Oui Cannes, 10 ans de présence québécoise dans la capitale française du cinéma

Oui Cannes, 10 ans de présence québécoise dans la capitale française du cinéma

7 juin 2019

La journaliste culturelle Catherine Beauchamp est une habituée du Festival de Cannes, puisqu’elle y va depuis une dizaine d’années. Armée de son emblématique micro rose, elle ne passe pas inaperçue sur la Croisette! Pour le 72e festival, elle s’offre un cadeau : la réalisation d’un documentaire recensant le succès planétaire obtenu par le cinéma québécois au cours des dernières années. Nous l’avons rencontrée pour discuter de ce projet qui sera bientôt porté au petit écran. 

 

Pourquoi avoir choisi d’effectuer ce bilan du cinéma québécois à l’étranger aujourd’hui, en 2019?

Il y avait une conjoncture très intéressante cette année : Xavier Dolan et Monia Chokri - qui a commencé en tant qu’actrice dans ses films - étaient tous les deux là, c’était les 10 ans de J’ai tué ma mère... Xavier était alors arrivé avec un film qu’il avait fait avec deux bouts de ficelle et les gens étaient tombés sous son charme. Il y a vraiment une histoire d’amour entre Cannes et lui, et je trouvais que c’était l’année parfaite pour marquer ça, ce vent de fraîcheur qu’il a apporté autant à l’international qu’ici, au Québec.

 

Quelle est l’histoire de la présence québécoise au Festival de Cannes? Et quel rôle l’œuvre de Xavier Dolan a-t-elle joué dans son récent essor?

Il y a un fort héritage québécois au Festival de Cannes. Plusieurs de nos films y ont été présentés dans les années 70 : La vraie nature de Bernadette, La mort d’un bûcheron… Après ça, il y a eu un temps plus mort entrecoupé de quelques vagues de cinéastes comme Jean-Claude Lauzon et Denys Arcand. C’est comme si Xavier Dolan était venu réanimer tout ça; il a été hyper important dans l’histoire de Cannes.

Bien qu'il soit devenu en quelque sorte le porte-étendard du cinéma québécois, on s’intéresse aussi aux autres cinéastes. Denis Villeneuve a aussi beaucoup aidé à mettre du bois dans le fourneau. Avec toutes les séries et tous les films québécois qui ont été faits dans les dernières années, j’ai vraiment l’impression qu’on s’est créé une niche créative. Le plus beau constat que j’ai fait avec les années a été que notre cinéma suscite le regard et l’intérêt.

 

Xavier Dolan à Cannes en 2010

 

La question centrale du documentaire est : « Qu’est-ce qui rend présentement notre cinéma si prolifique à l’étranger? » Quelle est votre réponse à cette question?

Je pense que c’est notre créativité. Ça m’épate de voir à quel point on réussit à tourner avec aussi peu de budget de production et qu’en fin de compte, on finisse par performer et par se classer dans le cinéma mondial auprès de grands cinéastes comme Quentin Tarantino, Terrence Malick et Ken Loach. Pas seulement à Cannes, mais aussi à Berlin, à Toronto… Je suis même allée couvrir des films québécois en République tchèque!

 

Quelles expériences vous ont le plus marquée au Festival de Cannes?

Tous ces moments à attendre que des vedettes passent dans des corridors! Les gens me reconnaissent là-bas avec mon micro rose, je me suis fait une réputation de celle qui arrive à accrocher les stars. Je pense que c’est parce que j’ai habitué mon oreille à bien écouter le son et à lancer ma question au bon moment lorsque les artistes sont là. J’ai réussi comme ça à jaser avec Steven Spielberg, Nicole Kidman, Jane Campion… Ça prend un bon deux heures pour se remettre de ce genre d’échanges!

 

Monia Chokri et Anne-Élisabeth Bossé à Cannes en 2019

 

Qu’avez-vous pensé des films québécois de cette cuvée 2019, Matthias et Maxime et La femme de mon frère?

Avec Matthias et Maxime, Xavier Dolan a présenté un film hautement maîtrisé. Il a démontré une grande maturité autant sur le plan de son jeu d’acteur que sur celui de la réalisation. C’est un film plus posé, qui est réalisé tout en douceur. Il est moins flamboyant, clinquant, dans l’urgence que certaines autres de ses réalisations. C’est du vrai Xavier Dolan et ça m’a beaucoup charmée.

J’ai trouvé La femme de mon frère, le premier film de Monia Chokri, superbe. J’ai été très touchée par son esthétisme, la maîtrise de ses plans, et de voir à quel point elle avait du style et qu’elle ne se cherchait pas dans son cinéma. Quant à Anne-Élisabeth Bossé, elle porte le film sur ses épaules et elle est absolument divine. Vraiment, chapeau!

 

Votre documentaire sera diffusé pour la première fois dans les prochains jours. Quel message aimeriez-vous qu’il véhicule?

Je veux rendre hommage à ceux qui ont réussi à se rendre jusqu’à Cannes. On a souvent l’impression que c’est facile, alors que c’est tout le contraire. En fouillant dans les archives, je suis tombée sur un extrait d’entrevue où l’on s’indignait du fait que Les invasions barbares n’ait pas gagné la Palme d’or alors qu’il avait remporté le prix du scénario et un prix d’interprétation pour Marie-Josée Croze. C’est quand même gigantesque comme reconnaissance!

C’est un peu la même chose cette année, on parle du fait que le film de Xavier Dolan n’ait pas remporté de prix alors que c’est déjà énorme d’être sélectionné dans la compétition officielle du plus gros festival de cinéma au monde! Il faut être fier de ça, et je pense que lorsqu’on a fini de regarder le documentaire, on est assez fier de notre Québec cinématographique!

 

Oui Cannes sera diffusé en primeur sur ICI ARTV le lundi 10 juin à 20h30.