel Tremblay, dans une pièce de Michel Tremblay, mais c’est tout.
 

Vous accompagnez le public dans la pièce en jouant le personnage de Jean-Marc, qui brise le quatrième mur en quelque sorte. Vous préparez-vous de façon particulière pour un tel rôle?

Non, je ne me suis pas préparé de façon particulière. J’ai travaillé normalement, comme d’habitude. Le personnage est seul dans sa bulle; il ne communique pas avec les autres personnages, il est en train d’écrire et il réfléchit tout haut. Il s’adresse au public de façon directe, mais quand je suis arrivé en début de répétition avec Serge [Denoncourt], il avait une idée claire en tête. C’est la première fois que je travaille avec lui. On a eu plusieurs rendez-vous ratés dans le passé, et là, on a réussi enfin à arriver au même endroit en même temps. Je suis vraiment ravi de travailler avec lui : il est inspiré, il est inspirant, il connaît bien l’œuvre, il a étudié la pièce, il a réfléchi aux personnages, alors quand il est arrivé avec le mien, il avait une proposition que j’ai adorée et à laquelle j’ai adhéré tout de suite. On a travaillé ça ensemble, on a énormément de plaisir. On a hâte de voir si le public va avoir autant de plaisir que nous autres, mais on a beaucoup de plaisir à faire ce spectacle-là. De plaisir créatif, en plus du plaisir de chaque instant. (Rires)
 

Vous avez joué à la télé, au cinéma, au théâtre. Qu’est-ce que le jeu sur scène a d’unique pour vous?

Le contact avec le public, ça, c’est évident. Ensuite, tous les soirs, c’est un défi. Quand on joue pour la télévision, on se fait maquiller et on commence à « Ok, dans 4, 3, 2, 1… » et bang, on le fait. Au théâtre, on se prépare, on arrive tôt, on se calme, on s’isole, on s’assoit en coulisses avant le début de la pièce, on écoute le public arriver et réagir avant de mettre le pied sur la scène si on n’est pas là dès le début... On se laisse imprégner du travail qu’on va faire. C’est pas fait à la dernière minute. Roy Dupuis avait dit «Le cinéma, ça se fait comme le hockey : sur la glace. » Tu te prépares, t’arrives, tu tournes et tu cherches en le faisant. Au théâtre, ce n’est pas comme ça : tu te prépares pendant un bon bout de temps. C’est des mois de préparation, et ça aussi, c’est extraordinaire. On approfondit beaucoup les personnages, on apprend ce texte-là, mais des années plus tard, on s’en souvient, tandis qu’à la télé, une heure plus tard, on l’a oublié, on ne s’en souvient plus. Au théâtre, je me souviens de bouts d’Hosanna, une pièce de Michel Tremblay que j’ai jouée il y a 40 ou 50 ans. C’est ce que ça fait, le théâtre : ça pénètre profondément en nous. C’est pour ça que c’est si passionnant. Il y a du monde que ça n’intéresse pas du tout. Il y a des acteurs qui ne jouent jamais au théâtre, qui ne font que de la télévision. Moi, s’il fallait que j’en choisisse un seul entre le cinéma, la télévision et le théâtre, je choisirais le théâtre. C’est sûr, c’est évident. 

Gilles Renaud, un grand merci!

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La pièce Cher Tchekhov, une présentation d’ICI ARTV, sera jouée du 3 au 28 mai 2022 au Théâtre du Nouveau Monde.