5 faits marquants sur Micheline Lanctôt

5 faits marquants sur Micheline Lanctôt
Radio-Canada/Marc-Andre Lapierre

5 juin 2023

Réalisatrice, comédienne, productrice, scénariste, monteuse, enseignante et dessinatrice : Micheline Lanctôt est une artiste touche-à-tout dont l'impressionnant parcours devant et derrière la caméra a été souligné à plusieurs reprises, notamment en 2014 par le prix Jutra-Hommage (maintenant appelé Iris-Hommage).

La cinéaste et actrice, née le 12 mai 1947, a étudié les arts et la musique avant de bifurquer vers le dessin et l'animation, et finalement de se tourner vers le septième art dans les années 1970. Ce n’est donc pas un hasard si ses pairs la qualifient de polyvalente! En 2023, on peut voir la comédienne, toujours aussi active et inspirée après cinq décennies de carrière, dans les films Frontières, de Guy Édoin, et Simple comme Sylvain, de Monia Chokri.

Son dernier long métrage en tant que réalisatrice, Une manière de vivre (2019), sera diffusé sur ICI ARTV le 10 juillet à 14 h.  

Voici cinq faits marquants sur cette figure importante du cinéma et de la télévision québécoise.

 

Une actrice prolifique

En tant que comédienne, Micheline Lanctôt compte à ce jour une quarantaine de films pour le cinéma, en plus d’une vingtaine de rôles à la télévision. Il y a plus de 50 ans, elle faisait ses premiers pas sur un plateau de tournage en interprétant le rôle principal dans La vraie nature de Bernadette (1972), de Gilles Carle, comédie dramatique qui a été sélectionnée au Festival de Cannes. Les rôles se sont enchaînés rapidement pour l'interprète, qui a aussi tourné en France et pour le Canada anglophone. 

Parmi ses interprétations phare à la télévision : Élise Beaupré dans la série Unité 9, Marie-Josée Lafleur dans le téléroman Jamais deux sans toi, Lucille Mallette dans Omertà, ou encore Aurore Langlois dans Le Polock, rôle pour lequel elle a été récompensée par un Gémeaux du meilleur premier rôle dramatique féminin. Plus récemment, l’actrice s’est jointe à la distribution de la série À cœur battant  sur les ondes de Radio-Canada. 

Micheline Lanctôt en 1992, dans le téléroman Jamais deux sans toi.
Micheline Lanctôt en 1992, dans le téléroman Jamais deux sans toi. Crédit : Radio-Canada/Jean Bernier.

Au grand écran, celle qui a marqué le paysage cinématographique de plusieurs générations a tourné dans des films québécois incontournables : Les liens de sang (1978), Quand je serai parti... vous vivrez encore (1999), Les invasions barbares (2003), Sarah préfère la course (2013), Guibord s'en va-t-en guerre (2015), Le rire (2020), Arsenault et fils (2022), pour n’en citer que quelques-uns. 

En 2020, elle affirmait d’ailleurs au micro de Chantal Lamarre et Guylaine Tremblay qu’elle adorait ce métier qui lui a permis de vivre en attendant le financement de ses propres films. « Une maudite chance que j’ai eu du travail d’actrice, parce que j’aurais crevé là. [...] Je n’ai jamais voulu arrêter de jouer; c’est un grand bonheur pour moi. »

 

Une réalisatrice et scénariste audacieuse 

Son premier film est un court métrage d’animation, A Token Gesture (1976). D’une durée de huit minutes, l’histoire se déroule dans un monde parallèle où les femmes ont toutes disparu. Quatre ans plus tard, Micheline Lanctôt a réalisé un premier long métrage de fiction, L'homme à tout faire. Son second film, Sonatine (1984), qui a révélé au public la comédienne Pascale Bussières, a été l’objet de vives critiques à sa sortie et n’a été présenté en salle que pendant deux semaines. Toutefois, c’est grâce à cette œuvre que la cinéaste a remporté le prestigieux Lion d’argent du festival de Venise la même année. En 1994, le drame Deux actrices a été sacré meilleur film de l’année aux Rendez-vous du cinéma québécois (devenus les Rendez-vous Québec Cinéma).

« Je considère que je n’ai jamais été bien traitée par les critiques. » – Micheline Lanctôt, à l’émission Pour emporter

Dans ses films, Micheline Lanctôt n’hésite pas à explorer des thèmes exigeants qui tournent autour de la complexité des sentiments et de la condition humaine. Si elle a beaucoup investi les réalités des femmes dans ses films, notamment la difficulté d’être mère dans Suzie (2009), c’est la solitude de l'itinérance qu'elle a interrogée dans Autrui (2015), ou encore les conséquences de la foi dans le récit historique Pour l’amour de Dieu (2011). Dans son dernier long métrage, Une manière de vivre (2019), il est notamment question de culpabilité, une émotion universelle qu’elle observe à travers la philosophie de Spinoza. 

La soif de liberté de la cinéaste s’est ainsi déployée jusque dans les sujets de ses films, qui ont parfois semé la controverse; il est question de dépression et d’infanticide dans Le piège d'Issoudun (2003), et de suicide dans Sonatine (1984), par exemple.

 

Une passeuse de connaissances

Micheline Lanctôt enseigne la direction d'acteurs à l'Université Concordia depuis 1982. La septuagénaire a expliqué à France Beaudoin qu’elle désirait « partager son savoir » avant tout et qu’elle ne voulait pas imposer de recette unique, chose qui n’existe pas, selon elle, en art. 

C’est également pour transmettre ses réflexions et ses apprentissages qu’elle a publié en 2015 l’essai Lettre à une jeune cinéaste. Elle y brosse le portrait des disparités financières et des mentalités sexistes dont les femmes en cinéma sont victimes, mais elle y détaille également sa vision du rôle de réalisatrice, une fonction protéiforme qui requiert, selon elle, des talents de conteuse. 

Passionnée par le cinéma québécois et engagée pour son rayonnement, Micheline Lanctôt est également la marraine du Prix collégial du cinéma québécois depuis 12 ans.

Quatre femmes (Pascale Bussières, Marilyn Castonguay, Christine Beaulieu et Micheline Lanctôt) regardent un feu, dans une cour de ferme.
Pascale Bussières, Marilyn Castonguay, Christine Beaulieu et Micheline Lanctôt dans le film Frontières, de Guy Édoin. Crédit : Sphere Films.

 

Plus d’une corde à son arc

Celle qui parvient à jongler habilement avec le jeu, l’écriture et la réalisation l’a avoué publiquement à de nombreuses reprises : elle n'a jamais fait de plan de carrière. Toutefois, cette artiste fonceuse a su remplir son parcours de réussites et de réalisations en tout genre. En plus du cinéma et des séries télé dans lesquelles elle a joué, Micheline Lanctôt s’est aussi aventurée du côté du documentaire et a réalisé des téléfilms (Les guerriers et Onzième spéciale)

Deux ouvrages de son ami Louis-Philippe Hébert, Le roi jaune et Le cinéma de Petite-Rivière, que Micheline Lactôt avait illustrés à leur parution, il y a 50 ans, on été réédités en 2017. Ses dessins ont également fait l’objet d’expositions récemment.

 

Une pionnière qui prend la parole 

Si désormais les femmes sont de plus en plus présentes dans toutes les disciplines culturelles, ce n’était pas le cas quand Micheline Lanctôt a commencé sa carrière, dans les années 1970. Elle a notamment été l’une des premières à faire du cinéma d’animation. Dans Lettre à une jeune cinéaste, la réalisatrice rapporte avoir touché un salaire quatre fois moins élevé que ses pairs masculins à cette époque, en plus d’avoir été créditée comme assistante, et non comme animatrice, au générique. « Mon salaire hebdomadaire était de 90 $, alors que mes collègues animateurs gagnaient entre 400 $ et 500 $ par semaine », se souvient-elle. 

Tout au long de sa carrière, Micheline Lanctôt a dû défendre sa place dans l’industrie, mais les discriminations ne l’ont pas empêchée de poursuivre sa passion et d’ouvrir la voie pour les suivantes, qu’elle se réjouit de voir de plus en plus nombreuses. « Beaucoup de projets ont été déposés par des réalisatrices, et la parité a fait qu’ils ont été financés, qu’ils ont vu le jour. Et ces films sont excellents », indique-t-elle dans une entrevue accordée à Helen Faradji. 

« Ce sera difficile maintenant d’ignorer le cinéma des femmes. » – Micheline Lanctôt, en entrevue avec Radio-Canada

Micheline Lanctôt a souvent pris la parole pour dénoncer les doubles standards femmes-hommes. Elle a abordé ouvertement la difficile conciliation travail-famille dès les années 1980 dans des entrevues à la télévision et déploré une inégalité de choix pour les femmes. Elle a d’ailleurs exploré l’épineux sujet de l’épuisement des mères dans son documentaire Le mythe de la bonne mère (2006).

La cinéaste a affirmé à plusieurs reprises que si les femmes désiraient faire du cinéma, il valait sûrement mieux qu’elles se tiennent loin de la maternité, puisque l’injonction qui leur est faite de performer dans toutes les sphères de leur vie est trop écrasante. Une prise de position qui n’a pas plu à tout le monde, mais qui reflète le souci d’affranchissement qui a jalonné son parcours artistique.
 

Le dernier film de Micheline Lanctôt, Une manière de vivre (2019), sera diffusé sur ICI ARTV le 10 juillet à 14 h. Il est également offert sur ICI Tou.tv Extra.