Des ouvrages LGBTQ+ pour tous les goûts et âges
Claire-Marine Beha
15 mai 2023
Le 17 mai a lieu la Journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, une date porteuse de sens puisque c’est le 17 mai 1990 que l’homosexualité a cessé d’être considérée comme une maladie mentale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cet événement de sensibilisation aux réalités LGBTQIA+ est une occasion de diversifier sa liste de lectures et d’y ajouter quelques ouvrages où les réflexions et communautés queers sont à l’avant-plan. Essais, fictions, jeunesse… Voici 13 livres pour tous les intérêts et tous les âges.
Essais
Je suis un monstre qui vous parle – Paul B. Preciado (Grasset)
Cet essai de l’auteur et philosophe trans Paul B. Preciado est une retranscription de sa conférence dans laquelle il s’est adressé, en 2019, à 3500 psychanalystes. Avec éloquence, il dénonce les origines homophobes, transphobes et colonialistes de leur discipline et remet en question la surmédicalisation des personnes non conformes dans le genre, ayant été lui-même diagnostiqué « malade mental » et « dysphorique du genre ». Ce texte percutant nourrit la réflexion et prend position en faveur de pratiques psychologiques et psychanalytiques moins discriminantes.
Nouvel éloge de la diversité sexuelle – Michel Dorais (VLB éditeur)
Il s’agit de l’un des premiers ouvrages francophones à avoir répondu en profondeur à plusieurs questions autour des identités de genre et des orientations sexuelles dans un but de démystification et d’éducation. Cette nouvelle version de 2019 – parue 20 ans après la première parution – inclut les dernières luttes et revendications queers et féministes et met en exergue une pensée à la fois inclusive et moderne. Son auteur, le sociologue, professeur et intervenant social québécois Michel Dorais, mêle avec pédagogie des définitions pertinentes et intelligibles à la vulgarisation historique pour aider son lectorat à naviguer dans un monde où les identités sont de plus en plus riches.
Sortir de l'hétérosexualité – Juliet Drouar (Binge)
L’hétéronormativité – la présomption que l'hétérosexualité est la norme – a des conséquences directes sur tous les individus, qu’ils appartiennent aux groupes LGTBTQIA+ ou non. Juliet Drouar analyse dans ce court essai son incidence sur le genre, l'orientation sexuelle, les relations intimes et sociales, les dynamiques de pouvoir et les hiérarchies, mais aussi la construction du couple. Le résultat : un manifeste en faveur de l’égalité et de l’épanouissement qui refuse un modèle unique contraignant.
Bandes dessinées
Genre queer – Maia Kobabe (Casterman)
Cette bande dessinée romanesque retrace le parcours autobiographique de Maia Kobabe, une personne non binaire et asexuelle qui est à la quête de sa propre définition. Le chemin est parfois sinueux mais enrichissant, ponctué de coming out et d’élans émancipateurs pas forcément évidents dans un monde où le féminin et le masculin dominent et laissent peu de place aux autres possibilités. On accède aux souvenirs attendrissants et aux réflexions intimes de l’artiste, qui déplore que l’on ait à ce point besoin d’étiquettes en société. Voilà un récit qui touche autant par son humanité que par ses superbes illustrations.
J'aime les filles – Diane Obomsawin, alias Obom (L’Oie de Cravan)
Bédéiste québécoise incontournable, Diane Obomsawin, connue également par son surnom Obom, a demandé à dix de ses amies qui aiment les femmes de lui raconter leur premier amour. Ce sont donc autant de témoignages que l'autrice et illustratrice nous livre à travers ses mots et ses dessins à la fois poétiques et émouvants. Obom transcrit avec tendresse ces « sorties de placard » et ces récits romantiques qui plongent le lectorat de ce véritable hymne à l’amour lesbien dans ses propres souvenirs adolescents. L’ouvrage approche le sujet de l’homosexualité sans tabous ni préjugés. Une adaptation en court métrage a également vu le jour du côté de l’Office national du film (ONF).
Corps vivante – Julie Delporte (Pow Pow)
L’illustratrice et autrice Julie Delporte est « devenue » lesbienne sur le tard, après avoir essayé d’aimer les hommes et d’être une partenaire hétérosexuelle dans les standards, en vain. C’est depuis qu’elle a 35 ans qu’elle se permet enfin de vivre son amour et son désir pour les personnes du même genre qu’elle; malgré tout persiste en elle un sentiment d’imposture qu’elle expose dans cette bande dessinée. À travers ses coups de crayon délicats et colorés ainsi que sa prose à la fois percutante et franche, elle nous invite à retracer son histoire personnelle. L’ouvrage rappelle qu’il n’y a pas d’âge pour s’identifier comme homosexuelle.
Romans et poésie
La fille d'elle-même – Gabrielle Boulianne-Tremblay (Marchand de feuilles)
Ce roman de Gabrielle Boulianne-Tremblay a beaucoup fait parler de lui depuis sa parution en 2021. On y découvre l’histoire d’une fille qui se fait dire qu’elle est un garçon. En quittant sa bourgade natale, la protagoniste assiste à sa propre renaissance, non sans embûches et incompréhensions de la part de celles et ceux qui l’aiment. Cette autofiction d’une vulnérabilité poignante nous immerge dans le parcours d’une femme trans qui n’a d’autre choix que de devenir elle-même si elle veut survivre. Le résultat est un livre impressionnant qui nous offre un regard réaliste et saisissant sur le processus de transition.
N'essuie jamais de larmes sans gants – Jonas Gardell (Alto)
S’il y a une crise qui a participé à ostraciser davantage les communautés LGBTQIA+, c’est bien celle du sida. Ce roman qui se déroule dans la Suède des années 1980 nous entraîne au cœur d’une pandémie qui a fortement touché les hommes gais. Rasmus et Benjamin nourrissent un désir d’émancipation et leurs chemins se croisent à Stockholm, lors d’un souper de Noël qui a lieu dans une petite communauté gaie. Toutefois, une maladie encore peu connue décide du destin de ce groupe d’amis… Ce récit, empreint de lyrisme, nous rappelle que la tolérance est essentielle et qu’à une époque pas si lointaine souffraient et mouraient dans la plus grande ignorance des millions de personnes homosexuelles.
Des fleurs comme moi – Xavier Gould (Prise de parole)
Xavier Gould, originaire de Moncton, s’est d'abord fait connaître sur la plateforme TikTok et dans des spectacles de drag queen en Acadie. Dans ce premier recueil de poésie, l’artiste multidisciplinaire aborde de front ses expériences et traumatismes liés à son identité queer, des événements de discrimination vécus à l’enfance à son éclatement identitaire qu’il lui a été difficile d’accepter. Malgré la douleur ressentie, ses poèmes portent en eux à la fois la fierté d’exister dans la marge sans concession et celle d’utiliser la langue chiac.
Jeunesse
Moi, Calvin – JR et Vanessa Ford, illustrations de Kayla Harren (Scholastic)
Cet album jeunesse illustré qui s’adresse aux enfants de 2 à 7 ans raconte avec beaucoup de douceur l’histoire d’un jeune garçon transgenre. On comprend ce qui se passe dans le cœur de l’enfant, qui doit annoncer à sa famille et ses camarades qu’il est un garçon. Ses parents l’accompagneront dans sa découverte identitaire, mais Calvin se demande s’il sera accepté à l’école. Ce livre a été écrit par les parents d’un enfant transgenre dont les propres expériences ont été une source d’inspiration importante. Le résultat : un récit accessible et attendrissant pour amorcer les discussions avec de jeunes enfants.
Le rose, le bleu et toi! – Elise Gravel (La courte échelle)
La populaire illustratrice Elise Gravel aborde de front les stéréotypes de genre et les diverses orientations sexuelles pour les 5 à 12 ans. Les garçons ont-ils le droit de pleurer? Que signifie être un garçon ou une fille? Les filles peuvent-elles aimer les filles? Ce livre, rempli de questions que se posent les enfants, contient des réponses simples, claires et sans tabous qui invitent les jeunes à ressentir de la fierté pour la personne qu’ils et elles sont! Avec ses dessins ludiques et son franc-parler, l’autrice encourage les enfants à faire preuve d’acceptation envers leur propre personne et les autres.
Le dernier qui sort éteint la lumière – Simon Boulerice (Québec Amérique)
Dans ce roman destiné aux 12 ans et plus, Simon Boulerice brosse le portrait d’une famille homoparentale constituée de deux pères et de leurs jumeaux, Arnold et Alia, un frère et une sœur aux caractères bien distincts qui s’apprêtent à célébrer leur 13e anniversaire. Leurs pères leur écriront alors 13 lettres à l’issue desquelles la fratrie saura lequel des deux est le parent biologique. Or la génétique est-elle à ce point importante? Proposant une immersion dans le quotidien d’une famille aimante, ce roman offre une visibilité aux parents queers et à leurs enfants, une réalité encore sous-représentée en littérature.
Ciel, tome 1 : Comment survivre aux deux prochaines minutes – Sophie Labelle (Hurtubise)
Il s’agit du premier roman de l’autrice trans montréalaise Sophie Labelle, qui est également derrière la bande dessinée web Assignée garçon. Avec la série Ciel, elle offre aux 10 à 14 ans une protagoniste sympathique et drôle qui vit toutes les péripéties qu’engendre le passage au secondaire : l’école, sa relation à distance avec son petit ami islandais, son emploi à temps partiel, sa vie sur les réseaux sociaux, etc. Malgré sa transidentité, Ciel est une héroïne à laquelle les ados peuvent s’identifier. En effet, si l’ouvrage aborde des enjeux LGBTQ+, il fait également une large place aux aléas qu’affrontent l’ensemble des jeunes. Un deuxième tome est également paru.