5 faits marquants sur Antonine Maillet

5 faits marquants sur Antonine Maillet
Crédit : Karl Jessy

8 août 2023

La romancière et dramaturge acadienne Antonine Maillet, née le 10 mai 1929 à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick, met en valeur sa patrie dans ses livres. Figure majeure de la littérature francophone, elle a fait paraître nombre de romans, pièces et monologues pour le théâtre, ainsi que des ouvrages de non-fiction. Son œuvre, traduite dans huit langues, a été récompensée à de nombreuses reprises. Retour sur son parcours prolifique.

 

Premières parutions littéraires et vocation religieuse 

Dès son jeune âge, Antonine Maillet est persuadée que sa voie se trouve dans le domaine des lettres. Après l'obtention d’un baccalauréat en 1950, elle intègre la Congrégation Notre-Dame-du-Sacré-Cœur et, comme religieuse, elle utilise le nom de sœur Marie-Grégoire. C'est lorsqu’elle vit au couvent qu’elle fait paraître ses premiers livres, dont son premier roman Pointe-aux-Coques et sa pièce Poire-Acre en 1958. Elle enseigne le français au Collège Notre-Dame d'Acadie et obtient une maîtrise ès arts du même établissement. Au début des années 1960, Antonine Maillet poursuit ses études en histoire et en littérature à l’Université de Montréal.

Elle quitte la congrégation catholique en 1967. « Je n’avais pas la conviction qu’il fallait que je fasse le vœu d’obéissance, de pauvreté, de chasteté, a-t-elle admis récemment concernant cette expérience de vie dans le documentaire Antonine Maillet : mes pensées flottantes. C’était secondaire pour moi, ça n'avait pas d’importance. L’important, c'était que je croyais en Dieu, mais pas ce Dieu-là auquel croyait presque tout le monde. »

Sa thèse de doctorat, Rabelais et les traditions populaires en Acadie, est publiée en 1971. C’est notamment parce qu’elle établit un fort lien entre de nombreux mots issus du vieux français rabelaisien et la langue acadienne qu’elle se passionne pour cet auteur français du 16e siècle. Pour les besoins de sa recherche, elle entreprend un tour de l’Acadie pour en étudier le folklore et récolter des témoignages. 

 

La Sagouine : son œuvre incontournable 

Si Antonine Maillet dépeint son Acadie natale dans la presque totalité de ses récits, c’est la pièce La Sagouine qui va véritablement faire rayonner l’héritage et le dialecte acadien au-delà des frontières du Nouveau-Brunswick. Dès sa parution en 1971, le succès est au rendez-vous. C’est sur les ondes radio de Radio-Canada, un peu plus tôt la même année, que l’écrivaine lit le texte pour la première fois. La Sagouine met en scène une blanchisseuse septuagénaire de Bouctouche, issue d'un milieu modeste, fille et femme de pêcheurs, qui livre avec les mots colorés de son pays ses réflexions sur la vie, avec humour et tendresse.

Présentée sur scène l’année suivante, la pièce de théâtre interpelle de plus en plus de personnes, et les tournées canadiennes et internationales s’enchaînent. Viola Léger, actrice et amie d’Antonine Maillet, tient l’affiche pendant plusieurs décennies. « Quand je lui ai dit "essaie donc de faire cette Sagouine", c'était pas avec l'idée qu'elle partait à travers le monde faire La Sagouine! C'était juste pour nous les dimanches soirs! », indiquait l’écrivaine au micro de Radio-Canada lors du décès de la comédienne, qui a incarné plus de 3000 fois le personnage emblématique.

À Bouctouche, en 1992, le parc thématique Le Pays de la Sagouine ouvre ses portes et donne vie aux personnages de l’œuvre devenue phare. De plus, La Sagouine a été adaptée pour la télévision à deux reprises, une première fois en 1976, puis à nouveau en 2006.

 

Plusieurs distinctions honorifiques, dont un prix Goncourt

Antonine Maillet s’est vu décerner une quinzaine de prix soulignant l’apport remarquable de ses œuvres.Elle a entre autres été nommée au titre de Compagnon de l’Ordre du Canada en 1981. La romancière est également la première plume non européenne, et la seule canadienne encore à ce jour, à avoir remporté le prestigieux prix littéraire Goncourt, en 1979, avec son roman Pélagie-la-Charrette, qui se déroule au 18e siècle lors de la déportation du peuple acadien. À l’époque, elle est seulement la sixième femme à recevoir la plus haute distinction française en littérature. « J’ai été la première surprise de l'avoir, la première étonnée, mais aussi, je dois l’avouer, la première réjouie », confie-t-elle à André Robitaille dans le documentaire Antonine Maillet : mes pensées flottantes

D’autres récompenses lui sont accordées de la part de la France : la Légion d’honneur en 2003, puis, elle devient en 2017 grande officière de l'ordre national du Mérite français. Une trentaine de doctorats honorifiques lui ont également été accordés en droit et en littérature. 

Plusieurs rues et écoles des provinces de l’est du Canada portent désormais son nom. Quant au Prix littéraire Antonine-Maillet-Acadie Vie, instauré en 1988, il vise à reconnaître des Acadiens et Acadiennes qui participent à la valorisation de leur culture en se démarquant sur la scène littéraire.

 

Une ambassadrice de la culture acadienne

Antonine Maillet a publié une cinquantaine de livres. Ses récits, inspirés des communautés francophones du Nouveau-Brunswick et parfois de sa famille, explorent les diverses facettes de l’expérience humaine : désir, souffrance, joie, déception, exil, aventures, mais ils abordent aussi les disparités entre les classes sociales ou encore les traditions rurales. C’est à partir de son second roman, On a mangé la dune (1960), qu’elle s’autorise à conter des histoires dans sa langue.

Parmi ses livres incontournables, mentionnons aussi Don l'Orignal (1972) pour lequel elle décroche le prix du Gouverneur général, Mariaagélas (1973), qui lui vaut plusieurs récompenses dont le Prix France-Canada, L'Acadie pour quasiment rien (1973), Les Cordes-de-bois (1977), L'Oursiade (1990), L'Île-aux-Puces (1992), Les confessions de Jeanne de Valois (1992) ou encore Madame Perfecta (2002).

Certains puristes de la langue française ne voient pas d’un bon œil l’usage des expressions acadiennes dans l'œuvre de Maillet. Qu’à cela ne tienne, l’humour, l’audace et la résilience dont font preuve ses personnages et la singularité de la langue acadienne plaisent au lectorat. L'œuvre de l’écrivaine entraîne un regain d’intérêt pour l’Acadie, et permet également aux francophones minoritaires de certaines régions de faire valoir les particularités de leur dialecte.

 

Une carrière universitaire 

Antonine Maillet a beaucoup étudié les lettres, mais les a aussi enseignées. Après avoir été professeure de français à plusieurs occasions dans les années 1950, elle enseigne à l'Université de Moncton de 1964 à 1967, puis au collège des Jésuites de Québec de 1968 à 1969. 

Lorsque La Sagouine prend son envol, l’autrice est professeure agrégée de littérature à l’Université Laval, en plus d’être professeure invitée à l’Université de Montréal, postes qu’elle quitte autour de 1975 pour se consacrer pleinement à l’écriture. « J’avais trouvé ma vocation : ma voie était de construire des contes, de bâtir des histoires. Alors je peux dire que, comme Obélix, je suis tombée dans la potion magique à un très jeune âge », indique-t-elle au journal L'Acadie Nouvelle en 2014. 

Photo d'archives d'Antonine Maillet sur la plage en Acadie.
Crédit : Radio-Canada Archives/Guy Dubois

 

Deux ouvrages récents plus intimes

La figure de proue de la littérature revient sur sa vie dans un ouvrage autobiographique intitulé Clin d’œil au Temps qui passe (2019). Ce dernier rassemble une vingtaine de textes intimes empreints de souvenirs, d’anecdotes et de réflexions. Antonine Maillet y écrit à la première personne pour la première fois et évoque ses souvenirs d’enfance, le décès de ses parents, ses succès, ses peines ainsi que les années passées auprès de sa compagne Mercedes Palomino.

En 2022, elle publie Mon testament, un essai qui remonte le cours d’une soixante d’années d’écriture et met son talent de conteuse au service de dialogues entre elle et ses personnages cultes : Jeanne de Valois, la Sagouine, Pélagie, Mariaagélas et bien d’autres. Avec ce récent livre, la femme de lettres nonagénaire s’offre le temps de renouer avec son propre héritage et prouve que son imaginaire est toujours aussi foisonnant. 

 

Ne manquez pas la diffusion du documentaire Antonine Maillet, mes pensées flottantes le lundi 14 août à 20 h. Le film est aussi offert sur l’Extra d’ICI Tou.tv.