Les Oscars «pour votre considération»

27 février 2014

Chaque année, durant une soirée particulièrement glamour où le champagne coule à flot et tout le monde est sur son 36, une phrase est répétée sans cesse : « Je veux remercier l’Académie ». Mais de quelle académie parle-t-on exactement?

L’AMPAS, l’Academy of Motion Pictures Arts and Sciences ou « l’Académie » pour les intimes, « est une organisation professionnelle dédiée à l'amélioration et à la promotion mondiale du cinéma » selon nos amis de Wiki. Je doute fort que le cinéma américain ait besoin d’être promu mondialement encore plus qu’il ne l’est ordinairement par la machine hollywoodienne. N’empêche que l’Académie et ses quelque 6000 membres ont vraiment le tour pour organiser une soirée qui fait tourner les têtes.

Mais avant que n’arrive le Jour G (G pour gala) du 2 mars prochain, il existe tout un processus de lobbying, de nomination et de votation pour permettre à Jean-Marc Vallée – ou bien est-ce John Mac McMurphy? – d’aller récupérer sa statuette pour meilleur montage (pardonnez le parti pris).

Dès le mois de novembre, une véritable campagne prend son envol, une campagne qui n’est pas sans rappeler les méga élections présidentielles de nos voisins du Sud. La logique est assez simple : pour décrocher un Oscar, il faut avant toute chose décrocher une nomination aux Oscars. Pas une mince affaire lorsqu’on considère la foison d’œuvres cinématographiques qui émane de Tinseltown.

Pour y arriver, la plupart des studios hollywoodiens lancent de grandes campagnes publicitaires. Leur cible : les membres de l’Académie pouvant voter. Leurs armes : les pages glacées du magazine spécialisé Variety et les superpanneaux qui bordent les boulevards des quartiers huppés de Los Angeles. C’est alors que commence le festival des publicités « For your consideration ».

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Melissa Leo a elle-même déboursé les frais de cette publicité moussant sa nomination pour Meilleure actrice de soutien dans le film The Fighter en 2011. Un bon investissement étant donné qu’elle a finalement mis la main sur l’Oscar.

Publicité : oui. Sollicitation : non.

Pour s’attirer la faveur des membres de l’Académie, les initiatives publicitaires grand public sont autorisées. Cependant, il est formellement interdit de mousser la candidature d’un film par courrier, courriel ou téléphone selon le règlement de l’AMPAS. C’est ce qu’a appris dernièrement Bruce Broughton, un musicien et ancien gouverneur de l’Académie qui avait décroché une nomination pour la chanson d’un drame chrétien obscur présenté une semaine dans une petite salle de cinéma en banlieue de Los Angeles. Broughton a perdu sa nomination lorsque l’Académie a appris qu’il avait envoyé des courriels aux membres votants pour attirer l’attention sur sa chanson.

Quand le vote tourne mal

Une fois les nominations annoncées, c’est le moment du vote. Malgré la présence fréquente de favoris, les films, réalisateurs et acteurs en compétition ne font pas toujours l’unanimité. C’est pourquoi l’histoire des Oscars regorge de cas flagrants d’injustice. Voici quelques exemples illustres.

En 1969, le grand maître Stanley Kubrick, nommé pour la statuette du meilleur réalisateur pour l’un de ses films phares (ne le sont-ils pas tous?) 2001: A Space Odyssey, mord la poussière. C’est Carol Reed qui décroche le trophée pour le film mineur Oliver! Au fil de sa carrière, Kubrick a été nommé à 13 reprises aux Oscars et n’en a finalement récolté qu’un : celui des meilleurs effets spéciaux…

Un autre grand malheureux des Oscars : Martin Scorsese. Le génial réalisateur derrière les chefs-d’œuvre Taxi Driver, Mean Streets ou encore Casino n’a finalement reçu l’accolade de ces messieurs dames de l’Académie que très tard dans sa carrière avec The Departed, un remake couci-couça d’un film hongkongais. En 1981, c’est Robert Redford avec son film (ordinaire?) Ordinary People qui dame le pion à Marty et son Raging Bull. Effectivement très enraging comme histoire.

1959, année de l’injustice suprême. C’est un film aujourd’hui peu connu qui rafle et l’Oscar du meilleur film et l’Oscar du meilleur réalisateur, Gigi de Vincente Minelli sorti en 1958. Mais quel autre film a également été projeté sur les écrans de cinéma cette année-là? Le chef-d’œuvre absolu du maître absolu du suspense, j’ai nommé Vertigo d’Alfred Hitchcock. Le bedonnant réalisateur n’a tout simplement pas été nommé pour ce qu’on considère aujourd’hui comme l’un des meilleurs films du répertoire mondial. Vertigineusement désolant.

Si l'Académie était formée de gens d'ARTV, quels films remporteraient les statuettes? Consultez nos prédictions et nos coups de coeur ici.