On jase bouffe avec Kim Thúy
13 janvier 2023
Cet hiver, une des émissions chouchoutes du public d’ICI ARTV est de retour pour une quatrième saison : La table de Kim. Encore une fois cette année, l’animatrice Kim Thúy accueillera des personnalités de multiples horizons autour de sa table afin de partager un repas et de réfléchir à une multitude de sujets d’importance dans la société d’aujourd’hui. Les samedis à 22 h, à compter du 13 janvier, vous aurez donc l’occasion d’assister à ces formidables rencontres avec des gens extraordinaires.
Comme la nourriture occupe une place prépondérante dans l’émission ainsi que dans la vie de son animatrice, nous avons eu l’idée de lui poser quelques questions sur le sujet pour en savoir plus sur son amour pour la bouffe.
Voici ce que ça donne!
Qu’est-ce que la nourriture représente pour toi?
C’est très important. Quand quelqu’un me rend visite, peu importe qui, c’est sûr qu’il y a de la nourriture. Même quand je reçois juste pour un petit moment des gens que je ne connais pas, je prépare un petit thé avec des biscuits. Ma mère habite juste à côté, et derrière nous, c’est tout vitré, donc elle peut voir jusqu’à ma table. Si elle voit qu’il n’y a pas de bouffe sur ma table – et les biscuits ne comptent pas pour de la bouffe (rires) –, elle en apporte! Elle me dit « Comment tu peux faire pour recevoir des gens sans nourriture? C’est inacceptable! » C’est pour ça que chez elle, et chez moi aussi, on n’utilise jamais le salon. On est toujours dans la cuisine!
As-tu un rituel pour le repas?
Le repas commence quand quelqu’un arrive. Peu importe l’heure, je me mets à popoter. On se met à table et on se met à parler de tout et de rien. On a des discussions tellement enflammées et intéressantes, tout le temps. Dès qu’une personne s’ajoute, on a une nouvelle opinion, un nouveau sujet. Les repas sont interminables! (Rires) La table à manger est toujours prête à recevoir des gens. Il n’y a pas de séparation entre la table des enfants et celle des adultes. On s’assoit, on mange quand on mange. C’est très démocratique en ce sens-là. Pour moi, les repas, c’est toujours animé. Tu vois, comme au jour de l’An cette année, un copain a appelé pour me souhaiter bonne année et je lui ai demandé ce qu’il faisait. Il m’a dit qu’il n’était pas vraiment occupé, alors je l’ai invité. Je n’avais pas de bouffe dans le frigo; je me suis donc débrouillée pour aller acheter les trucs nécessaires pour préparer le repas. Pour moi, le repas, c’est un moment d’échange; ce n’est pas une fête. On mange pour échanger, pour parler, pour réfléchir ensemble.
As-tu des souvenirs d’enfance qui sont liés étroitement à un mets particulier?
Je me souviens de mon gâteau d’anniversaire fait avec un glaçage à la crème au beurre à l’occasion de mes 3 ans. Le beurre était importé, donc très précieux et cher. En plus, c’était pendant la guerre, moment où il était difficile de se procurer plusieurs aliments, alors un gâteau à la crème au beurre était vraiment du luxe; c’était comme manger du caviar. Chez nous, on était choyés, puisque ma famille avait accès au beurre et savait comment le travailler, ce qui n’était pas donné à tout le monde. Faire des gâteaux, c’était compliqué parce qu’on n’avait pas la culture du four. Pour en cuire un, il fallait le placer dans un chaudron avec un couvercle, puis y mettre du charbon chaud. C’était compliqué. Mon gâteau était fait de trois étages, ce qui était exceptionnel pour un gâteau avec de la crème au beurre. À un moment, je ne sais pas ce qui m’a pris parce que je suis normalement très disciplinée – même lorsque j’étais enfant –, mais je suis passée à côté d’un des trois étages du gâteau qui était en train de refroidir avant qu’on y applique la crème et j’en ai pris une mordée. (Rires) J’ai mis toute ma face dedans et j’ai mordu un gros morceau. Ça a fait un trou. Comme c’était mon anniversaire, je n’ai pas été punie. On a mis de la crème en maudit pour refaire la forme. C’était peut-être le moment le plus décadent de ma vie. Je me dis que c’était le seul moment où j’étais libre, rebelle et féroce. C’est encore un moment qui me rend presque fière parce que j’avais été tellement effrontée. Je n’ai pas ce courage-là, cette audace dans la vraie vie, mais là, je l’avais exprimée. Et l’affaire, c’était que j’étais consciente de ce que je faisais. C’était délibéré.
Et des souvenirs liés à un mets que tu aimes depuis ton arrivée au Québec?
Il y en a un que j’aime toujours beaucoup, c’est le pain sandwich. Sinon, je vais dire les mokas de ma belle-mère, qui étaient excellents. Elle n’en fait plus, j’en pleure encore. (Rires) À l’époque, la chambre de mes enfants était à côté de la chambre froide, un genre de frigo naturel, et c’est là qu’elle plaçait les mokas. Il y avait des dominos enrobés de noix, et d’autres, recouverts de petits filaments de noix de coco ou quelque chose comme ça. Je ne sais pas ce que c’était, mais je me levais la nuit pour en voler. L’affaire, c’est qu’elle les disposait un à côté de l’autre en rangée, très bien placés. Donc, quand j’en prenais un, on le savait tout de suite! Je devais replacer les petits cubes pour ne pas qu’elle voie que j’en avais volé. (Rires)
Est-ce qu’on peut dire que la nourriture t’amène à la délinquance?
Tu es le premier qui me dit ça, mais c’est vrai! C’est le seul moment où je vais jusqu’au bout. C’est comme les cerises de terre; j’aime tellement ça que, chaque fois que j’achète le gros casseau, celui qui est énorme, je suis capable de le finir en une soirée. Facile.
Y a-t-il un mets que tu associes à la maternité?
Quand j’étais enceinte de mon premier enfant, j’étais au Vietnam. Je travaillais là-bas. Étrangement, je recommençais à prendre des petits-déjeuners, alors que j’avais arrêté complètement de le faire depuis mon arrivée au Québec. J’ai perdu mes habitudes vietnamiennes de manger des soupes-repas le matin ou du riz ici. Je n’ai pas appris à manger des céréales, des toasts et tout ça. Le matin, je ne mange jamais. Mais quand j’étais enceinte, les soupes-repas… écoute, je n’étais plus capable. Tous les matins, il fallait que j’en mange une. Les gens me disaient que c’était dangereux pour le bébé, parce que ça pouvait être insalubre. J’apportais mon propre bol, mes baguettes. Tout était bouilli, alors il n’y avait pas de problème.
Et un plat que tu associes au restaurant dont tu étais propriétaire?
Je dirais que je n’étais plus capable de manger ce qu’il y avait sur le menu parce que je cuisinais, mais le seul plat qui me plaisait toujours, c’était les rouleaux de printemps frais avec les herbes. C’est toujours différent d’une bouchée à l’autre.
Peux-tu associer un mets à chacun des mots suivants?
Bonheur : Tout ce qui est croustillant. J’aime beaucoup la texture, alors, croustillant.
Famille : C’est difficile parce qu’on change de plats toutes les semaines pour le repas du dimanche avec mes parents. Dès le lundi, ils pensent déjà au plat de la semaine suivante pour toute la famille.
Réconfort : Un pâté chinois, version végé ou pas.
Fatigue : Rouleau de printemps.
Excitation : Le pain! J’aime tellement le pain chaud. Ah, oui! Chaque fois que tu me donnes un pain chaud, je suis dans la fête, je suis excitée. Je rentre dans une boulangerie et j’ai des yeux gros comme des 25 sous. C’est toujours extraordinaire pour moi, du pain.
Avec qui souhaiterais-tu partager un repas?
Je te dirais que tout humain a une histoire à raconter. Ce qui nous manque, souvent, c’est le temps de s’asseoir pour poser une question simple, c'est-à-dire : « Comment ça va? » Si tu cherches vraiment à savoir comment va cette personne-là, tu peux découvrir un trésor parce que chaque vie, chaque parcours est tellement unique. Je te dirais tout être humain. Tu m’assois à la table d’à peu près n’importe qui et je vais pouvoir passer des heures avec cette personne-là.
Que peux-tu nous dire sur la prochaine saison de La table de Kim?
On va dans la continuité, mais on est rendus à la quatrième saison. Je ne devrais plus être surprise que la chimie opère entre les invités. Je devrais être immunisée; il n’y a rien d’imprévisible là-dedans, mais je suis encore émerveillée. C’est comme un casse-tête chaque fois qu’on forme les groupes, et c’est toujours bon. Ça lève tout le temps, et pas seulement ça; ça devient des moments de grâce chaque fois. On sort de là, et toute l’équipe et moi, on n’en revient pas du moment qu’on a vécu. Chaque émission qu’on a tournée était un moment de grâce. C’est toujours drôle, touchant, enrichissant. Je le sais : c’est la quatrième saison, et on n’a pas changé la formule, alors je ne devrais pas être surprise, mais je te jure, chaque fois je sors de là et je me dis que ça ne se peut pas. C’est de la magie!
Kim Thúy, merci beaucoup!
Ne manquez pas la quatrième saison de La table de Kim, les samedis à 22 h du 13 janvier au 7 février sur ICI ARTV.