Artiste à découvrir : Julien Castanié, illustrateur

Artiste à découvrir : Julien Castanié, illustrateur

16 août 2019

Nous vous présentons l'illustrateur Julien Castanié, qui a eu la générosité de répondre à nos questions. ​

 

Q : Racontez-moi un souvenir de jeunesse qui a eu une influence sur votre choix de travailler dans le milieu de l’illustration.

 

R : Mon grand-père peignait pour son plaisir en marge de son travail. Il avait le souci de la précision et du geste. Enfant, j'ai beaucoup dessiné avec lui. Je me dis que ce n'est pas par hasard si je suis illustrateur aujourd'hui. Les modèles sont importants…

 

Q : En quelques mots, décrivez-moi votre style artistique.

 

R : J'utilise plusieurs styles. Je l’adapte selon le projet et le média. Je peux dessiner de grands aplats colorés et des visages expressifs pour un livre de poésie pour enfants, ou tout aussi bien créer un univers avec des dégradés et des textures pour un jeu de société. On pourrait dire, de façon générale, que je réalise souvent des images très colorées avec une pointe d'humour. 

 

 

Q : Vous êtes président du conseil d’administration (CA) de l’Association des illustrateurs et illustratrices du Québec. Quel est votre rôle dans cette organisation?

 

R : En quelques mots, le rôle d'Illustration Québec est de regrouper, de soutenir et de défendre les intérêts des illustrateurs et des illustratrices. C’est également de promouvoir et de diffuser l'illustration. Accompagnés de la directrice et des 11 membres proactifs du CA, nous travaillons à tirer les pratiques de notre métier vers le haut.

 

Cela passe par des formations, du coaching [mentorat], de l'entraide ainsi qu’un groupe d'échange et de soutien. Dernièrement, nous avons rédigé et présenté au fédéral un mémoire contenant nos recommandations pour améliorer les conditions de vie des illustrateurs et illustratrices à l'occasion de la refonte de la Loi sur le droit d'auteur.

 

 

Q : L’illustration fait belle figure, et ce, depuis fort longtemps, dans les grandes publications et les magazines internationaux tels que le New Yorker, le magazine Time, leNew York Times et le Guardian. Mais au Québec, la situation est-elle la même?

 

Dans le monde d'images dans lequel nous vivons, l'illustration est un média puissant. Elle raconte, décrit, explique, agrémente, et bien plus encore. Ces dernières années, on remarque que l'illustration devient un moyen de communication privilégié. On le constate particulièrement dans le domaine du numérique et pour les services en ligne tels que Slack, Asana et Google. L'illustration apporte une touche d'humanité et de chaleur qui manque aux interactions humains-machines de ces services.

 

Elle possède aussi la force de raconter sans nécessairement montrer littéralement. Dans le domaine de l'illustration éditoriale, les images peuvent être percutantes et fortes, et elles peuvent même pour certaines rester en tête longtemps. Elles ont le pouvoir de matérialiser des idées.

 

Cet enthousiasme pour le média ne reflète cependant pas la réalité des créateurs et créatrices. Selon notre dernier sondage de 2018, 45 % des illustrateurs et illustratrices touchent un revenu annuel net de moins de 15 000 $. Une grande précarité qui est alarmante.

 

Q : Vous avez gagné un prix d’excellence avec votre projet Les Montréalaises. Parlez-moi de la création de cette collection de sérigraphies qui explore la ville et son architecture. 

 

Le projet Les Montréalaises est une collaboration avec mes amies architectes membres du laboratoire Marmit. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec elles. L'idée est d'illustrer le Montréal d'aujourd'hui en représentant les architectures ainsi que les habitantes et habitants des quartiers. Cela est le fruit d’un long mais passionnant travail.

 

 

Q : L’illustration pour la littérature jeunesse est l’une de vos spécialités. Comment fonctionne la collaboration entre vous et la personne qui écrit?

 

R : Le livre illustré, c'est un travail de création à quatre mains. Avant d'accepter un projet de livre, je prends la peine de lire les textes. À force d'en lire, je m'oriente naturellement vers certaines écritures ou certains sujets qui me touchent, ou que j'ai envie d'explorer. Parfois, je trouve un texte très bon, mais je ne me vois pas l'illustrer. Ça arrive! Le temps de création d'une telle œuvre est si long qu'il vaut mieux avoir la conviction qu'un texte nous colle à la peau. 

 

 

Q : En 2016, vous avez pris la barre de l’équipe de Montréal du collectif d’artistes Skinjackin. Votre nom de pirate : Capitaine Castagneur. Quel est ce projet?

 

C'est du gros fun! Nous sommes un collectif d'artistes qui créent des tatouages éphémères, colorés, humoristiques et espiègles. Nous les réalisons sur la peau de nos « victimes » lors d'événements publics ou privés. Chaque tatouage est unique. Il s'accompagne souvent d'un jeu de mots et s'inscrit dans le thème de la soirée. Skinjackin a travaillé avec Piknic Electronik, la Ville de Montréal, Osheaga, Desjardins, Le Cirque du Soleil, Le Cartel, LG2, etc. Autant de projets et de lieux différents!

 

 

Q : En collaboration avec Marmit, vous avez créé les Archi Posters, de grandes affiches ludiques à colorier pour initier les enfants à l’architecture. D’où vous est venue cette idée?

 

R : À vrai dire, c’est une initiative de Marmit Labo. Ce sont en quelque sorte des « kits » d'apprentis architectes prenant la forme d'une grande affiche qui regroupe des activités sur l'architecture destinées aux plus jeunes. Apprendre en s'amusant : un « combo » gagnant!

 

 

Q : Cette année, vous êtes l’un des trois créateurs qui entameront une résidence dans une école montréalaise. Parlez-moi de ce projet unique.

 

R : Rendu possible grâce à Communication-Jeunesse et le Conseil des arts de Montréal, Une école montréalaise pour tous donne des ateliers artistiques à des enfants d'une dizaine d'années dans une école à Montréal, et ce, tout en mettant sur pied un projet personnel lors d'une résidence de 12 semaines.

 

Cette année, chaque élève construira sa maison en carton. Ensemble, nous créerons leur ville rêvée. C’est un prétexte à l'introspection et aux partages culturels. Je joins mon savoir théorique et pratique, mais c'est avant tout une occasion pour apprendre des enfants. Et on apprend beaucoup!

 

Q : Cette année, vos illustrations seront placardées dans un immense chantier de construction. À quoi peut-on s’attendre?


R : Kanva, un jeune cabinet d’architectes, m'a donné le mandat de communiquer sur les travaux de la rue Sainte-Catherine pendant leur déroulement. Les illustrations didactiques que j'ai créées retracent les évolutions successives de la rue à travers les derniers siècles. C’est un voyage fascinant à travers l'histoire de Montréal qui a pris place le long des barrières de protection des zones en travaux.

 

Cette narration a donc un rôle historique, en contextualisant les changements apportés à la rue, et un rôle didactique, puisqu’elle donne des explications sur la nature des travaux effectués. C'est l’une des forces importantes des illustrations : porter plusieurs niveaux de lecture tout en restant lisible.

 

 

Q : Quel est le contexte propice pour trouver vos meilleures idées?

 

R : J'aime croire que les idées ne m'appartiennent pas. Elles arrivent, et si j'ai la chance d'en capter certaines, je suis heureux. Ensuite vient la matérialisation de ses idées. Là, c'est une autre affaire.

 

La manière dont cela fonctionne reste tout de même un peu mystérieuse. Parfois, ce sont les contraintes qui sont mères de créativité. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, il existe tout de même des méthodes et des outils pour la développer.

 

Q : Présentez-moi d’une œuvre de vos camarades que vous affectionnez particulièrement.

 

R : Il y a une couverture de livre de Benoit Tardif pour Les éditions de Ta Mère dont je ne me suis toujours pas remis. Il y a tout ce que j'aime : de la poésie, une composition forte, un rapport titre-image brillant et, surtout, un je-ne-sais-quoi qui me touche. Ce petit truc qui n'a pas de recette ni de mode d'emploi et qui s'appelle le talent.

 

Q : Quels sont les prochains projets qui sommeillent dans la tête de Julien Castanié?

 

R : Du côté d'Illustration Québec, nous préparons déjà la prochaine saison de formations pour nos membres. Nous allons continuer d'organiser nos 6@8 CHILLustration, qui reçoivent un très bel accueil. On y fait toujours de belles rencontres enrichissantes, et c'est ouvert à tous et à toutes. Il y a même des directeurs et directrices artistiques qui viennent parfois.

 

Côté illustration, je travaille sur deux livres jeunesse chez des éditeurs québécois. Après avoir suivi un atelier de création littéraire de Mireille Levert, je vais bientôt explorer le domaine de l'écriture. J'ai hâte!

 

 

Q : Finalement, quel est le meilleur conseil que vous donneriez à un ou une jeune artiste?

 

R : Deviens membre d'Illustration Québec. Pour vrai! C'est une communauté forte et un accompagnement dans tous les aspects du métier. C'est en se regroupant qu'on devient plus forts! Mais pour aller plus loin, je peux raconter ce qui a fonctionné pour moi : c'est d'aller à la rencontre de mes pairs. C'est un bon départ.

 

Julien Castanié / Crédit : Alex Tran

 

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