Nos recommandations de poésie de 2022
Amélie Grenier
12 décembre 2022
Il y a tant de lieux et de moments où la poésie est à propos : en attendant l’autobus, en prenant un bain, au lieu de regarder le plafond, sous une gigantesque couverture douce… C’est aussi une façon de vivre beaucoup d’émotions en condensé. Curieux et curieuses, voici de quoi vous mettre sous la dent!
Je ferai battre le cœur des pommes, de Marc-André Foisy, Noroît
Marc-André Foisy est un artiste pluridisciplinaire : il travaille la musique, la photographie, l’écriture et la peinture. Dans ce premier recueil de poésie, il a fusionné ses mots avec la photo, et le mariage est élégant et doux.
L’objet en lui-même est magnifique. On arrive tout juste à voir le titre en relief sur une couverture fleurie. La lecture donne l’impression d’espionner quelqu’un par le trou d’une serrure. C’est très intime, comme des confidences au creux de l’oreille. Je l’ai lu d’un trait, et j’ai envie de le traîner avec moi pour m’y replonger souvent. J’ai adoré.
Nous ne sommes pas des fées, de Louise Dupré et Ouanessa Younsi, Mémoire d’encrier
Nous ne sommes pas des fées est l’échange entre deux poètes, deux générations. Louise Dupré a publié plus d’une vingtaine de titres, elle a été marquée par la Révolution tranquille et est membre de l’Académie des lettres du Québec. Ouanessa Younsi est poète, autrice et médecin psychiatre. Elle est née d’une mère québécoise et d’un père algérien, a publié quatre recueils, a codirigé le livre collectif Femmes rapaillées. Et son ouvrage Soigner, aimer retrace son parcours comme soignante.
En parcourant les pages, on a l’impression d’être dans un souper entre bonnes amies. Il y a des discussions sincères et profondes. On parle d’écriture, des souvenirs d’enfance, du chemin parcouru, de maternité, de la pandémie, de la perte d’un parent, de la mort. Mais on dirait que rien n’est dramatique, comme quoi quand on partage ses peines ou ses inquiétudes, d’autres nous aident à les porter. Infiniment réconfortant.
Marche à voix basse, de Nelly Desmarais, Le Quartanier
Nelly Desmarais présente son premier recueil de poésie. Celle qui travaille dans le milieu littéraire depuis plusieurs années nous offre une visite dans les rues d’Hochelaga, à Montréal. Tantôt historique, tantôt actuel, le récit nous mène au cœur des interactions et des visages du quartier. L’autrice y raconte aussi une histoire personnelle qu’elle a vécue dans une ruelle sombre.
On ressent la ville, et on en apprend sur son histoire, sur les allées et venues des sœurs d’un couvent, sur le destin tragique d’un grand nombre d’enfants ayant perdu la vie dans un cinéma en 1927, sur des travailleuses qui se rendent à l’usine, et on voit comment tout cela laisse une empreinte dans le quartier. Puis, on a envie de hurler lorsque Nelly nous parle de la sensation d’être suivie dans une rue le soir – on sera plusieurs à se reconnaître. Et on ressent de la colère et de la peur lorsqu’elle raconte et décrit une agression dont elle a été victime. On vit toute une gamme d’émotions.
Poids lourd, de Daniel Bélanger, Les herbes rouges
Il s’agit du premier recueil de poésie du musicien montréalais que l’on connaît pour sa dizaine d’albums qui accompagnent nos vies depuis des années : Rêver mieux, Les insomniaques s’amusent, Quatre saisons dans le désordre…
On a l’impression de marcher à ses côtés, dans le quotidien de sa vie, de nos vies « ni tristes, ni gaies », en observant ce qu’il y a autour et ce qu’il y a dans sa tête. On passe à travers les saisons, on a chaud, on a froid, les odeurs nous entourent. On croise et recroise en chemin des cochons en route vers l’abattoir, et on plonge en boucle dans le dilemme des carnivores qui aiment les animaux et les mangent.
Monuments, de Vanessa Bell, avec des photographies de Kéven Tremblay, Noroît
« De la pointe est de la Nouvelle-Écosse jusqu’à Terre-Neuve… » Ce recueil est un récit de voyage. Ça sent le bois, le sapinage, l’air salin, le poisson poêlé au beurre, le pain. Les deux artistes, qui forment aussi un couple dans la vie, nous emmènent dans cette aventure au bord de la mer, dans un environnement brut où souffle un vent froid, où les animaux rôdent et où l’amour nous réchauffe.
Kéven est chef cuisinier, bassiste de musique métal et photographe; Vanessa est autrice, directrice de la collection poésie des Éditions du Quartz, codirectrice de l’organisme CONTOURS, animatrice de rencontres littéraires, critique et chroniqueuse culturelle à la radio de Radio-Canada.
La recommandation de l'équipe d'Espaces Autochtones
Enfants du lichen, de Maya Cousineau Mollen, Hannenorak
Scindé en deux parties, le second recueil de l’autrice innue originaire d’Ekuanitshit (Mingan), sur la Côte-Nord, s'inscrit dans un devoir de mémoire. Elle rend d’abord hommage avec beaucoup de tendresse aux enfants et aux femmes dont on n’a plus la trace, avant d’évoquer, non sans colère, certains des événements qui l’ont récemment bouleversée, comme la crise des Wet’suwet’en.
Si Maya Cousineau Mollen souhaite démontrer que les traces de la colonisation sont encore aujourd’hui bien visibles, elle voit en ses œuvres une façon de porter un message d’espoir. Enfants du lichen a d’ailleurs reçu le Prix du Gouverneur général du meilleur ouvrage de langue française en poésie, qualifié de « livre de colère et d'espoir, qui crée des ponts entre le présent et le passé, entre l'humain et le territoire » par le comité d’évaluation.
Où trouver ces livres :
- Je ferai battre le cœur des pommes, de Marc-André Foisy, Noroît
- Nous ne sommes pas des fées, de Louise Dupré et Ouanessa Younsi, Mémoire d’encrier
- Marche à voix basse, de Nelly Desmarais, Le Quartanier
- Poids lourd, de Daniel Bélanger, Les herbes rouges
- Monuments, de Vanessa Bell, photos de Kéven Tremblay, Noroît
- Enfants du lichen, de Maya Cousineau Mollen, Hannenorak