Catherine : féministe avant l’heure?
Rafaële Bolduc
14 septembre 2022
Dans notre répertoire télé nostalgique se trouve inévitablement (du moins, espérons!) la série Catherine. Près de 23 ans après la diffusion du premier épisode, il est tentant de s’interroger sur l’apport de cette émission pour ce qui est de nos valeurs et convictions féministes d’aujourd’hui.
Ne résistons pas plus, plongeons!
crédit photo : Avanti Groupe
D’abord, voici un petit synopsis.
Catherine gravite autour du personnage éponyme (Sylvie Moreau) et de ses proches : sa coloc, Sophie (Marie-Hélène Thibault), sa propriétaire, Rachel (Dominique Michel), ses collègues de travail et leur entourage. La série raconte leur vie professionnelle, amoureuse, amicale et personnelle, dans une formule on ne peut plus comédie de situation : les personnages n’évoluent pas tellement d’un épisode à l’autre, on les suit dans peu de lieux différents et les blagues fusent de toutes parts.
Un vrai métronome à rigolade!
crédit photo : Avanti Groupe
Une sitcom avant-gardiste
Si l’on voulait jouer au jeu de « Est-ce que Catherine a bien vieilli? », et l’on sait qu’on veut y jouer, on pourrait répondre oui sans trop de gêne.
Évidemment, ce n’est pas une émission qu’on voudrait faire écouter aux jeunes nés après les années 2000 en leur disant : « Voilà le féminisme! » Mais on peut certainement la revisiter et constater que c’était une comédie de situation audacieuse, avant-gardiste et, la plupart du temps, résolument progressiste. Les stéréotypes de genre sont fréquemment éclatés, transformés, inversés, et il y a une véritable critique de ce qu’on considère aujourd’hui comme de la masculinité toxique.
Les stéréotypes de genre : un vrai terrain de jeu!
Fin 1990, début 2000, le personnage de Catherine est comme de l’eau froide sur des poignets en canicule : profondément rafraîchissant. C’est une femme libérée, qui boit, qui fume, qui séduit et qui couche avec les hommes par pure luxure, en se foutant bien de l’avis et du regard des autres. Elle se réapproprie des insultes misogynes, comme lorsqu’elle se décrit à un homme pendant un rendez-vous à l’aveugle : « Tu peux toujours utiliser les termes “superbe”, “fille” pis “facile”. » Pour toutes ces raisons, on peut l’envier pour sa fougue et sa confiance. On peut cependant aussi dénoter dans son utilisation de ces termes l’objet des reproches réactionnaires faits par certaines personnes qui croient que « c’était donc ben mieux avant! »
Catherine et Sophie vivent et travaillent ensemble. Elles s’accompagnent et s’équilibrent, comme les deux pôles d’un aimant. Sophie est une féministe militante, rigide, intelligente et antisociale. Ce qui la rend complexe, c’est qu’elle est constamment torturée entre ses valeurs féministes et la pression sociale de se mettre en couple et de se conformer à un certain modèle de femme.
Hélène (Brigitte Poupart) est une femme intelligente et forte de caractère. Mariée à Charles (François Papineau), le collègue de Catherine et Sophie, elle ne correspond pas à l’image de la « femme à marier » qu’on se fait à l’époque. Elle est avocate, bordélique, et gagne un meilleur revenu que son mari.
crédit photo : Avanti Groupe
La masculinité toxique
Penchons-nous maintenant plus spécifiquement sur les personnages masculins, parce qu’il le faut! Charles, le mari d’Hélène, est l’archétype de l’homme niaiseux, lubrique et complexé par son incapacité à briller dans certains rôles masculins traditionnels.
La masculinité toxique, c’est un ensemble de normes culturelles qui se traduisent par des caractéristiques qu’on attend des hommes, par exemple la virilité, la rationalité ou la capacité à ne pas être émotif, et la force physique. Les personnages masculins dans Catherine les incarnent parfaitement, presque trop, c’est justement pourquoi on pourrait dire que ça en fait une série féministe.
crédit photo : Avanti Groupe
La masculinité toxique, qui n’était pas un concept tellement connu à l’époque, y est dépeinte si grossièrement qu’il est presque impossible de la voir autrement que d’une perspective critique. Alors que, dans la plupart des comédies de situation, elle nous apparaît comme en société : normalisée et attendue.
Vous les attendiez, voici les preuves! Prenons l’exemple de l’épisode 64.
Catherine et Hélène se rendent chez Rachel pour une fête à l’occasion de la « Journée de la femme. Charles et son père Serge (Claude Michaud), qui est aussi le chum de Rachel, se retrouvent seuls dans l’appartement de Catherine. Le père et le fils ont une relation tendue et pleine d’émotions non exprimées. La tension monte d’un cran lorsqu’ils réalisent que « les filles sont parties sans [leur] faire à souper! » Soupant finalement aux chips, père et fils, dépités par l’annulation du match de hockey, se contentent d’écouter un documentaire sur les vers de terre. S’ensuit une discussion allégorique touchante sur la paternité des vers de terre pour parler de leur propre relation père-fils. On constate qu’ils éprouvent beaucoup d’amour et de respect mutuel, bien qu’ils soient incapables d’en parler directement sans assigner ces émotions à des « papas vers de terre » et des « fistons vers de terre ».
Alors? Féministe ou pas? Viens-en au fait, bon sang!
« Il y a 30 ans, c’est pas leurs brassières que les féministes auraient dû brûler, c’est toi! » – Sophie, à Catherine
Le personnage de Catherine n’est pas féministe. La série Catherine, toutefois, emprunte à différentes idées féministes, tout en ne pouvant pas complètement échapper à son époque. On y retrouve par exemple les habituelles mauvaises blagues empreintes de grossophobie, d’homophobie et de culture du viol, rien de bien étonnant pour ces années-là.
Les dialogues de Catherine ne sont pas explicitement féministes. C’est plutôt le sous-texte, le message de la série qui l’est. Lorsqu’on saisit ce que Catherine essaie de nous dire, on comprend qu’il s’agit d’une série humoristique au deuxième degré, critique et féministe.
Catherine est en rediffusion sur Prise 2.
Découvrez d'autres articles de l'équipe web de C'est juste de la TV!