Artiste à découvrir : Luc Melanson, illustrateur

Artiste à découvrir : Luc Melanson, illustrateur
Luc Melanson

2 décembre 2020

Racontez-moi un souvenir de jeunesse qui a pu avoir une influence sur votre choix de devenir illustrateur.

Quand j'avais 10 ou 11 ans, je faisais des dessins pour le bulletin d'information photocopié du CLSC où ma mère travaillait. Je me rappelle aussi avoir illustré une annonce qui avait été publiée dans le journal pour un magasin d'appareils électroniques. On m'avait donné un baladeur en échange de mon dessin. Ensuite, au secondaire et aussi au cégep, j'ai collaboré aux journaux étudiants en faisant des dessins et des bd. J'ai aussi illustré la couverture de l'album des finissants de mon école. Mais c'est seulement à la fin de mon DEC en arts que j'ai découvert que l'illustration pouvait être un métier. Après mon baccalauréat en design graphique, j'ai décidé de tenter ma chance. De toute façon, c'était un peu comme poursuivre ce que je faisais déjà.

Pendant vos études en design graphique à l'Université du Québec à Montréal, vous avez fait une rencontre qui a été déterminante pour vous, avec la professeure et illustratrice émérite Michèle Lemieux. Racontez-moi pourquoi.

J'ai fait le cours de design graphique dans le but avoué de devenir illustrateur. Ma rencontre avec Michèle Lemieux a été très marquante. D'abord, c'est une artiste exceptionnelle et c'est quelqu'un qui nous tire vers le haut. Le simple fait de la côtoyer donne envie de devenir meilleur. Elle m'a soutenu et encouragé. Je lui en suis très reconnaissant.


L'illustration pour des albums jeunesse a été l'une de vos spécialités. Parlez-moi du plaisir à illustrer pour un jeune public. 

L'illustration, c'est un langage. On raconte une histoire avec des images. D'ailleurs, c'est le premier contact que les enfants ont avec la lecture. Ils apprennent à lire les images tout seuls bien avant qu'on leur apprenne à décoder les mots. Ça permet de stimuler leur imaginaire alors qu'ils sont très jeunes. C'est très motivant de pouvoir contribuer à ça.

Vous avez longtemps créé avec des outils traditionnels comme le papier, le pastel et le fusain. Aujourd'hui, le numérique est au cœur de vos illustrations. Quel est le moment déclencheur d'un tel changement stylistique et décrivez-moi votre style actuel.

J'admire beaucoup les artistes qui travaillent encore de façon traditionnelle. J'ai hésité un moment avant de passer au numérique. J'avais l'impression de tricher. En même temps, je suis curieux de nature et j'aime essayer de nouvelles choses. Les logiciels Photoshop et Illustrator m'ont ouvert un monde de possibilités. Ces outils permettent de procéder par essais et erreurs sans ruiner le travail déjà accompli, contrairement à l'aquarelle ou au fusain qui ne pardonnent pas. Avec les délais très courts qu'on a en illustration, c'est un grand avantage. L’outil qu'on utilise finit inévitablement par influencer notre style. En ce qui me concerne, avec le numérique, mon style est devenu plus épuré, plus géométrique et plus précis. C'est peut-être ma formation en design graphique qui a refait surface.

Quel est votre lieu inspirant de prédilection et quelle est l'ambiance propice pour trouver vos meilleures idées?

En illustration, on a rarement le luxe d'attendre d'avoir l'ambiance idéale pour créer. J'ai des enfants, alors j'ai dû apprendre au fil des années à travailler n'importe où. Je préfère travailler chez moi, mais je traîne mon carnet d'esquisses (et mon portable si nécessaire) un peu partout : dans le métro, les arénas, chez le dentiste, en vacances, etc. Mon inspiration n'est pas associée à un lieu, mais davantage à un état d'esprit. Ce n'est pas toujours facile, mais il faut savoir se placer dans une sorte de bulle créative. J'essaie de me mettre dans cet état de réceptivité pour laisser les idées arriver peu importe où je me trouve.
 

Plusieurs de vos illustrations ont un caractère éditorial. Comment réussissez-vous à conceptualiser des idées sans tomber dans les clichés visuels?

C'est ça le défi. Comme illustrateur, on doit utiliser un langage qui doit être décrypté par le plus grand nombre. Ça veut dire qu'on doit parfois avoir recours à certains symboles qui peuvent être des clichés. Ça fait partie de notre boîte à outils. Par contre, pour faire une image intéressante, il faut savoir se renouveler, inventer de nouvelles combinaisons qui vont créer un effet de surprise. Sinon, on tombe dans la facilité.

Quelles sont vos sources d'inspiration?

Je trouve souvent des idées en feuilletant mes carnets d'esquisses. Que ce soit pour des commandes ou des productions personnelles. Le sketchbook, c'est une sorte de laboratoire d'exploration où je note et dessine tout ce qui me passe par la tête. C'est souvent là que se trouve l'étincelle qui sera le point de départ d'un projet de plus grande envergure.
 

Parlez-moi d’un ou d'une artiste de votre discipline que vous affectionnez particulièrement.

J'aime beaucoup Federico Jordan, un artiste mexicain. Il est illustrateur, mais aussi peintre et sculpteur. Il est très prolifique et d'une créativité impressionnante.

Vous jouez de la batterie dans un groupe de style rockabilly et un groupe de jazz. Plusieurs de vos illustrations portent sur la musique. Parlez-moi de l'importance de la musique dans votre vie.

La musique a toujours été présente dans ma vie. La percussion, c'est un peu ma méditation. Ça peut sembler paradoxal, mais quand je répète des motifs rythmiques en me concentrant sur le mouvement et la précision du geste, c'est assez zen. Ça oblige à être dans le moment présent. En plus, jouer avec d'autres musiciens, communiquer par la musique, c'est vraiment un plaisir unique.
 

Vous créez des bandes dessinées en quatre cases. Parlez-moi du plaisir de raconter ces courtes histoires.

Oui, j'aime bien la bande dessinée sans texte. La série The Little King d'Otto Soglow entre autres. C'est un exercice de concision assez intéressant pour raconter une histoire. La plupart du temps, la contrainte nous pousse à chercher des solutions originales. J'aimerais même pousser le minimalisme un peu plus loin, vers quelque chose de plus abstrait ou de plus surréaliste, moins narratif. On verra ce que ça donnera.
 

Parlez-nous d’un coup de cœur culturel important de votre vie créative.

À 12 ans, j'ai trouvé par hasard à la bibliothèque de l'école un livre dont la couverture m'avait attiré : La cantatrice chauve, de Ionesco. Sa folie et son humour m'ont laissé une forte impression. J'ai découvert là une liberté totale de création qui me séduisait beaucoup. Je ne savais pas quelle forme ça prendrait, mais ça m'a donné envie d'inventer un univers, de devenir un artiste. En plus, j'ai découvert bien des années plus tard que l'illustration de la couverture qui m'avait tant impressionné était l'œuvre du génial Saul Steinberg!
 

Nommez-moi cinq objets importants qui font partie intégrante de votre vie, ceux qui nourrissent votre créativité.

Un beau triptyque de mon ami Alain Reno, mon anthologie d'Otto Soglow, ma vieille batterie Yamaha, mon vinyle Kind of Blue de Miles Davis et un appareil photo Voigtländer des années 60.

Quel serait l’un de vos rêves de création les plus fous?

Réaliser une mosaïque pour le métro de Montréal.
 

Quels sont les projets qui sommeillent dans votre tête?

Présentement, je m'amuse beaucoup à apprendre le logiciel d'animation After Effects. Je ne sais pas encore où ça me mènera, mais il y aura du mouvement dans mes illustrations.
 

Quels conseils donneriez-vous à un ou une jeune artiste en devenir?

Dessiner le plus souvent possible sans trop anticiper le résultat. Se donner le droit à l'erreur. Essayer de se surprendre soi-même.


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