Les livres de fiction québécois qui ont marqué l’année
Claire-Marine Beha
4 décembre 2023
L’année 2023 a été foisonnante pour la littérature d’ici! Que l’on aime les récits en fragments, le genre fantastique, les enquêtes ou encore les autofictions, voici plusieurs ouvrages québécois à lire absolument!
Qimmik, de Michel Jean (Libre Expression)
Michel Jean nous emmène à la rencontre de la culture inuit du Nunavik dans ce roman qui suit deux trames historiques différentes. Ce récit poignant met en valeur plusieurs personnages bien loin des clichés, sans toutefois taire les injustices et les difficultés auxquelles font face les Inuit, notamment dans leurs relations avec les forces de l’ordre. Avec Qimmik, l’écrivain innu continue d’écrire sur les Autochtones et parvient à captiver le public en trouvant la juste harmonie entre intrigue fascinante et roman social. La réalisatrice Anik Jean a annoncé qu’elle adapterait le roman au grand écran.
Personnages secondaires, de Jeanne Dompierre (Québec Amérique)
Après une sortie dans un bar, Chrystelle Fournier disparaît, et tout porte à croire qu’un crime a été commis. Amaryllis et Sarah, qui l’accompagnaient ce soir-là, seront bouleversées par cet événement qui n’arrive généralement qu’aux autres, tandis qu’une journaliste en herbe, adepte d’histoires de true crime, mène l’enquête sur un éventuel tueur en série qui rôde à Montréal. À la fois pince-sans-rire et grave, ce roman aux allures de polar psychologique regorge en fait de réflexions féministes sur l’amitié, les violences faites aux femmes et la banalisation des féminicides. Avec tact, l’autrice nous offre une histoire bien ficelée, des personnages complexes et un fait divers « classique » qui n'a rien d’ordinaire.
Ce que je sais de toi, d’Éric Chacour (Alto)
Dans ce premier roman couronné de succès à travers la francophonie, Éric Chacour nous plonge dans la réalité d’un jeune homme médecin, issu d’une famille du Caire, dont la vie semble toute tracée. Mais à la suite d’une rencontre significative, Tarek prend malgré lui possession de son destin et finit par s’exiler à Montréal. Avec ses mots élégants et percutants, l’auteur fait appel à nos sens pour nous rapprocher des sensations fortes vécues par le protagoniste. L’histoire nous tient en haleine dès les premières pages et aborde de manière lumineuse des thèmes profonds comme l’identité, l’homosexualité en Égypte, la religion et les traditions, ainsi que le vertige de choisir sa vie.
Les prophéties de la montagne, de Pattie O'Green (Marchands de feuilles)
Œuvre littéraire singulière qui emprunte autant au roman d’aventure qu’à l’essai et qui foisonne de fragments à saveur philosophiques, Les prophéties de la montagne nous entraîne sur les sentiers du mont Royal à la découverte de ses oiseaux, de sa flore, de ses sculptures, de son histoire, de sa résilience et de sa magie. L’autrice parvient dans un même souffle à nous transmettre ses propres interrogations sur la vie ainsi que sur les enjeux collectifs qui se jouent sur la montagne montréalaise. Inclassable, cet ouvrage sociologique, parsemé de quelques fantaisies qui nous bercent à la manière d’un bain de forêt, porte son attention sur tous les recoins du mont Royal et nous invite à considérer cet espace naturel sous un nouvel angle.
Faire la romance, de Sarah-Maude Beauchesne (Cardinal)
L’autrice, connue pour son blogue et la série Fourchette qui en a découlé, fait paraître un récit autofictionnel dans lequel, au croisement des chemins, elle s’interroge sur son désir de maternité, mais aussi sur son rapport à l’amour. Veut-elle faire un enfant, ou bien « faire la romance »? En remontant le fil de ses expériences personnelles, Sarah-Maude Beauchesne nous emmène au cœur de sa quête identitaire et de son besoin de façonner une vie qui lui ressemble. Il s’agit d’un ouvrage intime rédigé à la première personne et dans lequel plusieurs personnes pourront reconnaître leurs propres craintes, leurs espoirs et les relations qui ont bouleversé leur trajectoire.
La version qui n'intéresse personne, d’Emmanuelle Pierrot (Le Quartanier)
La jeune Sacha et son ami Tom, à peine majeurs, quittent Montréal sur le pouce en direction du Yukon. Ils s’installent au sein d’une communauté de personnes marginales qui vivent sans eau courante ni électricité. Mais lorsque Sacha tombe amoureuse d'un homme, Tom décide de la punir et monte tous les gens du village de Dawson City contre elle. En pleine pandémie, l’utopie anarchiste se transforme vite en cauchemar pour la jeune femme, qui devient victime de haine et de jalousie. Une lecture où la tension croît au fil des pages et qui se transforme en huis clos insoutenable. Emmanuelle Pierrot porte un regard acerbe sur la consommation et la misogynie. Un premier roman qu’on n’oublie pas.
La semeuse de vents, tome 1 : la respiration du ciel, de Mélodie Joseph (VLB Éditeur)
Ce récit afrofuturiste nous amène dans la Tourmente, une contrée dévastée par un brouillard toxique. La jeune Olive, bien qu’ayant perdu une partie de sa mémoire, a survécu dans ce climat nocif et réalise qu’elle possède un pouvoir inquiétant. Ce tout premier roman québécois du genre science-fiction et imaginaire africains (afrofantasy) se déroule au cœur d’un territoire qui rappelle l’archipel caraïbéen, et il nous tient en haleine. C’est le premier tome d’une tétralogie prometteuse.
La blague du siècle, de Jean-Christophe Réhel (Del Busso Éditeur)
L’auteur, lauréat du Prix littéraire des collégiens pour son roman Ce qu'on respire sur Tatouine, ose ici rire de la précarité et du deuil. Mais c’est justement pour ne pas tomber dans l’apitoiement qu’il use de l’humour et de l’absurde pour désarmer la souffrance. Louis, jeune trentenaire, rêve d’être humoriste, mais pour le moment, il travaille au Tim Hortons et habite avec son frère schizophrène et son père, atteint d’un cancer incurable. Malgré les injustices et la détresse, l'amour règne dans cette famille pauvre, étonnante et drôle qui nous fait passer du rire aux larmes, et vice versa! Un livre dont on ne sort pas indemne.
Les glaces, de Rébecca Déraspe (Éditions de ta mère)
On se permet une petite digression, puisque cette fiction est une pièce de théâtre, mais elle s’apprécie tout autant à travers la lecture que sur scène. Il est question d’une mère, Noémie, qui apprend que son fils est accusé d’agression sexuelle. En résulte une plongée dans ses propres traumatismes, dont son corps se souvient toujours, ainsi qu’une confrontation avec les hommes qui ont commis des violences à son égard. Cette histoire incisive, mais nuancée à plusieurs égards, traite avec habileté de consentement et de dilemmes moraux, et braque l’éclairage sur la culture du viol et ses nombreuses conséquences.
Galumpf, de Marie-Hélène Poitras (Alto)
Onze nouvelles forment ce recueil dans lequel l’humanité dévoile toute sa beauté dans ses imperfections et ses blessures. Avec sa plume agile, la romancière nous offre des incursions dans la vie de personnages qui se croisent parfois, mais possèdent tous des réalités différentes. Il est question d’une jeune fille qui tente d’apprivoiser un gros chien, d’une nuit d’amour dans une église, d’un animateur de radio désormais réduit au silence, d’une femme qui renoue avec sa passion pour l’équitation, d’empathie, etc. Parfois cru, souvent poétique, Galumpf a remporté un Prix littéraire du Gouverneur général.
Découvrez des romans étrangers qui ont marqué 2023.