Le romancier Louis-Ferdinand Céline vient tout juste de faire paraître son plus récent livre, intitulé Guerre, une œuvre qui en est déjà à sa quatrième réimpression (le livre est offert depuis le 9 juin ici, au Québec). Si vous connaissez un peu le milieu littéraire, vous savez que cette nouvelle est des plus surprenantes puisque l’auteur est décédé depuis plus de 60 ans. C’est que ce nouveau récit a été extrait des milliers de manuscrits qui ont été remis aux héritiers du célèbre (et controversé) écrivain au cours des dernières années, après avoir disparu en 1944. À l’époque, Louis-Ferdinand Céline, qui était ouvertement antisémite, et sa femme, Lucette Destouches, ont quitté la Ville Lumière, craignant les représailles à leur endroit à la suite de la libération de Paris, laissant ainsi leurs biens – dont les fameux manuscrits – derrière.

Cette nouvelle des plus inusitées nous a donné l’idée de fouiller afin de trouver d’autres occasions où des œuvres littéraires avaient connu un succès fulgurant après le décès de leur auteur ou autrice.

Voici le fruit de notre recherche.

Millénium, de Stieg Larsson

La vie du journaliste, activiste et écrivain Stieg Larsson s’est conclue de façon tout à fait tragique, le 9 novembre 2004, après qu’il eut fait un infarctus à l’âge de 50 ans; tout cela quelques mois à peine après avoir envoyé ses écrits à Norstedts, plus grande maison d’édition de la Suède. Il est donc mort tout juste avant que sa trilogie de romans Millénium soit publiée (entre 2005 et 2007) et connaisse un succès monstre à l’échelle internationale. En 2015, plus de 75 millions de copies des livres avaient été vendues. L’histoire mettant en vedette l’improbable duo formé du journaliste Mikaël Blomkvist et de la jeune pirate Lisbeth Salander a d’ailleurs suscité à ce point d’intérêt qu’elle a été adaptée à la télé suédoise et au cinéma américain par la suite. 

Entre 2015 et 2019, les romans de la seconde trilogie de la série Millénium écrite par David Lagercrantz ont été publiés, au grand dam d’Eva Gabrielsson, conjointe de Stieg Larsson durant les 32 dernières années de sa vie, qui avait dénoncé haut et fort que l’œuvre de l’écrivain décédé soit reprise ainsi. Rappelons que la veuve de ce dernier n’a reçu aucune somme découlant de la vente des livres ou des droits puisque le couple n’était pas marié. Une autre trilogie à paraître a été annoncée en novembre dernier, bien que le choix de son auteur ou de son autrice n’ait pas encore été fait.

On se demande bien ce que Stieg Larsson dirait de tout ça s’il était toujours vivant.

Le journal d’Anne Frank, d’Anne Frank

L’histoire de la jeune Anne Frank, connue mondialement, exprime toute la tragédie de la guerre. La Néerlandaise est tristement morte dans un camp de concentration à l’âge de 15 ans, en 1945, alors que la Seconde Guerre mondiale était sur le point de prendre fin. Entre juillet 1942 et août 1944, l’adolescente et sa famille se terrent dans un appartement dissimulé derrière une fausse bibliothèque afin d’éviter d’être arrêtées par les Allemands. C’est au cours de cette période qu’Anne Frank rédige son journal intime détaillant l’expérience qu’elle vit au quotidien, jusqu’à ce que la cache où elle habite soit découverte par les nazis. Puis, une fois la guerre terminée, Otto Frank, qui a survécu à son emprisonnement dans un camp de concentration, collige les deux versions des écrits – l’une était un journal d’adolescente, l’autre une première version de roman – de sa fille afin d’en faire une nouvelle version, publiée pour la première fois en 1947. C’est cette dernière qui deviendra le fameux Journal d’Anne Frank, livre écoulé à des dizaines de millions d’exemplaires.

Le récit de la jeune écrivaine captive le monde entier depuis sa parution; il a notamment été adapté au théâtre et au cinéma à de nombreuses reprises.

Une histoire aussi tragique que populaire.

L’œuvre entière de Franz Kafka

Franz Kafka a eu une vie assez singulière, en ce sens qu’il a longtemps été reclus dans sa famille, surtout en raison de pressions malsaines de son père. Dans l’œuvre de l’auteur né à Prague, le patriarche est fréquemment décrit comme un tyran qui dictait les faits et gestes de son fils. Lorsqu’il était adulte, Kafka a longtemps travaillé pour une compagnie d’assurance, ce qui l’empêchait de se consacrer entièrement à l’écriture. En même temps, il côtoyait des intellectuels et des gens de lettres de Prague, avec qui il a développé certaines relations de proximité. L’une de ces personnes est Max Brod, qui a joué un rôle capital après la mort de son ami puisque c’est lui qui a promu son œuvre et l’a fait connaître au monde entier, contre le gré de Kafka. En effet, l’auteur avait stipulé qu’il souhaitait voir tous ses écrits être détruits après son décès, une volonté que Max Brod, son exécuteur testamentaire, n’a pas respectée.

C’est donc grâce à cet affront que les romans Le procès et Le château, entre autres, ont été lus et appréciés par des millions de personnes partout dans le monde.

Une histoire digne de Kafka!

L’œuvre entière de Jane Austen

Crédit : Getty Images - Hulton Archive

Jane Austen était une romancière anglaise qui est décédée au jeune âge de 41 ans. Au cours des dernières années de sa vie, elle a publié quatre livres : Raison et sentiments (Sense and Sensibility), en 1811; Orgueil et préjugés (Pride and Prejudice), en 1813; Mansfield Park, en 1814; et Emma, en 1816. Puis, un an après sa mort, en 1817, deux autres romans écrits de sa main – L’abbaye de Northanger (Northanger Abbey) et Persuasion – ont été publiés. Si l’autrice a connu un certain succès avec ses œuvres lors de son vivant, ce n’est qu’après son décès que celles-ci sont devenues très populaires, tant aux 19e et 20e siècles qu’aujourd’hui. 

Plusieurs de ses récits, qui abordaient la vie « ordinaire » de façon moderne ainsi que des thèmes féministes (tels que la dépendance des femmes anglaises au mariage pour gravir les échelons de la hiérarchie sociale), ont d’ailleurs été adaptés au cinéma.

Une véritable pionnière, cette Jane Austen.

Les fourberies de Scapin, de Molière

Crédit image : Wikipedia

Molière est certainement l’un des plus grands dramaturges de l’histoire, toutes langues confondues. Mais saviez-vous que sa pièce Les fourberies de Scapin avait d’abord été un échec retentissant avant de devenir le classique que l’on connaît aujourd’hui? En effet, l’écrivain avait travaillé cette pièce minimaliste à la hâte pour qu’elle soit présentée au théâtre du Palais-Royal pendant que l’établissement était en rénovation, ce qui empêchait les mises en scène d’être aussi imposantes qu’à l’accoutumée. La première a eu lieu le 24 mai 1671 et n’a pas attiré les foules escomptées, ce qui a découragé l’auteur et comédien, qui n’a interprété le rôle de Scapin qu’à 18 occasions.

Après la mort de Molière, en 1673, ses partenaires de théâtre ont eu l’idée de présenter à nouveau la pièce. Cette décision s’est avérée excellente puisqu’elle a été accueillie avec un grand enthousiasme et qu’elle est devenue une des œuvres les plus jouées du théâtre français.

Comme quoi un échec peut vite se transformer en succès!

Voilà qui met fin à notre billet sur des œuvres littéraires ayant connu un succès important après la mort de leur auteur ou autrice.

À bientôt pour un autre billet de la série insolite!