Gabrielle Roy et la critique littéraire
Catherine Dulude
14 décembre 2021
La biographie de l’autrice, Gabrielle Roy, une vie, signée François Ricard, évoque la relation en dents de scie que Gabrielle Roy avait avec la critique littéraire.
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De nature anxieuse, c’est dans la solitude, le rituel de l’écriture qu’elle se sentait le plus à l’aise. Lorsqu’il était question de mondanités, elle les anticipait ou, tout simplement, les fuyait.
Son stress lié à la critique littéraire est sans doute venu du succès de son tout premier ouvrage, Bonheur d’occasion (1945), qui lui a valu le prestigieux prix Femina (1947) et dont les droits audiovisuels ont été achetés par les Studios Universal (1947) pour la somme de 75 000 $, ce qui représente plus de 1 million de dollars aujourd’hui. Le roman a généralement été bien reçu par la critique, tel qu’on peut le lire dans cet article en page huit du journal Le Devoir du 15 septembre 1945.
Le grand mérite de Gabrielle Roy, c’est d’avoir créé l’ambiance, le climat de Saint-Henri. Sa description de la rue Saint-Ambroise, en bordure du canal de Lachine, le long des voies ferrées, est un morceau d’anthologie.
Gabrielle Roy s’est ensuite sentie paralysée par la pression de produire un ouvrage qui allait être à la hauteur de son premier roman. Plusieurs années se sont écoulées avant la parution d’un nouveau livre, ce qui a fait parler la critique et la communauté littéraire, tel qu’on peut le lire en page 18 de cet article du journal Le Devoir daté du 25 novembre 1950, au sujet de la parution de La petite poule d’eau.
Gabrielle Roy n’ayant rien publié depuis Bonheur d’occasion, sauf quelques nouvelles dans des revues françaises, plusieurs en avaient conclu qu’elle n’avait plus rien à dire. Son nouveau livre, peut-être, les confirmera dans leur opinion. Car La petite poule d’eau n’est en rien comparable à la révélation que fut pour nous (sinon pour la critique française) Bonheur d’occasion.
Sa relation à la critique littéraire a continué sur cette pente descendante jusque dans les années 60 et 70, dans un Québec alors en pleine effervescence culturelle et linguistique. À titre d’autrice canadienne-française ayant frayé le chemin vers la reconnaissance des auteurs francophones du Canada, et ce, même en France, il peut être surprenant de voir qu’elle n’a pas emboîté le pas à ce mouvement d’émancipation culturel. En fait, elle voyait plutôt là une menace, elle qui était, après tout, une Canadienne française du Manitoba. Par conséquent, ses écrits détonnent avec ceux de ses contemporains et contemporaines, ce qui lui a valu une critique farouche. À la suite de la publication de Cet été qui chantait (1972), le journal Le Soleil a publié cet article, en page 62 de l’édition du 18 novembre 1972, qui n’y allait pas de main morte.
Somme toute, une œuvre inutile. "Tout ce que vit, écrit l’auteur, veut vivre à deux. A besoin de son semblable. Ou à défaut de son semblable, de quelqu’un d’autre." Que kildirs et corneilles aient dans la vie de Gabrielle Roy remplacé ses semblables, c’est son affaire. Mais qu’elle les impose pour la leçon, ancienne enseignante qui veut retrouver la jeunesse du cœur sans passer par la psychologie, les semblables lecteurs prendront peut-être d’eux-mêmes la fuite.
L’autrice est toutefois revenue dans les bonnes grâces de la critique littéraire à la parution d’Un jardin du bout du monde et de Ces enfants de ma vie, qui ont reçu de nombreux éloges. En 1979, elle a notamment remporté le Prix de la littérature jeunesse du Conseil des arts du Canada pour le conte Courte-queue.
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