Artiste à découvrir: Camille Perro, illustratrice et artiste tatoueuse
Patrick Dupuis
2 février 2021
Racontez-moi un souvenir de jeunesse qui a pu avoir une influence sur votre choix de devenir illustratrice.
Ma famille valorisait beaucoup la créativité. J’ai des souvenirs de ma grand-mère qui nous amenait, ma sœur et moi, à ses cours de peinture, et de ma tante qui a longtemps organisé des ateliers où se réunissaient les femmes de la famille pour des après-midi de création. Mes parents nous ont toujours vivement encouragées, ma sœur et moi, à poursuivre ce qui nous passionnait. J’ai été très chanceuse!
En vos mots, décrivez-moi votre style artistique.
Mon style artistique se définit par une certaine douceur. Même mes illustrations à saveur plus politiques se trouvent à être empreintes de cette aura-là. La palette de couleurs est souvent réduite. J’utilise rarement plus de quatre ou cinq crayons pour réaliser une illustration. Je prends également beaucoup de plaisir à travailler des formes organiques, surtout pour mes personnages. Je pense que c’est un élément qui transparaît dans mon travail.
Décrivez-nous votre lieu inspirant de prédilection.
Je travaille généralement dans le petit atelier installé chez moi. C’est une pièce lumineuse, les murs sont remplis d’affiches et de dessins, mon matériel est à portée de main et mon chien dort sous la table de travail. Bref, c’est très chaleureux!
Quelle est votre routine de création?
Je trouve important de conserver une certaine routine, mais encore plus d’accepter qu’elle puisse être flexible. J’apprécie la liberté de laisser un projet de côté quelques heures, voire quelques jours quand c’est possible, pour le laisser mijoter.
Quelles sont vos sources d’inspiration?
Comme beaucoup d’artistes, je pêche beaucoup dans mon propre univers émotif. Outre cela, je suis très inspirée par le monde naturel, surtout par les plantes et les animaux étranges. Voir l’étendue des espèces qui existent dans le monde me pousse à élargir ma façon de penser visuellement à un sujet ou à un objet. Ça défie l’imagination!
Vous avez créé une magnifique série d’illustrations et de typographies pour le Guide de survie des études collégiales. À quoi ressemblaient les agendas de la jeune étudiante et artiste en devenir que vous étiez?
Remplis mur à mur! Jongler entre mes études, mon emploi et mes projets personnels nécessitait que je sois ultra-organisée. Mine de rien, un bon design d’agenda y joue un rôle important. J’étais donc très heureuse de pouvoir travailler sur un agenda qui soit à la fois joli, pertinent et efficace, sachant à quel point ça peut faire la différence dans une session.
Sous la supervision de l’illustrateur émérite Pol Turgeon, vous avez créé avec humour Tout ce qui m’gosse, une liste de toutes les choses qui vous tapent sur les nerfs. Qu’avez-vous appris de votre professeur?
L’objectif de cette liste était de développer une approche qui me soit un peu plus personnelle et de « trouver mon style ». Choisir un sujet de nature humoristique et proche de mon quotidien me semblait être une bonne façon d’approcher ma recherche stylistique. C’est assurément une réalisation importante dans mon parcours. Pol m’a d’ailleurs énormément guidée dans cette recherche. Je ne serais pas sortie de l’université avec les compétences et la confiance que j’avais sans son soutien. Il a été un professeur très marquant dans mon parcours et je pense encore souvent aux histoires qu’il nous racontait sur son propre cheminement professionnel.
Votre nom d’artiste tatoueuse est Promis juré. Vous réalisez des tatouages à l’aide d’une simple aiguille trempée dans de l’encre. Parlez-moi de facette de votre création?
Se faire tatouer est une expérience qui diffère énormément d’une personne à l’autre. Ça peut être plutôt récréatif et décoratif, mais ça peut aussi faire partie d’un processus de guérison et de réappropriation du corps. Pour certaines personnes, ça peut être même très spirituel. C’est donc important pour moi d’offrir un espace sécuritaire, réconfortant et libre, et de développer ma pratique autour de concepts tels que l’accessibilité, le consentement et le care.
Travailler à la main contribue à cette approche. Par conséquent, le tatouage me permet de travailler plus près de mes valeurs au quotidien et plus près des personnes en contact avec mon travail, ce que je trouve extrêmement enrichissant.
Parlez-moi d’un ou une artiste de votre discipline que vous affectionnez particulièrement.
J’admire beaucoup le travail du studio Icinori que j’ai découvert il y a quelques années à l’Expozine. Je suis immédiatement tombée amoureuse avec son univers qui représente souvent toutes sortes de petits personnages dans des paysages un peu surréalistes et très géométriques, mais aussi surprenamment organiques. Le tout est présenté dans des ouvrages qui sont également des objets magnifiques.
Nommez cinq objets importants qui font partie intégrante de votre vie, ceux qui nourrissent votre créativité.
Une poignée de crayons de bois, un grand sketchbook moche sur lequel je peux barbouiller sans trop angoisser à l’idée qu’il soit gâché, une palette de papier calque, une petite collection de zines que je consulte souvent pour m’inspirer, un livre qui m’a énormément marquée et inspirée créativement, mais politiquement également : How to Do Nothing, de Jenny Odell. C’est une lecture qui m’habite depuis plusieurs mois et me fait beaucoup réfléchir à l’exercice de porter attention.
Quel serait l’un de vos rêves de création les plus fous?
L’idée de créer une coopérative de création flotte dans ma tête depuis très longtemps. J’ai toujours voulu travailler entourée de camarades. J’aimerais que l’on soit un jour en mesure de nous approprier un espace pour en faire un lieu de création commun pour y organiser des expositions, des ateliers et de le mettre à la disposition d’autres artistes ou organismes qui en auraient besoin. Bref, un peu tout ce qu’on voudrait bien faire de cet espace!
Quels sont les projets qui sommeillent dans la tête de Camille Perro?
Je pense qu’un des grands avantages de ma double posture (tatoueuse et illustratrice) est la liberté créative. En diversifiant mes sources de revenus, je peux me permettre une approche plus exploratoire dans ma pratique de l’illustration. J’aimerais donc recommencer à explorer différents médiums, surtout la sérigraphie. J’en ai fait beaucoup à l’université et ça m’est toujours resté en tête depuis. De là, les projets sont vraiment nombreux. De plus, je suis toujours à la recherche de collaborations. Dans ce sens, un projet de livre et d’autres petites publications maison sont à l’horizon, si le temps me le permet évidemment.
Quel est votre meilleur conseil à donner à un ou une jeune artiste en devenir?
Mon meilleur conseil serait de ne pas lâcher le morceau, d’exposer son travail au maximum et d’explorer toutes sortes d’avenues. Ça m’est arrivé tellement souvent de soumettre mon nom et mon travail et que ça ne porte ses fruits que six mois ou un an plus tard, parfois sous des formes que je n’aurais jamais pu prévoir! Connecter avec d’autres artistes est aussi un indispensable. Ça aide à se rappeler que c’est un processus qui est long et précaire pour beaucoup d’entre nous. C’est important de se soutenir là-dedans!
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