L’enseignement en français interdit au Manitoba
1 avril 2023
Dans la série El Toro, on explore la question de la langue française en milieu minoritaire. On peut y entendre, à l’occasion, des francophones parler en anglais, ou en franglais. Comment expliquer le recul du français, sachant qu’à sa création, la province était bilingue?
En effet, la loi constitutionnelle de 1870 à l’origine de la création du Manitoba, promulguée à la suite d’une brutale bataille menée par les Métis de la rivière Rouge pour la reconnaissance de leurs droits, assure l’enseignement catholique francophone et l’enseignement protestant anglophone. Mais la politique fédérale d’immigration de l’époque, menée par l’antifrancophone Dalton McCarthy, contribue au départ des francophones et des Métis vers l’Ouest.
Une première crise des écoles survient en 1890 alors qu’on s’insurge contre le financement aux écoles catholiques et francophones, vu le nombre d’écoliers en décroissance.
La seconde crise se produit en 1916 avec l’adoption de la loi Thornton, qui abolit la dualité du système d’enseignement au public. Les écoles deviennent alors anglophones seulement.
L'Association d'éducation des Canadiens français du Manitoba, fondée en 1916 en réaction à loi Thornton, a servi de ministère de l'Éducation parallèle pour les francophones jusqu’au renversement de la loi, à la fin des années 1960.
crédit photo : Heather Beckstead
Durant ces décennies, les francophones ont dû trouver des méthodes créatives pour assurer la pérennité de leur langue. Bon nombre d’enseignants et enseignantes continuaient souvent à utiliser les manuels francophones de manière clandestine, et devaient les cacher en vitesse lors de visites impromptues de l’inspecteur du gouvernement. De telles histoires font partie du folklore franco-manitobain : il n’est pas rare d’entendre une personne âgée se remémorer cette forme d’enseignement, dite illégale, de la langue française. Des exemples qui démontrent la ténacité de la communauté de continuer à transmettre sa culture aux générations futures.
Les générations qui ont été éduquées en anglais ont aujourd’hui, parfois, un malaise ou une gêne à parler français. Néanmoins, leurs petits-enfants sont au rendez-vous pour reprendre le flambeau et vivre en français. La Division scolaire franco-manitobaine a vu le jour dans les années 1990, après la crise linguistique qui a scindé les communautés manitobaines. En 1915, avant l’adoption de la loi, on comptait 126 écoles francophones au Manitoba. Cent ans plus tard, on ne compte plus que 24 établissements. Le nombre d’écoles d’immersion est cependant en augmentation : le Manitoba dénombre 115 écoles d’immersion française. La relève est donc francophile, soit francophone, par choix!