Pourquoi bouder la série de genre?
Josiane Gosselin et Guillaume Chenail
19 mai 2021
Aux heures de grande écoute, rares sont les maisons où personne ne regarde une série ou un téléroman. Bien ancrées dans notre quotidien, les séries sont nombreuses, et nos enregistreurs sont pleins à craquer. On manque de temps pour tout écouter tellement les offres se multiplient et se diversifient. Avouons-le, il faut être de mauvaise foi pour dire que la télé québécoise n’a rien à offrir! Mais y en a-t-il vraiment pour tous les goûts?
Parfois boudée, la série de genre est souvent balayée du revers de la main par les diffuseurs québécois. Pourtant, certaines propositions ont la cote et s’adressent à un public différent!
Le 25 février dernier, Club illico a fait preuve d’audace en lançant la toute nouvelle série de genre Patrick Senécal présente. Grand clin d’œil à Alfred Hitchcock présente des années 50, 60 et 80, la toute première série de l’auteur Patrick Senécal offre des épisodes bouclés qui explorent l’horreur, l’épouvante, l’absurde et le gore le temps de courtes nouvelles de 22 minutes. Maître québécois incontesté des univers glauques et sanguinolents, Patrick Sénécal était la personne tout indiquée pour présenter ces récits à donner froid dans le dos.
Un genre parfois boudé
La série de genre emprunte à l’horreur, à la science-fiction ou encore au fantastique. On s’éloigne complètement des séries ou des téléromans où la famille, l’amour et les sagas entrepreneuriales sont à l’honneur. De nos jours, la série de genre fait malheureusement très peu partie de notre univers télévisuel au Québec. Mis à part quelques ovnis du petit écran comme Grande Ourse, Les rescapés, Prémonitions, La chambre no 13 ou des séries comme Les Invincibles, qui s’amusait avec les codes du fantastique ou de la science-fiction, peu de propositions du genre sont réellement sorties du lot!
Crédit photo: Radio-Canada
Et pourtant, c’est une proposition complètement différente. Avec la série de genre, le public accepte un univers décalé et doit être ouvert à des codes différents pour embarquer dans l’histoire, qui n’est pas toujours ancrée dans la réalité.
Ainsi, puisque leurs univers sont plus complexes, les séries de genre sont souvent boudées par les chaînes télé. L’insatiable recherche de cotes d’écoute fait en sorte que les télédiffuseurs sont parfois frileux et ont peur de la réaction du public. Ils s’en tiennent alors à des valeurs sûres.
De plus, les séries de genre présentent souvent des décors futuristes, des accessoires, des maquillages ou des costumes grandioses, ou encore des effets spéciaux qui font grimper les budgets de manière assez importante. Les coûts sont souvent le nerf de la guerre, alors que le marché québécois est plutôt petit. On l’entend souvent, mais au Québec, on réussit à faire de grandes choses avec des moyens financiers limités, comparativement à d’autres marchés. Reste que la série de genre représente un risque financier supplémentaire pour les diffuseurs.
Crédit photo: Radio-Canada
Un réel engouement
Alors que les séries de genre sont peu fréquentes au Québec, elles s’en tirent merveilleusement bien ailleurs dans le monde. Aux États-Unis, la minisérie de superhéros WandaVision (sur Disney+) attire des millions de téléspectateurs et téléspectatrices. Des succès télévisuels comme Stranger Thingssur Netflix, Lost sur ABC ou The Walking Dead sur la chaîne AMC démontrent sans conteste que ce genre de productions peut aller chercher un vaste public.
Crédit photo: Disney+
Et pourtant au Québec, ce n’est pas parce que le public n’est pas capable d’en prendre! On n’a qu’à penser au Festival Fantasia, le plus grand festival de films de genre en Amérique du Nord. Chaque année depuis 25 ans, sauf en temps de pandémie, l’événement attire des gens de partout venus admirer les films de genre à Montréal. Des files interminables et des salles combles prouvent cet engouement. Il y a visiblement un public pour ce type de production au cinéma, alors pourquoi bouder les séries de genre à la télévision?
Récemment, les séries fantastiques Le 422 et Les mutants, diffusées à Télé-Québec, ont réussi à attirer l’attention des plus jeunes. Mais si la série de genre peut plaire aux enfants, elle n’est pas réservée qu’au jeune public!
Crédit photo: Netflix
Depuis quelques années, on constate et on répète que beaucoup de gens délaissent la télévision au profit des plateformes numériques. La série de genre serait-elle une façon de rallier un public différent qui a abandonné la télévision traditionnelle?