Design international : Alfred en liberté touche droit au but
Benjamin
16 juillet 2014
Au printemps 2014, Alfred Halasa lançait Alfred en liberté, une exposition rétrospective au pavillon de l'École de design de l'UQÀM. Portrait d'un évènement haut en couleur et d'un homme contrasté.
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Cette année, j'ai eu la chance d'avoir Alfred Halasa comme professeur de design et conceptualisation. Après une session à le côtoyer, j'étais persuadé que cet homme avait un plan.
Designer international émérite, Alfred nous a plongé dans son monde, le temps d'une session tout à fait affolante. Un univers composé de textures, habité de contrastes, peuplé de couleurs, mais bordé d'incompréhension pour nous, jeunes designers qui n'y comprenions pas grand chose au départ. Cette incompréhension était cependant planifiée. Elle devait avoir lieu pour nous permettre d'évoluer.
Où allions-nous? Je n'en avais pas la moindre idée, mais peu à peu, sans que nous nous en rendions compte, l'univers d'Alfred nous enveloppait et notre oeil se développait. D'origine polonaise, il martelait à chaque cours de drôles de phrases comme: «Oeil est organe plus important pour designer! Il ne faut pas jeter steak chaud par fenêtre!», nous encourageant ainsi à ne jamais perdre ne serais-ce qu'une heure de notre jeune temps.
En visitant l'exposition qui fut lancée en commémoration à sa carrière d'affichiste ce printemps, j'ai eu la preuve qu'Alfred applique lui-même ce qu'il répète chaque jour à ses étudiants. Une centaine d'affiches en sérigraphie pour commémorer plus de 40 ans de pratique, «c'est de la job».
On évolue alors, en entrant dans cette exposition, comme un nouvel étudiant dans un cours d'Alfred. Au départ, on ne comprend rien, on reçoit une claque dans la figure devant chaque affiche. Puis peu à peu, on s'ouvre l’œil, on s'ajuste, on finit par comprendre (un peu) et on apprécie.
Le centre de design de l'école s'est donc rapidement transformé en salle d'exposition. Il s'est peuplé d'affiches colorées de tous genres, disposées sur de grands murs allongés tombants du plafond, nous faisant croire à un labyrinthe flottant parsemé d’œuvres magnifiques, un vrai dédale de découvertes visuelles. Cette célébration d'une carrière de plusieurs décennies est en quelque sorte l'aboutissement des expérimentations issues d'une tête bouillonnante de designer, un long souffle de création qui recompose la réalité en symboles et en textures.
Alfred n'est pas un homme d'entrevue, mais je me suis tout de même assis quelques minutes avec le personnage dans son propre bureau afin de constater d'où partent toutes ces idées farfelues. L'endroit est évidemment aussi sauvage, bordélique et amusant que les affiches qui y sont produites. Un nombre incalculable de crayons, de livres de référence, d'échantillons de papiers et de pots de peinture de sérigraphie font craquer les étagères, et une tête de cerf accrochée au mur du fond complète l'étrange tableau. Une jungle illuminée, propice à des élans de création débridés. Les images parlent d'elles-mêmes.
En bref, si vous cherchez une expo de design qui vous captivera et vous sortira de la zone «mainstream» à laquelle nous avons trop souvent droit aujourd'hui, c'est jusqu'au 27 juillet, au 1440 rue Sanguinet au centre de design de l'UQAM que ça se passe, de 12h à 18h du mercredi au dimanche.
Ça vaut le détour!
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Crédits photo: Benjamin Lamy
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Alfred Halasa, designer multidisciplinaire a exposé partout dans le monde, notamment à Cracovie, Varsovie, Moscou, Mexico, Chaumont, Taipei, Montréal et bien d'autres endroits. Il est, depuis 1977, professeur à l'école de design de l'UQAM et poursuit encore aujourd'hui ses expérimentations artistiques.