Rencontre littéraire Pour emporter avec Mélanie Couture

Rencontre littéraire Pour emporter avec Mélanie Couture

20 octobre 2022

France Beaudoin accueillera l’humoriste, animatrice et chroniqueuse Christine Morency sur le plateau de Pour emporter. Comme à l’habitude, l’intervieweuse et son invitée reviendront sur certains moments particulièrement importants dans la vie et la carrière de cette dernière, notamment en discutant d’œuvres littéraires ayant marqué son parcours. Parmi celles-ci se trouve le roman 21 amants : sans remords ni regrets, publié en 2014 et écrit par Mélanie Couture, elle aussi humoriste. Or, cette dernière, déjà passablement occupée avec sa carrière sur scène, à la télé et à la radio, n’avait jamais eu l’intention de s’adonner à l’écriture d’un roman avant qu’une demande à cet effet ne lui vienne d’une maison d’édition.

Pour en savoir plus sur le cheminement de Mélanie Couture dans le monde littéraire, nous avons eu la chance de lui poser quelques questions lors d’un récent entretien.

Voici ce qu’elle avait à nous dire.


Revoyez la saison 5 de Pour emporter, les samedis à 20 h sur ICI Télé.


 

Qu’est-ce qui t’a menée à l’écriture? Et ensuite, plus spécifiquement à celle d’un roman?

L’écriture est venue quand même assez tôt dans ma vie. J’aimais beaucoup mettre des souvenirs sur papier parce que je n’ai pas une bonne mémoire, alors je retournais souvent lire des mots que j’avais écrits pour me remémorer ce que j’avais vécu. Quand j’avais 12 ans, ma famille et moi avons déménagé et j’ai perdu ma meilleure amie. À l’époque, il n’y avait pas d’Internet, alors on s’écrivait des lettres qu’on s’envoyait par la poste parce qu’on aimait correspondre, même si on pouvait se parler par téléphone. Puis quand j’étais jeune, j’avais un journal intime, comme beaucoup de jeunes filles, qui comportait une partie qui racontait ma vraie vie, et une autre qui relatait ma journée inventée. J’avais des codes : l’étoile, c’était la réalité et le cœur, le fruit de mon imagination, comme si personne n’allait deviner que je ne sortais pas pour vrai avec Jon Bon Jovi. (Rires) Ma vraie vie était le fun, ce n’était pas une échappatoire. C’était vraiment juste pour faire aller ma créativité.

Pour ce qui est de l’écriture de mon premier roman, c’est assez spécifique, je te dirais, comme c’est une chasseuse de têtes qui m’a approchée. Elle avait constaté que mes publications sur Facebook parlaient beaucoup aux gens et m’a demandé si ça m’avait déjà tenté d’écrire un livre. J’ai répondu « Non ». (Rires) Je lui ai dit que je n’avais pas fait de maîtrise à l’université parce que ça ne me tentait pas de me taper 250 pages, que ce n’était pas dans mes plans d’écrire un livre. Elle m’a répondu que je pouvais pas mal faire ce que je voulais, que ça n’était pas obligé d’être que dans un seul format, comme un recueil de nouvelles ou de poésie. Elle m’a laissé y réfléchir avant de lui donner une réponse. C’était à l’époque de la popularité planétaire de Fifty Shades of Grey, et j’étais vraiment tannée de lire l’histoire de Cendrillon, mais en version adulte : la pauvre jeune fille qui ne connaît rien de la vie et qui rencontre le prince dans sa tour d’ivoire qui vient à sa rescousse pour tout lui montrer ce qu’elle a à savoir. Elle fréquentait l’université et n’avait aucune expérience. Je trouvais qu’on était rendus ailleurs là-dessus, dans le sens où ça existe des filles qui ont des besoins et qui sont capables d’y répondre par elles-mêmes. La vie sexuelle, ce n’était et ce n’est plus ça. Ça me fâchait beaucoup, surtout que j’avais un bac en sexologie. Je me suis donc dit que j’écrirais sur ce sujet-là, que je connaissais bien. C’est comme ça que j’ai trouvé mon idée et que j’ai rappelé la chasseuse de têtes pour lui dire que j’avais trouvé une façon de faire qui allait me plaire.

 

Pourquoi écrire? Qu’est-ce que ça t’apporte?

Je pense que c’est un médium de plus pour me permettre de dire ce que j’ai envie de dire. C’est exactement pour la même raison que je suis entrée à l’École nationale de l’humour. Avant que j’y sois acceptée, Louise Richer m’a demandé pourquoi je voulais être humoriste, comme j’avais déjà une carrière en tant qu’enseignante en sexologie, que j’avais fait des études là-dedans et une job à temps plein. Je lui ai dit que j’avais réalisé que ma classe n’était pas assez grande, que j’avais envie de parler au plus de gens possible. Comme l’humour est le médium privilégié pour atteindre le plus de Québécois possible, je lui ai dit que je pensais pouvoir bien m’en servir et ensuite, tous les autres médiums se sont mis à s’y ajouter. Je ne voulais pas passer à côté de ça, j’étais sûre que je trouverais une façon de faire. Et avant que j’étudie en humour à temps plein, quand on me demandait pourquoi je ne faisais pas d’humour, je répondais que j’avais une job. Une bonne fois, une prof m’a dit que ce n’était pas une assez bonne raison. C’est là que j’ai eu l’idée d’intégrer la sexologie à l’humour ou, si ça ne fonctionnait pas, d’intégrer l’humour à mes cours de sexologie parce que j’aimais beaucoup ma job. Même quand j’enseignais, j’aimais être toujours dans le rire, le plaisir. Je voulais à tout prix éviter que ça soit plate. L’idée, c’est que peu importe si c’est dans le cadre de la création d’un spectacle d’humour ou de l’écriture d’un roman, je veux toujours essayer de passer ce que j’ai envie de dire au Québec au complet; de là les petites parenthèses qui sont éparpillées un peu partout dans mon roman.

 

Quel sentiment t’habite quand tu penses à tes romans?

Des fois, je me demande si ça va être dépassé à un moment donné. Ensuite, je me dis que si ça le devenait, ce serait peut-être une bonne chose, puisqu’il y a beaucoup de conseils que je donne dans mon livre que j’aimerais donc ne plus qu’on ait à donner. C’est aussi un objet classique : c’est tangible, concret. Après mes spectacles, les gens y ayant assisté peuvent se procurer mes romans avant de quitter la salle. Je suis heureuse que mes œuvres soient encore lues parce que je pense que ça parle à beaucoup de personnes. Ma mission dans la vie, c’est de faire du bien au monde, et comme je ne peux pas être partout en même temps, c’est comme si ça me permettait de laisser un peu de moi à différents endroits pour que les gens puissent y avoir accès quand bon leur semble.

 

Quelle est la différence entre l’écriture de scène et celle d’un roman?

Ce sont deux mondes très différents. Pour moi, ça a été très rafraîchissant d’écrire un livre parce que je n’avais pas la pression de puncher aux quatre lignes. Quand ça fait quatre ou cinq lignes que tu écris en humour, tu es mieux de puncher fort à la sixième parce que tu as mis la table longtemps avant de sortir ton gag. Quand j’ai écrit mes romans, je trouvais ça le fun que le texte respire, que j’aie le temps et l’espace pour faire ce que je voulais. Je ne cherchais pas à couper des mots pour arriver le plus rapidement possible au point, même si l’humoriste en moi n’était jamais très loin. Disons que je n’ai pas décrit une poignée de porte pendant trois pages. (Rires) Ce n’est pas le genre d’écriture qui me plaît. Tout au long de mon processus d’écriture, j’ai eu avec moi une plaquette avec une citation de Jacques Attali : « J’écris les livres que j’aimerais lire. » Ça m’a beaucoup parlé parce que je ne suis pas une lectrice assidue; je ne tripe pas sur ce qui est trop verbeux. La littérature, ce n’est pas ma grande passion, mais j’étais convaincue que je n’étais pas seule à être comme ça. Je suis allée à l’université, je suis capable de lire, ce n’est pas ça le problème. Une des grandes révélations que j’avais eues, c’était le livre Un petit pas pour l’homme, de Stéphane Dompierre. Quand je le lisais, je trouvais que le texte sonnait comme quelqu’un qui parle. Cet auteur a une plume incroyable, mais n’empêche que je n’avais jamais de misère à imaginer ou à comprendre. Je n’avais pas à relire le paragraphe quatre fois. De ce côté-là, ça ressemble à l’écriture humoristique, dans le sens où les images doivent être claires, qu’il faut arriver le plus vite possible à quelque chose qui est intéressant, selon moi. Ça a été ultrarafraîchissant de ne pas avoir la pression de puncher. Pour ce qui est de l’écriture de mon deuxième livre, ça a été un super beau plan de retour au travail; je l’ai écrit alors que mon chum était en congé parental, après mon accouchement. Je trouvais que c’était moins violent comme retour au travail d’écrire un roman dans un café que de retourner faire des spectacles le soir.

 

Si tu avais à nommer une œuvre et un auteur ou une autrice à ton tour, qu’est-ce qui te viendrait à l’esprit en premier?

Un petit pas pour l’homme, de Stéphane Dompierre, m’a énormément parlé. J’ai beaucoup apprécié ce livre-là. Ça ne m’est pas arrivé beaucoup de fois de lire des livres plus d’une fois, mais ça a été le cas pour celui-là. Il y a des blagues dans les livres de Dompierre que je suis jalouse de ne pas avoir écrites. (Rires) Michel Tremblay m’a fait capoter sur ses dialogues et m’a fait comprendre qu’ils n’avaient pas besoin d’être écrits dans un français soutenu. Ça m’avait énormément plu aussi.

 

Mélanie Couture, merci beaucoup!