Les œuvres utiles d'Alexia Bürger

Les œuvres utiles d'Alexia Bürger

21 février 2020

L'art comme réparateur de vie? La journaliste culturelle Émilie Perreault nous prouve une fois de plus l'utilité du rôle des artistes dans notre société avec la deuxième saison de Faire oeuvre utile. Encore une fois cette année, vous plongerez dans l'histoire de huit personnes qui ont vu leur vie transformée grâce à l'oeuvre d'une ou d'un artiste. ICI ARTV vous propose de refaire l'exercice avec les invités de l'émission. Cette semaine, la dramaturge, metteure en scène et comédienne Alexia Bürger nous partage ses « oeuvres utiles ». 


Ne ratez pas la deuxième saison de Faire oeuvre utile le vendredi à 20h et en rediffusion le dimanche 18h, lundi 23h30, mercredi 10h et jeudi 11h sur ICI ARTV. 


 

Quelles sont les oeuvres qui vous ont été utiles dans votre vie?
 

« Il y en a beaucoup. Il y en a qui ont été marquantes dans mon adolescence, donc dans un moment où l’on forme la pensée. Je pense à Léonard Cohen en particulier. Je pense à toute son oeuvre. Quand j’ai découvert son écriture, c’est comme si j’avais compris qu’à travers la fragilité, la vulnérabilité et les épisodes noirs de la vie, il y a toujours moyen de trouver de la beauté et une sorte de lumière. J’ai été pendant des années portée et habitée par ses chansons. Donc, Il a presque remplacé Dieu, moi qui était athée, à l’adolescence! (rires) Ça me suit encore aujourd’hui. »

 

 

 Il y a une oeuvre qui m’a vraiment marquée à l’adolescence de Salinger qui s’appelle The Catcher In The RyeC’est un roman dans lequel on suit un adolescent, un garçon de seize ans qui a du mal à accepter de vieillir et d’entrer dans le monde trop hypocrite. C’est magnifique, parce que c’est un livre qui parle d’identité, de révolte, de la douleur d’accepter le temps qui passe et de l’importance de la souveraineté et de l’autonomie de la pensée peu importe l’idéologie dominante. C’est quelqu’un qui regarde le monde adulte avec ses yeux d’adolescents partagé entre l’innocence de l’enfance et la peur d’entrer dans un monde où tout le monde est hypocrite. Son combat intérieur, sa lucidité et sa révolte c’est vraiment quelque chose qui m’a aidée à traverser l’adolescence.

 

 

À l’âge adulte, c’est la cinéaste Andrea Arnold. C’est vraiment quelqu’un qui me fait extrêmement de bien, parce qu’à chaque fois que je vois ses films, particulièrement Fish Tank et American HoneyElle a une façon de filmer, elle isole des personnages de leur contexte et comme ils sont très souvent extrêmement pauvres, des gens qui n’ont pas la chance de leur côté au départ dans la vie, elle a une façon très spéciale de nous faire entrer dans la vie de ces personnages dans sa manière de les filmer sans jamais entrer dans le cliché. Elle sépare les êtres humains de leurs contextes sociaux. Elle arrive à les extraire de ça malgré tout. Il y a là quelque chose de très cru et de très critique dans sa façon de filmer. Pour moi, Andrea Arnold est une grande humaniste.

 

 

Il y a également une plasticienne que j’adore qui se nomme Doris Salcedo. C’est une Colombienne qui fait des installations, des sculptures. Ses oeuvres ont toujours une portée politique, par exemple des oeuvres qui vont porter sur des événements qui se sont passés en Amérique du Sud  ou des événements politiques marquants. Elle se sert des objets du quotidien, elle les détourne parfois de leur fonction initiale. Par exemple, une de ses oeuvres qui m’a marquée c’est une robe cousue avec des pétales de fleurs pour parler, entre autres, de la torture. Elle travaille donc l’extrême fragilité des matériaux et en même temps, l’extrême fragilité humaine. »

 

 

Que retenez-vous de votre rencontre avec Gilles, de votre passage à Lac-Mégantic et de votre participation à Faire œuvre utile?


 

« Pour moi, ça a été extrêmement bouleversant de retourner sur les lieux avec Gilles et de les visiter avec son regard et son expérience à lui. C’est la personne que je connais qui a vécu la tragédie de plus près et celui qui, sept ans plus tard, porte encore ça quotidiennement. Je considère ça comme une immense chance d’avoir pu revisiter ça avec lui. J’en garde un souvenir très émotif, très touchant et très beau malgré tout. »

 

 


 

pour en savoir plus

Une pièce pour partager la responsabilité de la tragédie de Lac-Mégantic
Les Hardings : entre fiction et réalité (Entrevue Culture Club)