Artiste à découvrir: Estée Preda, illustratrice

Artiste à découvrir: Estée Preda, illustratrice

8 octobre 2020

Racontez-moi un souvenir de jeunesse qui a pu avoir une influence sur votre choix de devenir illustratrice.
Le souvenir le plus marquant serait probablement lorsque ma mère me lisait des contes de Charles Perrault, de Hans Christian Andersen et des frères Grimm. Le livre en question avait de tellement belles illustrations. Mon introduction en jeune âge aux contes et aux fables a définitivement influencé mon travail actuel.

 

Comment qualifiez-vous votre style artistique.
Naïf et surréaliste.

 

La gouache et le papier sont vos outils de prédilection. Laissez-vous en permanence vos pinceaux et vos pots de gouache sur le coin d'une table pour ne pas perdre les idées spontanées?
Oui, tout à fait. C’est la raison pour laquelle mon studio est dans ma maison. J’ai déjà eu un studio à l’extérieur et je me suis rendue compte que beaucoup d’idées et d’envie de peindre me venaient lorsque je n’y étais pas. D’avoir un espace de travail disponible en tout temps m’a vraiment permis de capturer les idées à l’état le plus brut possible.

 

 

Quelles sont vos sources d’inspiration?
Je suis attirée par tout ce qui est surréel et fantastique. Pour moi, l’art est un échappatoire. Il faut donc qu’il soit déconnecté de ma réalité quotidienne. J’aime aussi beaucoup l’art folklorique pour son aspect candide. Il y a quelque chose de touchant dans le fait de créer un objet fonctionnel tout en lui donnant une personnalité unique.

 

Les contes, les histoires et les fables font partie intégrante de votre univers artistique. Quelles sont vos préférés?
Le conte le plus marquant serait La Petite Fille aux allumettes. Parce que c’était la première fois, en tant qu’enfant qui vivait dans une bulle de confort et de sécurité, que j’ai réalisé que ce n’était pas la réalité de tous les enfants. Un choix de lecture pour un enfant en bas âge peut-être un brin questionnable!

 

Vous écrivez dans votre description biographique que votre grand-mère était aux prises de terreurs nocturnes. Est-ce que la nuit vous inspire ou vous hante?
Elle m’inspire plutôt qu’elle me hante. Je demeure dans la forêt depuis deux ans maintenant et j’apprécie beaucoup la nuit ici. Elle paraît tellement en vie parfois avec ses animaux et insectes qui vaquent à leurs occupations nocturnes. C’est un sentiment réconfortant, je trouve.

 



 

Dans le cadre de la Journée internationale de la paix, vous avez eu la chance de participer à une résidence d'artistes au Château Frontenac. Parlez-moi de ce projet et de l'œuvre que vous avez créé.

J’ai été invité par MASSIVart à créer une œuvre sur un globe où j’y ai représenté la rencontre de 1943 de Churchill, Roosevelt et Mackenzie King pour mettre fin à la Seconde Guerre Mondiale. Cette rencontre s’était tenue au Château Frontenac et pour souligner cet événement, j’ai peins une scène utopique où j’ai intégré des symboles héraldiques français (les griffons et le fleur de lys) et Anglais (les lions et la rose) qu’on peut retrouver dans certains coins du Château. C’était vraiment une expérience surréaliste de passer quelques jours à faire de l’art dans la suite de Monsieur Churchill et à explorer le mythique Château Frontenac!

Un de mes moments préférés a été lors de l’installation dans le hall d’entrée. Nous venions tout juste de finir quand un autobus de touristes a débarqué. Ça faisait à peine 5 minutes que l’œuvre vivait dans son nouvel environnement que déjà il y avait une file pour la prendre en photo. Ça m’a fait plaisir de la voir appréciée ainsi.




Parlez-moi de la représentation visuelle que vous avez fait de Jaune, album mythique de Jean-Pierre Ferland.
J’ai mis l’album toute une journée et j’ai fait des esquisses de tout ce qui me venait en tête. Ce qu’il m’a inspiré c’est une nostalgie de rester jeune. J’ai pensé qu’une fontaine de jouvence comme élément principal serait propice et après j’ai complété en ajoutant quelques références à certaines chansons comme Le chat du café des artistes et la neige en été comme dans Sing Sing, par exemple. Dans mes recherches, j’ai appris que c’était un des premiers albums psychédéliques du genre au Québec, alors je voulais vraiment refléter cet aspect.

 

Des couvertures de livres, des installations, des expositions solo, des projets sur textiles et des tatouages temporaires. Est-ce que la variété des projets et des médiums est synonyme de plaisir pour la créatrice que vous êtes?
Absolument. Je suis une vraie girouette et j’aime explorer plutôt que me spécialiser. J’aime garder mes options ouvertes au cas où je découvrirais mon prochain médium de prédilection.


 

Décrivez-nous le lieu inspirant, le moment qui provoque l'élan créatif, la routine, ou l'ambiance propice pour trouver vos meilleures idées?
Avec le temps, je me suis rendue compte qu’un certain détachement est nécessaire à la création. Et donc moins je pense à l’art, meilleures sont les idées au final. C’est comme si j’enlevais une pression à produire qui peut être restrictive. Ça me permet de toucher des concepts plus subconscients et je pense que ce sont là que les meilleures idées se cachent pour moi. Donc ma routine est simplement d’alimenter ma curiosité pour des sujets qui m’intéressent et éventuellement et de façon complètement inexplicable, une idée surgit.

 


 

Vous faites partie du projet musical du compositeur et interprète Gus Englehorn. Parlez-moi de cette facette de votre vie artistique.
La musique de Gus Englehorn, c’est un projet vraiment passionnant dans lequel je joue principalement de la batterie. C’est le fun parce que ma contribution au projet n’a pas besoin de se soucier de la partie difficile qui est d’écrire les chansons et de construire l’univers. Puis ça me donne la chance d’explorer la performance à travers les prestations en direct et la création de vidéoclips. Ultimement, ça brise ma routine et nourrit ma discipline visuelle.

 

Partagez-nous l'un des coups de cœur culturels importants de votre vie.
Un coup de cœur majeur a été la découverte de l’artiste Henry Darger. Son travail me touche énormément. Il y a une authenticité et une naïveté que j’ai rarement vu ailleurs. Son univers coloré est peuplé de créatures fantastiques. Pour moi, c’est vraiment l'un des grands maîtres.


Nommez-moi des objets importants qui font partie intégrante de votre vie, ceux qui nourrissent votre créativité.
Mes tapis antiques roumains: ils incarnent l’appréciation que j’ai pour mon héritage et pour le savoir-faire des gens d’autrefois. Ils sont tissés à la main et sont garnis de symboles utilisés depuis des millénaires. Ce que je trouve encore plus fascinant, c’est que les motifs sont réalisés de mémoire. C’est une belle matérialisation de la mémoire collective.

Mes livres d’histoire: Je collectionne beaucoup de livres sur l’époque médiévale. C’est une période vraiment captivante non seulement dans ses événements mais aussi pour son art. J’aime particulièrement le symbolisme dans les œuvres. Il affectait la place et la proportion des éléments illustrés. J’aime aussi comment les artistes de l’époque ne maîtrisaient pas très bien les perspectives. C’est certainement une source d’inspiration pour moi qui partage le même problème!

Ma petite collection de trouvailles inusitées, vintages et antiques: Je ne suis pas quelqu’un qui amasse énormément mais lorsque je trouve quelque chose pour lequel j’ai un réel coup de cœur, je me gâte. Généralement, la pièce est unique et elle raconte une histoire.



Quel serait l’un des vos rêves de création les plus fous?
De matérialiser mon univers dans une compagnie de ballet du style des Ballets Russes du début du siècle et de me charger du design des costumes.

 

Quels sont les projets qui sommeillent dans la tête de Estée Preda?
Ça fait plusieurs années que je veux explorer le monde textile. J’ai réalisé ma première courtepointe il y a quelques mois et j’y est vraiment pris goût. J’aimerais en créer d’autres et intégrer plus d’éléments figuratifs qui racontent des histoires.

 

Quel est votre meilleur conseil à donner à un/une jeune artiste en devenir?
D’avoir un train de vie vraiment bon marché où il est possible de créer à temps plein.

 


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