Jean Paul Riopelle en 5 faits marquants

Jean Paul Riopelle en 5 faits marquants
«De la grande baleine» (1973), Jean Paul Riopelle. Crédit : Fred Tanneau/Getty Images

10 octobre 2023

Il aurait eu 100 ans ce mois d’octobre 2023 : Jean Paul Riopelle est l’un des peintres québécois les plus célèbres du 20e siècle. Figure incontournable des automatistes et de l'expressionnisme abstrait, ses œuvres se trouvent désormais dans de nombreuses collections publiques et privées à travers une quinzaine de pays. Survol de son parcours artistique impressionnant en quelques faits marquants.

 

Début de carrière avec les automatistes et Refus global

Né à Montréal le 7 octobre 1923, Jean Paul Riopelle se dirige vers une carrière artistique dès son jeune âge. Après avoir suivi des cours de dessin et de peinture, c’est auprès de son professeur Paul-Émile Borduas, à l’École du meuble de Montréal au début des années 1940, que le peintre réalise ses premières toiles abstraites. C’est aussi dans cet établissement qu’il fait la rencontre d’autres artistes avec qui il forme le groupe des automatistes, un mouvement artistique inspiré par le surréalisme et la psychanalyse qui vise l’innovation du langage artistique et une création spontanée, affranchie des normes. 

À partir de 1946, le collectif, mené par Borduas et constitué, entre autres, de Marcel Barbeau, Fernand Leduc, Marcelle Ferron, Jean Paul Riopelle et Pierre Gauvreau, présente ses premières expositions. Rapidement, le groupe accueille de nouvelles personnes et s’ouvre à d’autres disciplines que les arts visuels. C'est ainsi que Françoise Sullivan et Jeanne Renaud, œuvrant dans le milieu de la danse, ou encore les écrivains Claude Gauvreau et Thérèse Renaud se joignent au mouvement. 

C’est le manifeste Refus global, paru le 9 août 1948, qui officialise et propage les idéaux des automatistes qui se placent contre les valeurs conservatrices et religieuses de l’ère de Maurice Duplessis et invitent vivement les milieux intellectuels canadiens-français à dénoncer l’obscurantisme. 

 

Une vie entre Paris et Montréal

Après son mariage avec la danseuse et chorégraphe Françoise Lespérance en 1946, Jean Paul Riopelle séjourne à Paris et les prochaines décennies de sa carrière sont marquées par plusieurs allers-retours entre le Québec et la France, ainsi que de nombreux voyages. Riopelle se rapproche des milieux surréalistes d’André Breton, mais aussi de celui de l’abstraction lyrique dirigé par Georges Mathieu qui organise, en 1951, une exposition réunissant le travail de l’artiste québécois et celui de grands peintres de l’époque comme Mark Rothko.

Les années 1950 marquent également son passage aux peintures « mosaïques » qui ont bâti sa signature visuelle. Il s’agit de vastes toiles texturées pour lesquelles il abandonne le pinceau au profit du couteau à palette. 

Riopelle acquiert une renommée internationale grâce à son innovation technique, mais également lorsque son chemin croise celui du marchand d’art français Pierre Loeb qui présente le travail d’artistes notoires tels que Pablo Picasso, Dora Maar ou encore Vassily Kandinsky. Une exposition à la Galerie Pierre Loeb en 1953 vient solidifier sa reconnaissance dans le milieu artistique européen. S'enchaînent alors des expositions des deux côtés de l’Atlantique, notamment à New York à la Pierre Matisse Gallery, espace de diffusion prestigieux appartenant au fils d’Henri Matisse. Ses œuvres sont désormais présentées à côté de celles de Marc Chagall, Joan Miro, Alberto Giacometti, et d’autres modernistes ayant marqué l’histoire de l’art abstrait. 

Une femme de dos, regarde une toile de Riopelle.
Beaubess (1956) de Jean Paul Riopelle.

 

Relation avec Joan Mitchell et nouvelles techniques

À la suite de sa séparation avec Françoise Lespérance, Jean Paul Riopelle partage la vie de la peintre américaine Joan Mitchell durant 25 ans. Entre 1955 et 1979, le couple va résider à Paris, ville de leur rencontre. Bien que leurs corpus soient distincts, tous deux réalisent des tableaux appartenant au genre de l'expressionnisme abstrait et comportant des similitudes. En effet, leurs compositions se nourrissent mutuellement : le peintre québécois expérimente la gouache sous l’influence de sa conjointe, tandis que cette dernière s’essaye au couteau, outil de prédilection de Riopelle. 

Le duo admire beaucoup Claude Monet, et leur second domicile se situe à Vétheuil, village en bord de Seine où a résidé Monet durant quelques années. Dans l’une de ses toiles les plus célèbres, Pavane (Hommage aux Nymphéas) de 1954, Jean Paul Riopelle fait directement référence au chef de file de l'impressionnisme et à ses compositions des Nymphéas (1914-1926). 

Au cours des années 1960, Jean Paul Riopelle élargit sa pratique artistique à la sculpture et au collage. Sa polyvalence et sa notoriété en constante expansion dans le monde de l’art sont soulignées par une grande exposition en 1967 au Musée national des beaux-arts de Québec. 

 

Retour au Québec et multiples reconnaissances 

Jean Paul Riopelle passe de plus en plus de temps dans sa province natale durant les années 1970 et établit son atelier à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, dans les Laurentides. À cette époque, l’artiste entreprend un projet d’envergure en sculpture; il s’agit de La Joute, une fontaine de bronze constituée de nombreuses figures animales et imaginaires d’abord installée à proximité du Stade olympique de Montréal, à l’occasion des Jeux olympiques de 1976, puis relocalisée dans le Quartier international de Montréal. C’est à cette époque que le hibou devient un symbole récurrent dans le travail de Riopelle qui retourne vers la figuration et abandonne l’abstraction pure. Il se passionne ensuite pour la migration des oies blanches qu’il incorpore à sa manière à son art.

Au tournant des années 1980, plusieurs événements et expositions à travers le Canada soulignent l’apport de l’art des automatistes, dont Jean Paul Riopelle a fait partie. Celui-ci est également célébré en France lorsque le Musée national d’art moderne de Paris met sur pied une grande rétrospective de son travail des quarante années précédentes qui voyagera dans plusieurs musées.

En 1981, Riopelle reçoit le prix Paul-Émile Borduas, la plus haute distinction en arts visuels au Québec. En 1991, une autre grande rétrospective de son art est présentée au Musée des beaux-arts de Montréal. 

 

Une fin de vie paisible à L’Isle-aux-Grues 

Une large peinture de Jean Paul Riopelle : il s'agit de l'oeuvre Hommage à Rosa Luxembourg.
Hommage à Rosa Luxemburg (1992) de Jean Paul Riopelle au Musée national des beaux-arts de Québec. Crédit : Bruno Boutin.

Alors que le célèbre peintre fréquentait depuis déjà quelques années L'Île-aux-Oies et L’Isle-aux-Grues, il s’installe sur cette dernière dans les années 1990 avec sa compagne, l’historienne de l’art Huguette Vachon. Ils déménagent dans le Manoir MacPherson, à quelques mètres à peine du fleuve Saint-Laurent, un endroit parfait pour contempler les oies que le peintre aime tant.

Parmi ses dernières œuvres significatives, le grand triptyque mesurant plus de 40 mètres Hommage à Rosa Luxemburg (1992) a été créé après l’annonce du décès de Joan Mitchell. Riopelle a souhaité peindre ce tableau hors norme pour honorer leur ancienne relation et leur passion commune pour l’art. 

De nombreuses représentations de la nature habitent ses derniers travaux picturaux. Le peintre s'éteint le 12 mars 2002 dans sa demeure de L’Isle-aux-Grues. Des funérailles nationales ont lieu quelques jours plus tard en sa mémoire. Son héritage laisse une empreinte indélébile dans le monde de l’art canadien et Jean Paul Riopelle continue à être l’un des peintres québécois les plus connus. 

 

Pour en savoir plus, le balado Dépeindre Riopelle, disponible sur Ohdio, plonge dans la complexité et le destin remarquable du peintre.