Nos prescriptions de poésie de 2021
Amélie Grenier
7 décembre 2021
Un projet pilote qui a vu le jour en 2018 permet au médecin de prescrire par ordonnance à certaines personnes malades et à leur famille des visites au musée! L’art fait du bien, autant en profiter. Puisque c’est plus facile de traîner un livre qu’un musée dans son sac, nous vous proposons quelques œuvres de 2021. Sensibilité, imagination, beauté et force, c’est pour vous!
Sainte Chloé de l'amour, de Chloé Savoie-Bernard, Hexagon
L’éditrice et autrice Chloé Savoie-Bernard nous offre un troisième recueil de poésie, après Royaume scotch tape, Fastes, le collectif Corps et un recueil de nouvelles, Des femmes savantes. Elle poursuit des études postdoctorales en littérature.
Lire ce livre, c’est comme lire avec excitation un journal intime qui ne nous appartient pas. Cette femme veut être vue, elle veut être aimée, elle veut aimer. Chaque parcelle de son corps est mise à nu, dedans comme dehors. On est dans sa nuque, dans ses poumons, dans ses yeux, dans sa peau. On est dans le physique, le rapport à soi et à l’autre. Un doux cri du corps, sensuel, sexuel, féministe.
Chloé de l’amour est une sainte à rebours de la mort
elle existe en filigrane en succédané en rebond en retour
sainte Chloé est dans tous mes sourires
c’est elle qui vous dit ce n’est pas grave vos retards
vos lacunes vos inconséquences
vos pieux mensonges délicats
c’est elle qui vous dit
j’en ai vu d’autres
elle parle pour moi
Quand je ne dis rien je pense encore, de Camille Readman Prud'homme, L’Oie de Cravan
Voici le premier recueil de cette Montréalaise qui poursuit des études doctorales en littérature. À la lecture de ce livre, on constate qu’elle est une experte de l’observation et de l’introspection. Une poète sociologue? Iels le sont peut-être tous et toutes!
C’est très facile de se projeter à travers les pensées qu’elle décrit. Elle utilise le « je » et le « tu », et l’étrangeté, c’est qu’on peut s’y reconnaître partout. À travers ses textes, Camille nous parle d'amitié, de la famille, des rencontres d’un soir. Il y a mille petits détails invisibles de nos interactions qu'elle note scrupuleusement. Il y a quelque chose de méditatif dans ses mots.
quelquefois tu manques
de mots
ou plutôt d’espace
pour dire les mots
et ce qui aurait pu être
une parole
reste une pensée
Contrées, de Xavière Mackay, Quartanier
Deuxième recueil de Xavière Mackay, qui a grandi en Gaspésie et habite présentement la région d’Ottawa. Avec un père professeur de littérature, elle a apprivoisé la poésie tôt, grâce aux milliers de livres à la maison.
Ce recueil m’a accrochée, page après page, par la simplicité, la quotidienneté. Dans ce recueil, on se promène entre l’immobilité d’une maison et la route qui défile. Il nous redonne une vive impression des voyages en voiture avec nos parents lorsqu’on est enfant, la monotonie et la beauté du paysage qui défile lorsqu’on habite à la campagne ou dans une ville de banlieue. Ni dépressif ni plein de joie; juste d’une neutralité apaisante.
LIRE DES POÈMES AU TRAVAIL
me rend mélancolique
que faire? l’ineptie nous engloutit ma voisine de bureau
mes aspirations mon dessert
les couloirs se dressent terribles
le ressac des tâches m’achève
lamentable
je suis un imposteur
je serai démasquée jetée à la rue
au fond du gouffre
toi aussi
ce matin
tu avais l’air triste
Au couchant de la terre promise, de Jean Sioui, Mémoire d’encrier
Le poète et romancier wendat Jean Sioui a publié son premier recueil de poésie en 1997. Il a fondé, en 2010, les éditions Hannenorak avec son fils, Daniel Sioui. Cet ouvrage, son plus récent, il le dédie aux enfants de Joyce Echaquan.
« Il est un cri du cœur, une alerte rouge contre l’apathie et l’indifférence », peut-on lire en quatrième de couverture
Il y a une prise de parole forte à travers ces poèmes. Il y a de la colère, de l’attente, de l'incompréhension, de la déception. On se promène de l’hôpital à la forêt en passant par l’école. La nature y est très présente. On prend racine avec l’auteur. On découvre son univers, sa culture, ses rêves, ses peurs.
Le soleil est un menteur
Il devrait réchauffer la terre
Il brûle
Le glacier est un traître
Il devait accueillir l’ours blanc
Il fond
La montagne est une traînée
Elle devait abriter l’orignal
Elle se dénude
La rivière est une salope
Elle devrait couleur limpidement
Elle se salit
L’air étouffe
Et moi je me laisse mourir
Sans rien dire
Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec, de Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose, Éditions du remue-ménage
Vous aimez les femmes? Vous aimez la poésie? Vous aimez faire des découvertes?
Bingo! Vous pouvez ouvrir ce livre!
« Mon éditeur me l’a dit : les filles vont sauver la poésie » – Maude Veilleux
Il existait déjà L’anthologie de la poésie des femmes du Québec : des origines à nos jours, de Nicole Brossard et Lisette Girouard, publiée en 1991. Vanessa Bell et Catherine Cormier-Larose ont lu les 500 poèmes qu’il contenait avant de préparer leur ouvrage. Dans l’édition 2021, les autrices présentent 55 voix différentes. On découvre qui sont ces femmes en plus de lire leurs poèmes. On apprend sur les différents courants de poésie des 20 dernières années. Les textes sélectionnés sont tous parus en recueil.
Dans ces portraits et ces textes, on apprend beaucoup sur les poètes et leurs mots. On les lit autant pour s'initier à la poésie des femmes du Québec que pour se gaver de beauté, de force et de sororité.
Il n’y a pas d’extrait pour ce livre, car on aurait dû en mettre 55! Choix trop difficile.