Mikaël et le géant

12 avril 2018

Ouvriers sur une poutre du Rockerfeller centerWikimedia Commons // Fair use

Prise en 1932, cette fameuse photographie - Lunch atop a Skyscraper - captée lors d'une pause dîner  à 240 mètres au-dessus du bitume de la ville de New York, a certes marqué les esprits. À travers les années, elle a aussi alimenté les discussions et les spéculations quant à son auteur (longtemps attribuée à Charles C. Ebbets,) son réalisme et sa raison d'être. Classée parmi les 100 images les plus puissantes de tous les temps selon le magazine TIME, elle est le point de départ de la série Giant de l'auteur de bande dessinée Mikaël.

Giant, c'est l'histoire en deux tomes d'un ouvrier à la carrure imposante, reconnu pour sa force impressionnante, alors qu'il travaille avec d'autres immigrants irlandais, à l'érection du Rockefeller Center. À la suite du décès d'un de ses confrères, il écrira à la femme de ce dernier en se faisant passer pour celui-ci. Une décision qui sera lourde de conséquences...

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Les origines

Mikaël oeuvre dans le domaine de la bande dessinée depuis 2001. Auteur et illustrateur autodidacte, il s'illustre tout d'abord dans le milieu de la littérature jeunesse (Junior l'aventurier, Le Roi Piiz-Zâ) et fait sa première incursion dans l'univers pour adultes en 2006 avec Rapa Nui (Clair de lune). Chez Glénat en 2013, il s’associe avec Thierry Lamy pour élaborer la série Promise avec laquelle il devra élaborer un nouveau style de dessin à l'antipode de celui qui a fait sa renommée par le passé. C'est avec ce style semi-réaliste et sombre qu'il plongera dans ce projet solo prenant place en sol new-yorkais qui lui faisait de l'oeil depuis longtemps.

Français d'origine, il s'installe avec sa famille dans la ville de Québec en 2008, après une escale dans les Antilles. «C'est un choix de vie, une envie de changement.» Ce n'est d'ailleurs pas anodin s'il parle d'immigration dans Giant. «Bien que je n'ai pas immigré dans les mêmes conditions que mes personnages dans les années 30, il y a quand même quelque chose d'universel chez tous les immigrants. Que ce soit volontaire ou non, il faut se reconstruire dans un nouveau pays qui n'est pas le nôtre, avec des nouveaux codes.» Ayant vécu cette expérience, il avait envie d'en parler dans son oeuvre, d'autant plus que le sujet est toujours d'actualité. «J'utilise juste le prisme de l'histoire pour aborder ces thèmes universels et contemporains et je trouve que plusieurs périodes sont propices à aborder certains thèmes en particulier - l'immigration, l'emprisonnement du quotidien, la résilience, etc.»

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Découvrir l'univers d'un géant

Afin de reproduire fidèlement le New York des années 30, Mikaël a dû plonger tête première dans une frange de l'histoire qui lui était peu familière. «Je connaissais ça un peu de par mes cours d'histoire. Comme tout le monde, j'avais entendu parler de Roosevelt, du New Deal, de Steinbeck et des Raisins de la colère...  Mais j'ai vraiment redécouvert cette époque-là avec mes recherches!» Fait intéressant, il a eu accès aux archives privées de l'équipe du Rockefeller Center. Avec sa série, il dit pouvoir montrer que «l'histoire se répète». Même si les années 30 peuvent nous sembler lointaines, «les gens vivaient pratiquement pareils, sans les technologies d'aujourd'hui. Du moins, pour certaines classes sociales, c'était la même chose.»

«Pour moi, cette période est un terreau propice à raconter des histoires, mais avec des thèmes complètement universels et contemporains.»

Pour ce qui est de la vie de ses personnages, l'auteur avoue être une véritable éponge. «Tout ce qui nous entoure, tout ce qu'on lit, ce qu'on voit peut servir lorsque l'on écrit» explique-t-il. En 2012, alors qu'il jetait les premières lignes du synopsis de cette série, il s'est rendu au Portugal, le pays natal de son épouse. Ce voyage lui a entre autres permis de dresser le portrait du personnage principal, Giant, inspiré d'un vieil oncle de sa femme. Ce côté «célibataire géographique» a été élaboré à partir de la vie professionnelle de ce dernier qui travaillait en France onze mois par année. «Il économisait ses vacances et rentrait un mois durant l'été. Il vivait dans un petit 1 et demi et envoyait tout l'argent à sa famille.»

Cette histoire collait parfaitement au thème de résilience que l'auteur souhaitait aborder dans son récit. Une qualité que ne possède pas son personnage principal. «Giant aura hérité d'une force démesurée pour faire pendant à sa faiblesse...» ajoute l'auteur. Un petit détail de plus qui ajoute à la force de cette histoire bien ficelée.

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Bien que l'histoire de Giantsoit terminée, Mikaël poursuit sa lancée sur New York et publiera le premier tome de la série Boot Black au printemps 2019. 

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Pour suivre le parcours de Mikaël
Site officiel
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