Les albums d'ici qu'on a écoutés en boucle

18 décembre 2018

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La musique nous accompagne partout où l’on va, et cette année qui s'achève nous a encore réservé son lot de merveilles canadiennes et québécoises. Voici des albums qui nous ont habités cette année.

 

DarlèneHubert Lenoir

Que dire de cet album, 10 mois après sa sortie (soit après les frasques, le buzz, les coups d’éclat, La voix et le trophée avalé)? Si on revient à l’essentiel, on a devant nous neuf pièces à la fois imparfaites et impressionnantes, modernes et classiques, variées et cohérentes. De l’intro Fille de personne 1 à la reprise de Jean-Pierre Ferland Si on s’y mettait, on entend du jazz, du métal, du soul, du saxophone et aucune faute de goût. Si l’album a un défaut, c’est celui de nous en mettre trop peu sous la dent (35 minutes, dont quatre pièces instrumentales). Rarement un deuxième album n’aura été aussi attendu au Québec.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Recommencer

 

La nuit est une panthère - Les Louanges

L’extrait Pitou nous avait mis l’eau à la bouche plus tôt cette année. Il n’y a pas de pièces aussi accrocheuses sur La nuit est une panthère, mais l’intérêt est ailleurs. Sur des rythmes jazzés et R'n'B, Vincent Roberge – Les Louanges, c’est lui et seulement lui – pose sa voix nonchalante, et instantanément, tout devient secondaire dans notre petite bulle. Si l’album s’inscrit dans la mouvance de l’esthétique « chill » (Jerôme 50, Choses Sauvages) qui semble avoir émergé sur la scène indie québécoise en 2018, le son des Louanges ne ressemble à rien à ce qui se fait ici présentement.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Pitou

 

 

Petites main précieuses – Ariane Moffatt

Inspiré par la naissance de son troisième enfant, ce sixième album d’Ariane Moffatt ne détonne pas dans sa discographie. L’auteure-compositrice-interprète nous offre ce qu’elle fait de mieux : une pop électro de qualité. Les propos intimes (Du souffle pour deux) côtoient les réflexions sociales (Cyborg, La statue) dans une belle homogénéité qui n’est sûrement pas étrangère au travail du réalisateur Philippe Brault. Bref, le premier faux pas dans la carrière d’Ariane Moffatt n’a pas eu lieu en 2018.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Pour toi

 

 

 

 

Beaucoup de plaisir Les Trois Accords

Qui aurait cru que 15 ans après leur premier succès, Hawaïenne, on aurait encore autant de plaisir à écouter la musique des Trois Accords? Oui, ils ont ajouté un peu de profondeur à leur son et à leurs paroles au fil du temps, mais en somme, l’essentiel de ce qui fait leur charme est toujours intact. Encore une fois, on s’émerveille devant le talent de mélodiste de Simon Proulx, et il faut être sérieusement blasé pour ne pas être de bonne humeur en entendant les paroles naïves et absurdes de Beaucoup de plaisir. Ces gars-là sont incapables de faire un mauvais album.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Ouvre tes yeux Simon!

 

Hell-On – Neko Case

Pour son 8e album solo, la chanteuse rouquine a fait appel à Bjorn Yttling (Peter Bjorn and John) pour la réalisation et a invité pas moins d’une trentaine de musiciens et chanteurs. Tout ce beau monde a certainement contribué au son riche et éclectique qui en résulte. Neko Case donne toujours dans l’indie folk, mais en explore les différentes nuances et prend des risques, comme sur la magnifique Curse of the I-5 Corridor, en duo avec Mark Lanegan, la plus longue chanson de son répertoire à ce jour. Et cette voix si caractéristique qui nous prend aux tripes, comme toujours…

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Curse of the I-5 Corridor

 

Viens avec moiLes Hôtesses d’Hilaire

Viens avec moi est un disque concept de rock psychédélique qui dure 90 minutes. On vous l’accorde : dit de cette manière, ce n’est pas super « sexy », mais ceux qui s’installent et écoutent attentivement le quatrième album de ce groupe de Moncton seront récompensés. Dans une histoire qui est une critique acerbe de l’industrie musicale, on suit la montée puis la déchéance de Kevin – un jeune chanteur issu de la téléréalité prêt à tout pour atteindre la gloire – et les déboires de Serge Brideau, le chanteur des Hôtesses, qui tente de faire sa place au soleil. Un opéra rock sarcastique, audacieux et foisonnant.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Pousser ma note

 

La nuit des longs couteauxKoriass

« J'devrais sortir de l'ombre / J'devrais coller ma blonde / J'devrais border mes filles au lieu de "boarder" l'avion. » Ces phrases tirées de la pièce Alerte Amber résument bien le sentiment de culpabilité qui ronge Koriass sur la plupart des pièces de son cinquième album. C’est que l’année difficile qu’il a passée, lors de laquelle il a dû prendre une pause de la scène pour cause de graves problèmes personnels, aura été l’inspiration directe de ses nouvelles chansons. Toujours aussi précis et incisif dans sa prose, le rappeur fait appel à la nouvelle sensation Fouki sur deux pièces (Miracles et Lait de chèvre). Côté musical, rien de neuf à signaler, sinon l’apport très intéressant des échantillonnages sur J-3000 (extraits de Breaking Away from Sanity, de Kim Carnes) et sur bref. La nuit des longs couteaux n’est pas un album de tout repos, mais il se situe au-dessus de la mêlée de ce qui se fait sur la planète rap québécoise.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Éléphant

 

The Ballad of the Runaway Girl – Elisapie

Cinq ans après la sortie de Travelling Love, avec ses sonorités plutôt pop, Elisapie a mis un terme à une trop longue absence et a fait son retour dans le paysage musical en 2018 avec un album plus terre à terre et réconfortant. C’est suite à une dépression dont elle a parlé ouvertement dans les médias que la chanteuse originaire du Nunavik a amorcé la compostions des pièces de The Ballad of the Runaway Girl. Épaulée par le compositeur et arrangeur Joe Grass et Paul Basque, de Plants & Animals, aux guitares, Elisapie y fait preuve à la fois de force et de fragilité. Chaudement recommandé si vous aimez la musique de Leonard Cohen et de Patrick Watson.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Don’t Make Me Blue

 

Nos idéauxDumas

Le sujet est souvent revenu dans les entrevues que le chanteur a accordées lors de la sortie du disque : Nos idéaux est un album de remises en question. Enregistré alors qu’il était complètement sobre depuis quelques mois, Dumas regarde dans le rétroviseur pour mieux comprendre l’état des lieux. Le résultat, loin d’être déprimant, fait ressortir le meilleur du chanteur. Côté musique, la réalisation de Gus Van Go apporte du relief, et l’équilibre pièces planantes-pièces dansantes est parfaitement dosé. Peut-être le meilleur album de Dumas depuis Fixer le temps.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Bleu clair

 

In a Poem UnlimitedU.S. Girls

Qui a dit que la musique pop ne servait qu’à divertir ? Meghan Remy et son projet U.S. Girls prouvent le contraire sur In a Poem Unlimited. Dans la continuité du précédent album, Half Free, la Torontoise offre une réflexion sur différents enjeux de société – mais principalement sur les abus divers que subissent les femmes dans notre système –, avec toujours cette révolte et cette colère sourde comme toile de fond. La musique, souvent très pop (Rosebud) ou parfois même disco (Mad as Hell, Time), et cette voix qu’a Remy – à mi-chemin entre celle de Madonna et de Gwen Stefani – contrastent avec la dureté des propos. Le tout donne un objet assez unique est consistant. Pas étonnant qu’In a Poem Unlimited se soit qualifié pour la courte liste du prix Polaris.

Si vous avez une seule pièce à écouter : Pearly Gates

 

InscapeAlexandra Stréliski

Le deuxième album d’Alexandra Stréliski aura été la bande sonore de l’automne 2018 pour plusieurs mélomanes. Et pour cause! Le consensus autour d’Inscape et de sa douce musique néoclassique rappelle l’engouement qu’il y a eu pour SoloPiano, de Chilly Gonzales, il y a une quinzaine d’années. On y trouve cette même accessibilité et cette réalisation totalement dépouillée. Celle qui s’est fait remarquer par sa présence dans les trames sonores des films et des séries télévisées de Jean-Marc Vallée avec seulement un piano comme outil nous invite à un voyage dans son paysage intérieur (Inscape), et chaque écoute nous bouleverse.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Plus tôt

 

Le sens des paroles Alaclair Ensemble

Deux ans après Les frères cueilleurs et la chanson qui a élargi son bassin d’auditeurs, Ça que c’tait, Alaclair Ensemble aurait pu revenir avec un album plus « pop ». Il n’en est rien. Le sens des paroles creuse encore plus dans ce qui fait la singularité de l’art créé par cette formation : une chimie à toute épreuve entre les six membres, sans oublier une créativité sans retenue, et ce, autant pour le son que la prose. Même si l’autodérision et l’humour ne sont jamais bien loin, les « minces » prennent une tangente un peu sérieuse, le tout sur des sonorités latines, G-funk et R'n'B.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Paroisse

 

Premier juin  - Lydia Képinski

Le premier vrai album de Lydia Képinski est sorti sans crier gare au mois d’avril. Une sortie inattendue, en phase avec la spontanéité de la chanteuse et des surprises qui nous attendent tout au long de l’écoute de Premier juin. À travers les références à Diane Dufresne, aux Mystérieuses cités d’or, à la musique classique, au rap et au rock progressif, l’interprétation à fleur de peau de la fougueuse chanteuse nous garde sur le fil du rasoir du début à la fin. Un album qui a du souffle et qui confirme la place de Képinski (âgée de seulement 25 ans) parmi les auteurs-compositeurs-interprètes de marque du Québec.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Premier juin

 

Meilleur aprèsDiane Dufresne

La sortie d’un album de Diane Dufresne est toujours un événement en soi. Il s’est écoulé 11 ans depuis son dernier album, et la diva québécoise se fait rare depuis une vingtaine d’années. Sur Meilleur après, elle signe quatre textes, dont un sur l’écologie (L’arche) et un autre très intime sur le passage du temps (Le temps me fait la peau). Musicalement, la facture est plutôt classique dans son ensemble – piano, cordes –, mais on est surpris d’entendre l’influence de Björk sur Comme un damné (qui rappelle Human Behaviour en plus lent). Si c’était pour être son dernier album, et on souhaite que ce ne soit pas le cas, c’est une sortie de scène des plus réussies.

Si vous n’aviez qu’une seule pièce à écouter : Mais vivre

 

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Et vous, quel album d'ici a tourné en boucle dans vos oreilles en 2018?

 

Rédigé par Mathieu Valiquette

 

Pour découvrir ce qui s’est passé dans le domaine culturel au cours de la dernière année, consultez notre rétrospective culturelle chaque jour jusqu’au 26 décembre.