Rencontre littéraire avec Sarah-Maude Beauchesne

Rencontre littéraire avec Sarah-Maude Beauchesne

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L’autrice Sarah-Maude Beauchesne a le vent dans les voiles : romancière, scénariste et, depuis peu, actrice. En 2020, on l’aperçoit sur toutes les plateformes: à la télé, à la radio, sur le web et sur papier. Son talent est indéniable. Son écriture, d’une authenticité désarmante. Rencontre avec celle qui, au travers les mots, se livre toute entière.
 


La saison 2 de la web-série Fourchette est maintenant disponible gratuitement sur ICI Tou.tv.  Découvrez également les oeuvres qui ont marqué les invités des deux premières saisons de Pour emporter sur le blogue d'ICI ARTV.


 

S’il y a deux mots qui décrivent bien Sarah-Maude Beauchesne, c’est bien flair et instinct. L'autrice, qui est récemment entrée dans la trentaine, a toujours su suivre son intuition, ses émotions. Née à Granby en 1990, l’écriture a été très tôt un refuge. Des journaux intimes dans lesquels elle livre ses états d’âme, elle en tient depuis l’âge de 8 ans et demi. C’est une tradition qu’elle entretient depuis et qui l’a menée où elle est aujourd’hui.

 

« À chaque fois que je suis mon instinct, je suis récompensée. »

- Sarah-Maude Beauchesne 

 

Se livrer toute entière
 

Elle a toujours été encouragée par ses parents à poursuivre de longues études. L’écriture? Rien d’autre qu’un passe-temps, lui disaient-ils à l’époque. Se sentant prisonnière d’un programme d’étude qui ne la stimulait pas siffisamment, elle savait qu’il fallait qu'elle bouge. Encore une fois, elle a suivi sa petite voix intérieure: « Je me souviens à l’université, alors que j’étais en création littéraire à l’UQAM, je me sentais tellement pas à ma place. Mais en même temps, je bouillonnais de choses à dire et à expérimenter. Je le sentais au fond de moi que je perdais un peu mon temps. Je devais me mettre en danger. »

C’est alors qu’elle abandonne ses études pour commencer le blogue qui allait lui donner des ailes : Les fourchettes. Une continuité de son journal intime, mais cette fois-ci, publié sur le web. C’était il y a 10 ans, en 2010. Cette année, elle met un terme à cette aventure qui a connu un retentissant succès. Pourquoi la fin du blogue? « La plateforme est désuète et c’est un peu une espèce de fantôme maintenant que la série existe. Je suis prête à continuer de le faire exister autrement. Je pense que je suis rendue-là. »

 

La fin complète des Fouchettes sur le web? Sous cette forme, oui. Les fourchettes reverront le jour dans sous un autre format. Restez à l’affut pour la suite des choses!
 

Sarah-Maude Beauchesne n’a jamais hésité avant de publier des récits qui étaient très près de sa personne, de ses émotions. Depuis son plus jeune âge, elle raconte avoir une personnalité très forte qui attirait l’attention. Elle n’en avait pas particulièrement besoin, mais c’était en elle de vouloir l’attirer. Sans aucun doute un élément clé dans le succès qu’elle connait aujourd’hui: ne pas avoir peur de l’inconnu, de ses émotions, foncer, croire en elle et en ses capacités, croire au message qu’elle veut livrer et en l’importance de le communiquer.
 

Issue de la génération des réseaux sociaux, elle avoue que la seule façon qu’elle pouvait faire lire ses oeuvres, à l’époque, c’était de les déposer sur internet. S’est-elle déjà questionnée avant de publier ses textes personnels? Jamais. Est-ce que ça change en vieillissant ? : « J’ai pas eu le moment de vertige ou de me demander si les gens vont penser si c’est de moi que je parle ou qu’est-ce qu’ils vont penser. J’ai jamais eu de pudeur par rapport à ça et j’en ai toujours pas aujourd’hui. J’aurais pensé qu’en vieillissant, j’aurais pris un peu peur, mais non. »

 

 «Je dis toujours que la minute que j’ai peur d’écrire quelque chose, c’est parce que je tiens quelque chose. Je me dis que c’est tellement vrai, que ça fait tellement peur, que je me dis que c’est sûr que je ne suis pas toute seule à penser ça et qu’il faut que quelqu’un le dise. »
- Sarah-Maude Beauchesne



Fourchette
 

L’âme du blogue est désormais disponible en deux saisons sur ICI Tou.tv. Ce n’est pas une adaptation pure des écrits qui se trouvaient sur le site web, puisqu’il s’agissait davantage d’une voix qui exprimait ses réflexions sans péripéties précises. Il fallait donc que l’autrice trouve une façon appropriée de faire renaitre Les fourchettes dans une série web. C’est en relisant ses textes et en se replongeant dans les émotions vécues au moment de l’écriture que Sarah-Maude Beauchesne a pu pondre cette série qui porte sur la vie d’une femme de sa génération, son alter ego, Sarah : « Je me suis souvenue comment je me sentais à cette époque-là et j’ai pris des constats, des réflexions et des états d’âme. J’ai créé une histoire avec ça. Fourchette c’est énormément le personnage de Sarah qui est très près de moi. »

 

Non seulement elle allait porter ses états d’âme de jeune adulte au petit écran, mais elle allait également jouer son alter ego, ce qui n’était pas prévu au départ : « On a vraiment fait un genre de casting pour trouver qui interprèterait le rôle et à un moment donné, Catherine Therrien, la réalisatrice de la série, a dit :
« Pourquoi toi tu ne le fais pas? » Et j’étais super contente qu’elle le propose. Je n’aurais jamais vraiment eu le courage de me mettre sur la table d’emblée, mais on dirait que c’est ça que je ressentais. » Jouer représentait tout un défi. Elle avoue avec beaucoup d’humilité avoir eu la chance d’être entourée d’une équipe qui l’a prise par la main et qui l’a aidée à livrer une performance à la hauteur : « J’ai un énorme respect pour ce métier. La majorité de mes amies sont comédiennes et elles ont travaillé toutes leur vie pour avoir des rôles à la télé et au cinéma! Moi j’arrive bing bang, j’ai un premier rôle dans une série. J’avais beaucoup d’humilité et de respect pour le métier et je voulais vraiment faire en sorte de faire honneur à ça. J’ai pris de cours, j’ai demandé des conseils et j’ai énormément travaillé. » Encore une fois, son instinct a parlé et ça a porté fruit!

 


Jetez un coup d’oeil à la deuxième saison de Fourchette sur ICI Tou.tv par ici.


 

La trentaine : l’éveil

L’adolescence, elle a écrit en long et en large. Dans des romans et à la télévision. Est-ce un sujet inépuisable pour Sarah-Maude Beauchesne? « Mon but dans la vie c’est d’être vraiment proche de mes sujets. Fait que à un moment donné, si je suis vraiment à côté de la track, si je suis rendue une madame qui ne comprend pas les ados, il va falloir que j’arrête. Je ne veux pas être une madame qui écrit pour les ados. Je veux toujours m’assurer que je parle le même langage que mon lectorat. » 

 

L’autrice appréhendait avec excitation et frustration son entrée dans la trentaine. Maintenant qu’elle y est, elle a envie d’aborder ces sujets qui la révoltent, notamment concernant la place et l’image de la femme en société : « Je trouve crucial qu’à trente ans, je sois bien éveillée par rapport aux sujets qui me révoltent : La place des femmes sous toutes ses coutures dans la société et à quel point l’égalité n’est pas atteinte et ne le sera jamais si on continue comme ça. Comment on perçoit le corps d’une femme qui vieillit, la maternité, la sexualité d’une femme. On n’est pas encore assez prises au sérieux, tous les jours. » 
 


Métier : scénariste
 

La série jeunesse L'académie, qui a connu un très grand auprès des jeunes téléspectateurs, tirera bientôt sa révérence.  Avec ce projet, Sarah-Maude Beauchesne s'est épanouie comme scénariste. Maintenant que la dernière saison est présentement disponible sur le Club Illico, comment se sent-elle? : « Je me sens comme si j'amenais mon enfants à la maternelle.  Ce projet, c'est de la reconnaissance. J'y ai appris mon métier de scénariste. C'était la toute première fois que je portais une série. Je me considère extrêmement chanceuse d'avoir pu être écoutée, d'avoir pu parler aux ados, d'avoir appris à dire les choses et comment leur dire. » 


 
(À propos de la série L'académie)
« Je ne serais pas la scénariste ni la femme que je suis aujourd'hui sans ces trois saisons-là.» 
- Sarah-Maude Beauchesne

 
 
Écrire un roman et une série: deux métiers complètement différents. Pour l'autrice, écrire une série de télévision, c'est beaucoup plus mathématique, plus logique. Tout doit être calculé à l'avance. L'écriture d'un épisode ne peut avoir lieu si un plan de la saison n'a pas été établi d'avance. C'est une toute autre méthode qu'elle retrouve lorsqu'elle écrit un roman : la liberté de ne pas être dans l'obligation de savoir ce qui va arriver à ses personnages : « En ce moment, j'écris un roman. Je ne sais pas trop comment ça va finir. C'est très instrinctif pour moi. Je n'ai pas de paramètre budgétaire, je peux faire ce que je veux. Je peux faire exploser une voiture dans un chapitre, si je veux. Ça me coûtera rien! » conclut-elle, en riant. 



ses suggestions culturelles :
 

Quel livre conseilles-tu de lire en cette période?
En ce moment, je lis La maison d’Emma Becker. Je lis vraiment tranquillement. Je ne suis pas la typique grande lectrice rat de bibliothèque. Je suis très picky de mes lectures. 

 

La série télé à regarder?
J’en ai deux. J’ai binge-watché et même regardé certains épisodes plus d’une fois de Feel Good sur Netflix qui est la série de Mae Martin, une humoriste canadienne qui a écrit et joué dans sa série.  C'est par rapport à ses déboires amoureux et à son addiction. C’est une formule qui ressemble à Fourchette ou à Sex in the City. Ça a beaucoup raisonné en moi. Ça parle de la communauté queer et c’est rare qu’on voit une histoire d’amour entre deux femmes de ma génération à la télévision. Ça m’a vraiment vraiment touchée, inspirée et fait rire.

Je suis aussi en train de regarder Blind As Fuck. Je suis rendue à la mi-saison. et Je ris, j’apprends des choses, c’est super intelligent, super bien joué, c’est original.
 

Le film incontournable?
J’ai revisionné Pretty Woman. C’est mon film réconfort que j’écoute au moins une fois par année. Ça m’a vraiment fait du bien dans un moment de confinement plus vulnérable, plus fragile. J’ai aussi regardé Call Me By Your Name et j’ai pleuré tout le long. J’adore regarder des trucs réconfortants qui inspirent la nostalgie ces temps-ci.

 

Ton album de musique incontournable?
C’est sûr que le dernier album de Lana Del Rey ne va jamais arrêter de jouer chez nous. Je trouve que c’est la plus belle poésie moderne en musique ces temps-ci. J’aime aussi beaucoup Okay Kaya. C’est très très bon. Très cute, romantique.

 


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