Le pouvoir infini du câble

Le pouvoir infini du câble

2 novembre 2022

Plus que jamais, la nostalgie est à la mode. On aime se réconforter dans ce que l’on connaît, dans ce qui a bercé notre enfance et notre adolescence. On caresse l’espoir de revivre un bref moment de naïveté grâce au retour dans le temps.

L’un des grands pivots de la nostalgie, au sens populaire, est sans aucun doute la télévision.

Par exemple, des cohortes d’adeptes nostalgiques se rassemblent pour visionner de vieilles émissions de Dans une galaxie près de chez vous ou de Radio Enfer. On célèbre les phrases marquantes de ces classiques en les apposant sur des t-shirts et des cotons ouatés portés fièrement.

Tout récemment, un ouvrage est paru aux éditions Québec Amérique, Génération Canal Famille; un beau livre, voire une bible, qui rend hommage à la programmation de Canal Famille, feu chaîne de télé iconique qui a connu son heure de gloire dans les années 90.

Il est désormais courant d’honorer nos idoles télé du passé.

C’est un beau constat; des gens du public se réunissent encore aujourd’hui autour d’un même intérêt, d’un même ensemble de référents, et s’emballent encore tout autant qu’il y a 30 ans. Mais quelle place reste-t-il pour les jeunes qui ont grandi sans pouvoir bénéficier du câble? Aujourd’hui adulte, cette génération, qui a surtout connu la télé sur le web, a plus de difficulté à se remémorer des souvenirs télévisuels communs. Comme si de ne jamais avoir écouté Les zigotos lui portait préjudice.

Bon nombre de jeunes ayant grandi en région et désormais dans la trentaine sont adeptes de soirées de quiz. Attablés en petits groupes autour d’un nacho extra bacon et d’une bière de microbrasserie, ces trentenaires sont heureux et heureuses d’être là. C’est un rendez-vous hebdomadaire où les connaissances générales des membres d’une même équipe font front commun pour atteindre la victoire, et ainsi, mettre la main sur le grand prix; un pichet gratuit pour étirer la soirée!

Tout se passe bien, les catégories défilent rapidement : géographie, histoire, sport et ainsi de suite… Ensuite vient la catégorie musique. Jusque-là tout va bien. La musique populaire a toujours été accessible grâce aux radios commerciales, qui sont diffusées partout en province. Puis, soudainement, ça se corse. L’animateur du quiz commence sa question par : « Sur les ondes de MusiquePlus, qui était… »

La suite de la question n’est même pas importante, car dès que le nom MusiquePlus a été prononcé, le sort en était jeté.

Déception! Infortune!

Trop souvent, on oublie que ce n’est pas tout le monde qui a eu la chance de vivre sa puberté devant Plus sur commande ou Le combat des clips. Bien avant Internet, le câble permettait d’avoir accès aux artistes que l’on admirait. De nombreuses histoires sorties directement de la décennie 90 contiennent des cassettes VHS remplies de vidéoclips de boy bands.

Heureusement, de leur côté, les jeunes qui n’avaient pas le câble ont quand même reçu un formidable cadeau en 1996. Sans doute l’entrevue de l’année, voire de la décennie : l’émission spéciale Backstreet Boys de Sonia Benezra sur les ondes de TQS.

Enfin, tout le monde armé d’une bonne télévision cathodique pouvait désormais avoir accès au showbiz comme dans les émissions diffusées sur la chaîne spécialisée en musique. D’ailleurs, la légende raconte que bien des jeunes filles ont fini par griller le ruban de leur cassette VHS tant elles ont réécouté en boucle cette longue entrevue qui fait désormais partie de notre folklore télévisuel.

Quoi qu’il en soit, dans un bar de quartier, en plein quiz hebdomadaire, les personnes non câblées dans l’enfance se sentent bien navrées de ne pas pouvoir aider leur équipe à trouver la bonne réponse. Évidemment, le mythe de MusiquePlus a su laisser quelques traces. Aujourd’hui, tout le monde peut découvrir – ou dans certains cas redécouvrir – le travail de Varda Étienne dans Bouge de là. Sauf que c’est parfois trop peu trop tard. On reste avec la sensation d’avoir manqué quelque chose.

C’est la même chose pour un bon nombre d’émissions éducatives. Elles sont parfois arrivées avec un retard trop important sur les ondes de la télévision généraliste. Pin-Pon a bien fini par se tailler une place dans la grille horaire de Télé-Québec, mais pour certaines de mes connaissances devenues adultes, les aventures des deux pompiers ne feraient jamais partie de leurs souvenirs télé.

Heureusement, la télévision généraliste n’a jamais attendu de diffuser les émissions du câble pour offrir de bons produits à son jeune auditoire. Qui ne se souvient pas de la dynamique émission « d’après l’école » 0340? Ou même de Ramdam et de Cornemuse?

Toute une génération associera pour toujours Claude Legault au personnage de Ben Chartier dans 19-2 plutôt qu’à Flavien Bouchard, un des personnages centraux de Dans une galaxie près de chez vous. Au même titre que d’innombrables personnes ne sauront jamais qu’avant d’animer Le tricheur, Guy Jodoin avait déjà été capitaine d’un engin nommé « le Romano Fafard ».

Ne pas avoir consommé la même télé que tout le monde n’est pas très grave. Mais comme le veut l’expression, « le diable se cache dans les détails ». Devoir passer une vie à expliquer pourquoi le rap des aliments de Jean-Lou ne nous dit rien peut parfois devenir lassant. Comme si notre passé télévisuel nous suivait pour toujours.

Comme si on pouvait dire qu’à une certaine époque, avoir le câble, « ça ne changeait pas le monde, sauf que… ».

 

*Salutations à toutes les personnes non câblées du Québec qui sont encore très présentes de nos jours. Attachez vos soucoupes satellites avec de la broche, on sait que la saison hivernale et les grands vents vous font souvent manquer vos programmes.

 

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